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Full text of "L'Ukraine; un aperçu sur son territoire, son peuple, ses conditions culturelles, ethnographiques, politiques et économiques"

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U UKRAINE 



nilUlillIlimiHHIIIIIIIIIUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIllllllllllllllllllHHIlUillltl^ 



UN APERÇU 

SUR 

'••••-■ . ■ 

SON TERRITOIRE, SON PEUPLE, 

SES CONDITIONS CULTURELLES, 

ETHNOGRAPHIQUES, POLITIQUES 

ET ÉCONOMIQUES 



<& 



BERNE 
IMPRIMERIE R. SUTER & CIE 

1919 




COPY AODED 
ORIGHNAL TO BE 
RETAINEO 



- C3 15"^ 



'■i.i- 



Le frontispice représente le monument de BOHDAN KHMBLNITZKY 
sur la place de Ste-Sophie à Kiev. L'église au fond est la cathédrale 
, de Ste-Sophie. 



/• 









AVANT-PROPOS 



La grande guerre a fait s'évanouir Tune des plus 
grandes illusions qu'aient entretenues la plupart des peu- 
ples du siècle dernier. ' 

Cette illusion, c'était la foi en l'unité et l'homogénéité 
de l'Empire russe. Hier encore cette foi en l'existence 
d'une Russie forte et unie pouvait subsister ; aujourd'hui 
elle n'est plus qu'un pium desiderium de quelques uto- 
pistes politiques. 

De ce qu'on nommait la Russie il ne reste plus que 
quelques îlots séparés les uns des autres : la Finlande, 
l'Estonie, la Lettonie, la Lithuanie, la Pologne, la Ruthé- 
nie Blanche, la Géorgie, le Kouhan, la Moscovie et l'U- 
kraine. Le reste a été submergé et balayé par les flots 
de la guerre mondiale. 

Tout homme politique, fût-il totalement étranger à la 
Russie, a le devoir et même l'intérêt de se familiariser 
avec la nouvelle organisation des Etats qui ont surgi des 
décombres de la Russie. Le terme de «Russie» est in- 
exact, ce n'est plus à elle que nous avons à faire, mais 
bien plutôt à des nouveaux Etats qui évoluent et qui at- 
teindront un développement encore imipossîble à prévoir 
de nos jours. Chacun d'eux est actuellement en forma- 
tion. A l'heure, où l'Europe entière subit une transfor- 
mation profonde, il est nécessaire de réunir en un tout 
les informations principales les plus diverses concernant 
ces Etats. Nous commencerons de le faire pour le plus 
important d'entre eux — l'Ukraine. 



M542354 



Le but que nous nous proposons par la publication 
de cettie brochure» est de donner un aperçu de la vie éco- 
nomique, ethnique, politique et sociale de l'Ukraine sans 
négliger son influence civilisatrice. 



Aperçu historique de l'Ukraine. 

Au Xe siècle déjà, les Ruthènes formaient un puissant 
état à Kî-ev. Après avoir succombé sous le choc des hor- 
des tartares, l'état ruthène refleurit aux XlIIe et XlVe 
siècles sous la forme d'un royaume galicien-lodomérien. 
Plus tard, au XVe siècle, il devint grande principauté 
ruthénienne, sous la dynastie lituanienne. 

A cette époque, l'Ukraine était encore connue sous 
son véritable nom de «Ruthénie» (Rus.). A l'origine, ce 
nom n'impliquait pas une idée de race mais il signifiait 
plutôt xme communion de dominateurs et ^'étendait à 
tous les Slaves qui se trouvaient sous la souveraineté des 
princes ^ruthéniens7>. Le nom de Ruthénie était donné 
exclusivement au pays désigné aujourd'hui par «Ukraine» 
et connu comme tel aussi bien à l'étranger que dans l'état 
de RostovnSuzdal, le noyau de la Russie actuelle. Le ter- 
ritoire connu aujourd'hui sous le nom de Ruthénie-blan" 
che se nommait alors Lituanie, du fait qu'il se trouvait 
sous la domination des princes lituaniens ; quant à la 
Russie actuelle, elle se nommait Moscovie^ Au XFVe 
siècle, la Moscovie fit valoir ses droits à la succession 
des princes ruihéniens sur la capitale de Kiev (plus par- 
ticulièrement après l'annexion de l'Ukraine, c'est-à-dire 
de l'ancienne Ruthénie), elle conmiença à se faire dé- 
signer sous le nom de «Rus». Les Ukrainiens dès lors 
abandonnèrent celui qu'ils avaient porté jusque là et, afin 
d'éviter des confusions, prirent celui de «Ukraine» qui 
s'implanta peu à peu. Au Xlle siècle, Ukraine était syno- 
nyme de «Rus», ce n'est qu'au XVIIe siècle que ce terme 
trouve une application générale dans les pays désignés 
précédemment par «Rus». Ce n'est du reste pas le pre- 



6 

mière fois que nous constatons des faits seiniblaibles dans 
l'Mstoire; la Gaule-France, la Moldavie-Valachie-Rou- 
manie, la Seribie-Kroatie^lovénie, Yougoslavie, en sont 
des exemiples types. 

Ensuite de l'union de la Lituanie à la Pologne (1553), 
l'Ukraine recommence * à lutter en vue de son existence 
comme état indépendant. Ses efforts aboutirent diffé- 
remment: ce fut en 1659, son union avec la Pologne, 
en 1669 et 1672, avec la*Tu«îuîe,ven 1652, avec la Suède 
(Charles XII), en 1708—1710, et eirfîrir avec la Rus- 
sie. Cette dernière alliance fut fréquemment rompue de 
part et d'autre. Elle dura jusqu'en 1734. C'est alors que 
l'Ukraine (à gauche du Dnipr) cessa d'être un état indé- 
pendant pour être rabaissée au rôle de province auto- 
nome russe. Ce ne fut pas sans de violents combats que 
l'autonomie de l'Ukraine fut encore constamment amoin- 
drie, pour disparaître complètement en 1781. A partir de 
ce moment, l'Ukraine de l'est devint une simple province 
russe qui ne conserva que des vestiges de droit civil. 
Après le partage de la Pologne, l'Ukraine de l'ouest subit 
le même sort à part la Galicie attribuée à rAutriche. 
Tôt après, une politique d'uniîfîcation, sans égards pour 
l'Ukraine commença à se développer en Russie. Les me- 
sures prises furent les suivantes : 1® la suppression de 
l'autocéphalie de l'Eglise ukrainienne '(1686) ; 2® l'intro- 
duction du servage (1781) ; 3® la suppression de l'Eglise 
catholique suivant le rite grec dans toute l'Ukraine occi- 
dentale (1839) ; 4® l'interdiction de la langue ukrainienne 
dans la vie publique (1876). 

Durant cette période, la vie politique de l'Ukraine 
s'épuisa dans les conspirations révolutionnaires du pays 
et de l'extérieur (participation de la noblesse ukrainienne 
aux émeutes de 1825; loges maçoninques, sociétés clandes- 



tines destinées à conquérir l'indépendance du pays pen- 
dant le règne d'Alexandre 1er et de Nicolas 1er ; abla- 
tion auprès des cours étrangères, à Stockholm, Constan- 
tinople, Berlin, Paris), puis émeutes publiques entr'au-. 
très le fameux soulèvement des paysans de l'Ukraine en 
1902, et la révolution de 1904—06. Après la création de 
la Douma, ce fut le commencement de l'ère constitution- * 
nelle dans l'empire de Russie, et les Ukrainiens, sans 
abandonner leur propagande clandestine, passèrent 
officiellement à l'organisation et à la consolidation des 
forces nationales (les partis politiques, les élections à la 
Douma, le journalisme, l'éclaircissement du peuple,i les 
syndicats coopératifs, etc.). Pendant ce temps une lutte 
ouverte s'engageait en Galicîe contre les Polonais. 

A la même époque, les pionniers de l'idée ukrainienne 
réussissaient à pourvoir la nation de tous les éléments d'un 
idéal national moderne, une classe intellectuelle natio- 
nale consciente, une organisation politique paysanne et 
ouvrière, un idéal politique collectif, etc. 

Dès 1917 (ou plus exactement 1918) l'idée ukrainienne 
rompt positivement avec la conception de l'état russe ou 
plus spécialement avec la conception polono-austro-hon- 
groise (en Gsdicie) afin de reprendre la lutte, en vue de 
l'établissement d'un état indépendant. Le 3 janvier 1919 
l'Ukraine russe et l'Ukraine autrichienne, inaugurent 
cette ère nouvelle de l'histoire ukrainienne qui n'est pas 
encore arrivée à son terme. Les principaux jalons 
plantés sur cette voie ont été: la reconnaissance 
de l'autonomie de l'Ukraine (octobre 1918) ; la pro- 
clamation de l'indépendance ukrainienne (9 novem- 
bre 1918) et la première guerre avec la Russie ; la pro- 
clamation de l'état de l'Ukraine de l'Ouest (19 novembre 
1918) et la guerre avec la Pologne ; l'abolition du pou- 



8 

voir de hetman et l'introduction du Directoire (16 
novembre et 14 décembre 1918) ; la réunion des deux 
républiques ukrainiennes (3 janvier 1919) et la lutte com- 
mune contre la Pologne et la Russie, 



Les limites ethnographiques de l'Ukraine. 
Nombre et répartition des Ukrainiens 

dans leur pays. 

En Europe centrale ou occidentale il est aisé de fixer 
les limites ethnographiques d'un peuple. Celles-ci sont 
explorées et déterminées depuis longtemps déjà et il ne 
se rencontrera pas quelqu'un capai)le de les effacer, de 
les taire ou de les falsifier. Cette seule raison suffit pour 
marquer la différence entre les Etats dont nous venons 
de parler et l'Ukraine. Pour elle la question se pose dif- 
féremment. Les Ukrainiens n'ont eu ni indépendance po- 
litique comme les Allemands, les Français, les Italiens, 
etc., ni importance politique comme les Polonais et les 
Tchèques en Autriche. Les Ukrainiens habitaient les por- 
tions de deux états, l'Autriche-Hongrie et la Russie. Dans 
le premier de ces états ils avaient acquis quelque impor- 
tance, tandis qu'ils ne furent jamais reconnus comme na- 
tion dans le second. 

En conséquence, les limites véritables du territoire 
national ukrainien ne sont que très imparfaitement éta- 
blies. Elles le sont en quelque sorte, sur territoire autri- 
chien, lors même que la statistique, en particulier celle de 
la Galicie, laisse à désirer. Celle de la Hongrie est du reste 
encore plus inexacte. Toutefois, c'est en Russie que la si- 
tuation à ce point de vue est la plus défectueuse. Le pre- 
mier recensement véritable n'a été fait dans ce pays que 
le 28 janvier 1897. Tous les autres calculs et les précé- 
dentes estimations ne sont que d'une valeur problémati- 
que. Ainsi, par exemple, les Pyntchouks, soit les habitants 



10 

ukrainiens du Polissie, ont tous été, par erreur, comptés 
parmi les Ruthènes de la Ruthénie-Blanche et les Ukrai- 
niens des environs de Mhlyn et de Starodouib avec les 
Russes. En outre, nombre d'Ukrainiens ont été enre^s- 
très sous la rubrique générale «Russes». 

C'est la raison pour laquelle il est impossible, au- 
jourd'hui de délimiter le territoire national ukrainien 
avec la même exactitude que des territoires nationaux 
de l'Europe centrale ou occidentale. Les frontières que 
nous allons indiquer ci-après sont nettemment délimi- 
tées et sont détenninées sur la base de sources officielles. 
Seules les erreurs connues et sautant aux yeux ont été 
éliminées. 

La limite occidentale du territoire national ukrainien 
compacte part des bords de la Mer-Noire, dans le Delta 
du Danube, où une partie des descendants des Zaporo- 
gues sont restés fidèles à leur antique métier de pêcheurs. 
Ici les Roumains et les Bulgares sont voisins des Ukrai- 
niens. La frontière ukraîno-roumaine pasise par la Bes- 
sarabie, la Boukovîne et la Hongrie nord-est. 

En Bessarabie, la limite passe par Izmall, Bilhorod, 
l'embouchure du Dnîstr, elle se continue dans ses 
Limans, puis elle suit le cours du Dnistr en 
amont jusqu'à Doubossary pour atteindre la ligne 
de partage des eaux du Prouth-Dnistr et quitter 
le pays à Novosselytzia après avoir décrit des méandres 
nombreux et fantastiques en passant à Orhiiv et Biltzi. 
D'innombrables îlots ethnographiques restent à droite et 
à gauche de cette ligne de démarcation. Ce sont tantôt des 
flots roumains sur territoire ukrainien, tantôt l'inverse. Ce 
n'est que dans lé courant du siècle dernier que le pays 
a été colonisé d'une façon plus intense et le mélange des 
tribus a si bien pénétré dans la masse fondamentale 



11 

des Roumains qull en résulte une véritable mosaïque 
ethnographique. 

En Boukovine, la limite du territoire ukrainien pas- 
sant le long de la frontière de l'état, atteint d'abord, les 
villes de Ssereth et de Radivtzi, De M, et après avoir fait 
une inflexion très vive vers Tchernivtzi elle s'oriente en 
une courbe à grand rayon vers le sud-ouest et vers l'oc- 
cident jusqu'à la source du Toheremocbe Blanc, en pas- 
sant par Storojynetz, Vykiv, Moldavytzîa, KirlU)aba, où 
elle pénètre en Hongrie. Il n'y a pas longtemps non plus 
que la frontière ethnographique des Ukrainiens est éta- 
blie en Boukovine (sauf le territoire de Tcheremoche). 

En Hongrie la limite est d'autant plus ancienne, 
que le peuple ukrainien est implanté ici depuis le 
commencement du Moyen-âge. Cette limite court le long 
de la Vycheva en passant près de Syhit sur la Tyssa, jus- 
qu'à Vychkiv. Ici la limite passe sur la rive gauche du 
fleuve et atteint le long de la chaîne du Gutin la rivière 
Tour, près de Polad. A cet endroit la frontière roumaino- 
ukrainienne cesse et le voisinage des Magyars commence. 

D'une façon générale, la limite du territoire ukrainien 
s'étend vers le nord-est, soit vers Uilak, Beregszasz, Mun- 
katchiv (Munkacs), Ujhorod (Unghvaz), Bardyiv (Bartfa), 
Sabiniv (Kis Szeben), Kesmark. Près de Loublau la limite 
franchit la rivière Poprad et atteint la Galicîe. Entre 
Unghvar etBartfeld, les Slovaques deviennent les voisins 
des Ukrainiens. La limite entre les Slovaques et les 
Ukrainiens est très confuse et c'est aux recherches de 
Hnatiouk et de Tomaohivsky qu'on doit de pouvoir cons- 
tater, qu'au cours des siècles les limites du territoire 
ukrainien en Hongrie n'ont été modifiées que dans des 
proportions fort restreintes. 

En Galicie, les Ukrainiens sont voisins des Polonais. 



12 

La domination polonaise qui dure depuis plus de cinq 
siècles a considérablement refoulé l'élément ukrainien 
vers l'est. L'élément ukrainien ne s'est maintenu que dans 
la montagne et le territoire ukrainien forme ici un pro- 
montoire assez avancé vers l'ouest. La limite ukraino- 
polonaise en GraUcie commence vers la localité de 
Chlakhtova, à l'ouest de la trouée du Poprad et court 
vers l'est le long des vUles des Pivnitohna, Hryibiv, Gor- 
litze, Zmigrod, Doukla, Rymaniv, Zarchyn, jusqu'à Sia, 
nik, d'où elle suit approximativement le cours du Sian 
jusqu^à Doubetzko. A cet endroit elle se dirige vers le 
nord-est atteint de nouveau le Sian près de Radymno et 
suivant sa rive gauche atteint Tamogrod en Pologne 
russe en passant laroslav, Siniava et Lejaïsk. 

En Pologne russe, les Ukrainiens habitent le gouver- 
nement récemment constitué de Eholm, où ils sont obli- 
gés, depuis cinq siècles, de contenir la poussée des Polo- 
nais vers l'est. Malgré cela la polonisation n'a fait des 
progrès appréciables que sous la domination russe. 
C'est une conséquence de la politique russificatrice des 
autorités et des sympathies encore vives de la popula- 
tion ukrainienne pour la confession catholique-grecque, 
opprimée sans aucuns ménagements, et à laquelle les 
Ukrainiens du pays de Kholm appartenaient encore il y 
a un demi-siècle. 

La ligne formant limite entre Polonais et Ukrainiens, 
au pays de Eholm, est flanquée de chaque côté d'une 
zone plus ou moins large, habitée par ime population 
mixte parsemée de nombreuses îles ethnographiques. 
Cette frontière court le long des localités des Tamogrod, 
BUhoral, Ghtchebrechyn, Zamostie, Erasnostav, Loubar- 
tiv, Radyn, Loukiv, Sokoliv, Dorohytchyii et Bilsk pour 
atteindre la rivière Narev dans le gouvernement de 



13 

Grodna. C'est là que les limites des territoires nationaux 
ukrainiens et polonais se rencontrent avec ceux de la 
Russie-Blanche et que commence la frontière septentrio- 
nale de l'Ukraine. 

Dans les gouvernements de Grodnp et de Minsk le 
long du Narev jusqu'à sa source située dans la forêt de 
Biloveja, la limite eflinographique court entre l'Ukraine 
et la Blan-ohe-Ruthènie. Ensuite, elle se dirige, en passant 
près de Proujany, vers la rivière Jassiolda, pour tourner 
vers le nord-est près de Poritché et atteindre le lac 
Vyhonivske. A partir de là, elle se dirige vers le sud-est 
et atteint à l'emibouchure du Zna, la rivière Prypiat. A 
partir de là jusqu'à sa jonction avec le Dnipr, c'est cette 
rivière qui fait frontière. Ce n'est qu'au-dessous de Mo- 
zyr que les Blanoh-iRuthènes pénètrent à angle obtus sur 
la rive droite du Prypiat. Il y a lieu de remarquer que le 
long de la limite indiquée et au point de vue ethnologi- 
que et linguistique les Blancs-Ruthènes forment la transi- 
tion entre les vrais Russes et les vrais Ukrainiens qui 
dans cetteJ région se nomment Pyntchouky. La zone 
transitoire mesure environ 30—50 km. en largeur. 

Il n'est pas aisé d'indiquer la limite exacte de 
l'Ukraine vers la Moscovie alors même qu'il n'est pas 
question ici d'une transition progressive comme celle qui 
existe à la limite de la Blanche^Ruthènie. La limite de 
l'Ukraine, ici, est môme plus accen,tuée que du côté 
des Polonais, des Roumains ou des Magyars. Mais elle 
est difficile à constater sans de minutieuses investiga- 
tions sur les lieux, la statistique officielle russe 
ayant été établie en faveur de la nation régnante. Il faut 
en outre remarquer que les régions le long de cette li- 
mite n'ont été colonisées d'une façon quelque peu in- 



14 

tense qu'aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les colons venaient 
aussi bien de l'Ukraine que de la Moscovle et se sont ins^ 
tallés dans des colonies séparées. Aujourd'hui encore une 
localité purement ukrainienne est voisine immédiate 
d'une localité purement russe et le nombre des îlots eth- 
nographiques est considérable de chaque côté de la fron- 
tière. 

La limite du territoire central de l'Ukraine s'étend 
dans les gouvernements de Eoursk et de Voronije à tra- 
vers Poutyvl, Rylsk, Soudja, Myropilie, Oboyan, les 
sources de Psîol et de Vorskla, Bilhorod» Korotcha, 
Stary-Oskol, Novy-Osikol, Birîoutch et atteint le Don à 
Ostrohojsk. Le Don forme la limite de l'Ukraine sur une 
moins grande étendue que le Dnipr. La frontière aban- 
donne la rivière juste à l'emibouchure de l'Ikoretz, 
coupe la rivière Bytiouh et atteint la rivière Khoper dans 
le territoire des Cosaques du Don après avoir touché 
Boutourlynivka et Novokhopersk. C'est là que commence 
la limite orientale du territoire de l'Ukraine. Elle tend 
d'abord vers le sud le long du Khoper, traverse le Don 
vers l'embouchure du Khoper, passe le long du Kalytva 
et du Donetz pour franchir pour la troisième fois le 
Don et atteindre le lac Manytoh après avoir décrit 
une vaste couri^e le long de la rivière Sal. Immédiatement 
sur la rive gauche du Don les Ukrainiens se heurtent aux 
Kalmuks, avant-poste du mélange des populations sub- 
caucasiennes et caucasiennes. Un mouvement colonisa- 
teur ukrainien et russe assez intense s'est développé au 
cours du siècle dernier parmi ces peuplades alairsemées 
et d'un niveau de culture peu élevé. L'élément ukrainien 
s'accroît toutefois insensiblement dans toute la Cis-Cau- 
casie et pénètre de plus en plus vers l'est et le sud-est. 
n se forme de nouveaux îlots à langue ukrainienne, s'ac- 



15 

croissant rapidement, constamment et finissant par cons^ 
tituer des territoires étendus. 

Depuis le lac Manytoh, la limite du territoire ukrai- 
nien se diri^ vers le sud à travers le district de Medveja 
du gouvernement de Stavropol jusqu'aux sources du 
Grand lahorlyk, puis elle tourne à Test en passant par 
Stavropol, Olexandrivsk et Novohryhoriïvsk. En une 
bande étroite, les Ukrainiens atteignent ici la Mer Cas- 
pienne. En 1897 cette bande n'était qu'esquissée ; d'après 
lés nouvelles reçues dès lors relatives à de nouveaux 
établissements colonisateurs, il n'y a plus lieu de douter 
du fort accroissement de territoire que les Ukrainiens 
ont atteint dans cette région. 

La limite méridionale de l'Ukraine dans le pays du 
Caucase passe à travers les gouvernements de Terek, de 
Eouban et de la Mer-Noire, par Naltohyk, Piatyhorsk, La- 
bynsk, Maîkop, pour atteindre les rives de la Mer-Noire 
entre Tuapsé (et Sotchi. Dans ces parages, les Ukrainiens 
ont comme voisins, à part les Russes, des Ealmuks, 
des Eiiighises, des Nogaï, des Tchétchènes, des Kabardins, 
des Circassiens, des Àbkhases et des Tatares du Caucase. 

La suite de cette limite sud de l'Ukraine jus- 
qu'au Delta du Danube est à peiMte chose près dessinée 
par les côtés de la Mer-Noire et de la Mer d'Azov. Seule, 
la Crimée est restée, jusqu'ici, en dehors du territoire 
ethnographique de l'Ukraine. Toutefois, dans la mesure 
ou les Tatares de la Crimée commencèrent à énûgrer en 
Turquie, l'élément ukrainien se vit renforcé par des 
apports continuels provenant des territoires centraux de 
l'Ukraine si bien qu'aujourd'hui seules les régions mon- 
tagneuses et la côte méridionale de la Crimée sont con- 
sidérées comme territoire tatare. 



16 

Les limites qui viennent d'être indiquées entourent 
le noyau de la nation ukrainienne. Il comprend 
la Boukovine septentrionale et occidentale, le nord- 
est de la Hongrie, la Galide orientale et Textré- 
mîté sud-ouest de la Galicie occidentale, le gouverne^* 
ment nouvellement formé de Kholm (les districts orien- 
taux des gouvernements de Lublin et de Slédletz dans la 
Pologne russe), la portion méridionale de Grodno et de 
Minsk, toute la Volhynie, la Polodie, Kiev et Kherson ain- 
si que les districts sud-est et nord-ouest de la Bessarabie, 
 gauche du Dnipr, les limites de l'Ukraine embrassent 
les gouvernements de Tchemihiv, de Poitava, de Khar- 
kiv, de Eaterinoslav, de la Tauride (sauf la laïla) en en- 
tier et presque tout le territoire du Eouban (sauf la haute 
montagne). En outre le tiers méridional du gouvernement 
de Koursk, la moitié méridionale de Voronije, le tiers oc- 
cidental du territoire des Cosaques du Don, la moitié mé- 
ridionale de Stavropol, la bande septentrionale fron- 
tière du territoire de Terek ainsi que la portion nord- 
ouest du gouvernement de la Mer-Noire appartien- 
nent encore au territoire ukrainien. C'est au point 
de vue européen un territoire très étendu qui n'est guère 
surpassé que par le territoire national russe (territoire 
moscovite). Ce territoire a une superficie de 850,000 km* 
dont 75,000 km* seulement se trouvent à l'intérieur des 
limites de l'ancienne monarchie austro-^hongroise ; tout 
le reste du territoire . mesurant donc 775,000 km* était 
sous la domination russe. 

En dehors de ce noyau central national ukrai- 
nien, on trouve des Ukrainiens dans de nombreux îlots 
de langues, répartis sur de vastes territoires de l'ancien 
et du nouveau monde. En Bessarabie, nous rencontrons 
toute une série d'îlots ukrainiens le long du Prouth 



17 

et de la frontière russo-roumaîne, dans la Do- 
brondja roumaine et dans le Delta du Danube. Dans la 
Boukovine nous trouvons de ces îlots près de Soutchava 
et de Kimpoloung ; en Hongrie dans la Baczka, près de 
Nyir^haza, de Nagy-Karoly, de Gollnitz, etc. ; dans le 
pays de Kholm entre Loukov et Zelechov, entre Siédletz 
et Kaloutohyn, près de Sokolov. Le long de la limite de la 
BlancheHRuthènie il n'y a pas d'îles proprement dites dans 
la zone intermédiaire. On en voit d'autant plus dans les 
territoires frontières ukraino-russes, où les deux nations 
sont rigoureusement séparées l'une de l'autre sans tran- 
sition aucune. Dans le gouvernement de Eoursk, près de 
Fatieje, entre Dimitriev et Oboyan ainsi que près des sour- 
ces du Seim ime série d'îles ukrainiennes font tache au 
milieu du territoire nette. Dans le gouvernement de Vo- 
ronije, nous trouvons quelques îles près de Zemliansk et 
de Borissoglibsk. Les colonies ukrainiennes les plus dis^ 
sémînées atteignent la région de Tambov et de leletz. 
Le territoire du Don qui» à cause de son oiiganisation de 
cosaques» fut longtemps presque inaccessible aux colons 
a été un pays de passage important pour le mouvement 
de colonisation ukrainien en vue de son expansion dans 
le territoire de la Volga moyenne. iLà i(en 1910) plus de 
600,000 Ukrainiens habitaient dans les gouvernements dé 
Saratov, de Samara et d'Astrakhan. C'est dans celte région 
qu'on rencontre de grandes îles ukrainiennes voisines 
immédiates de nombreuses colonies allemandes près de 
Balachov» ce sont : Atkarsk, Balanda, à l'Eman et la Med- 
veditza, près de Nikolayevsk, de Khvalynsk, de Samara, 
de Bougourouslan* A partir de Khvalynsk les colonies 
ukrainiennes de la rive gauche de la Volga occupent au- 
tant de place que les russes. Nous en trouvons vis-à-vis 
de Saratov, de Kamychin, de Doubivka, de Tchorny Yar, 



18 

près de Zarev, En outre à de grandes distances de la 
Volga, on en rencontre encore dans le territoire des sour- 
ces lerouslan et du grand Ousen, sur le lac d'Elton et de 
Baskountchak, vers l'Ilovla et vers les collines de ler- 
geny. Plus de 50,000 colons ukrainiens vivent dans le 
gouvernement d'Orenbouiig. En 1897 les Ukrainiens re- 
présentaient à peu près le 13 % de la population des gou- 
vernements d'Astrakhan (le district de Zarev 38 % , de 
Tchornoïar 43 %), le 7 % de celle du gouvernement de 
Saratov et près du 5 % de celle du gouvernement de Sa- 
mara. En raison du mouvement colonisateur progressif 
de ces dernières années, ces proportions seront certaine- 
ment beaucoup plus fortes aujourd'hui. 

Dans les pays du Caucase, nous rencontrons également 
en dehors du territoire ukrainien central un certain 
nombre de colonies importantes. D'après les résultats 
du recensement de 1897 les Ukrainiens représentaient 
dans les gouvernements d'Erivan, de Kutaîs, de Daghes- 
tan et de Kars le 17-— 19 % de la population «russe» à 
Tiflis, le 7,5 %, à leUssavetpol et à Bakou le 5 %. 

Dans la Russie centrale d'Asie, le flot d'émigration 
s'opère à travers les pays de la Volga et du Caucase. Dans 
ce territoire la formation de colonies ukrainiennes n'a 
commencé que vers la fin du siècle dernier et se poursuit 
encore aujourd'hui. En 1897 déjà, les Ukrainiens for- 
maient le 29 % de la population «.russe» dans la province 
de Syr, et le 23 % dans celle de Âkmolinks. Dans les pro- 
vinces Transcaspiennes, de Semiritchensk, de Turgaï, 
de Samarkand et de Ferghan les Ukrainiens représen- 
tent le 10 — 20 % de la population «russe» ; dans la pro- 
vince de Semipalatinsk, le 5 9S. 

La plus forte colonisation ukrainienne que nous ayons 



19 

à enregistrer se rencontre en Sibérie. Des llats de langues 
et des colonies éiparses se répartissent dans une bande de 
territoire de plusieurs milliers de kilomètres de longueur, 
et s'étendent le long de la frontière méridionale de ce pays 
de grand avenir. C'est dans la province côtière de Vladi- 
vostok que la proportion d'Ukrainiens par rapport à la 
population «russe» est la plus forte (plus du 29 %). Dans 
la province de l'Amour cette proportion, est encore de 
20 %. Les chiffres absolus les plus élevés sont constatés 
dans les districts méridionaux des gouvernements de 
Tomsk, de Tobolsk et de lenisseisk. 

Quelle est la population totale des Ukrainiens et com- 
bien en est-il qui vivent sur le territoire proprement na- 
tional ukrainien? 

Les raisons qui, déjà nous ont empêché de délimiter 
exactement le territoire ukrainien nous forcent à avouer 
la difficulté. qu'il y a de répondre. L'asservissement poli- 
tique de l'Ukraine d'une part et la grandeur de 
la nation et de son territoire d'autre part, i en- 
gagent les nations d'Etat dominantes à commettre 
des falsifications statistiques afin de voiler le vé- 
ritable état des choses. Fréquemment aussi du reste, 
l'ignorance des organes préposés au recensement peut 
être la cause du peu de confiance qu'inspirent les tra- 
vaux statistiques opérés sur territoire ukrainien. Les 
Ukrainiens sont ou bien inscrits comme ressortissants 
d'une nationalité étrangère (généralement de la nation 
dominante) ou forcés par divers moyens de renier leur 
nationalité d'origine. 

• En Hongrie, par exemple, il arrive fréquemment que 
des villages entiers sont renregistrés comme magyars, 
slovaques ou roumains, alors même que leur population 



20 

est complètement ou eh grande partie ukrainienne. Dans 
la Boukovine, les conditions sont analogues. En Galicie, 
on recense régulièrement les catholiques romains comme 
Polonais, lors même que la plupart dû temps ils ne par- 
lent pas du tout la langue polonaise. Néanmoins, Tap- 
proximation la plus exacte est évaluée par la statistique 
austro-hongroise qui nous permet de constater le véri- 
taible état des ifaits. Le recensement russe de 1897, le 
seul qui nous fournisse les données relatives à la statis- 
tique des nationalités ukrainiennes a été considérable- 
ment déformé au détriment de ces derniers. Dans les vil- 
les la plus petite partie des Ukrainiens sont inscrits 
comme tels, tous les autres sont comptés comme Russes. 
Il en a été de même dans les colonies et les divers îlots 
disséminés dans le vaste empire russe. Nous ne tenons 
pas même compte des Ukrainiens qui, par manque de 
convictions, ont renié leur nationalité. 

Pour nos calculs et malgré tous les défauts de la sta- 
tistique officielle, nous allons cependant nous baser sur 
ces données. Nous ne corrigerons que les falsifications 
évidentes ou les erreurs que nous constaterons au cours 
de notre travail. 

Lesl chiffres des rec^isements en Autriche-Hongrie 
de 1910 et des calculs faits simultanément en Russie, 
nous serviront de base. Ck>mme ces derniers ne fournis- 
sent pas de rensei^ements concernant les proportions 
des nationalités, nous devrons appliquer les pourcenta- 
ges de 1897 aux estimations de 1910. Ce procédé ne peut 
nous fournir que des valeurs approximatives, mais nous 
n'avons pas d'autre choix. 

Nous commencerons notre aperçu statistique des pays 
ukrainiens par la Hongrie nord'Orientcde. Là, les Ukrai- 
niens habitent un territoire compacte de 14,000 km*. Il 



21 

1 

est situé pour la plus grande partie dans les Carpathes et 
comprend les trois quarts du Comitat de Marmaroche, la 
moitié nord-orientale du comitat de Uhotcha, deux tiers 
dé celui de Bereg, la moitié septentrionale de celui d'Ungh, 
les territoires frontières septentrionaux de ceux de 
Zemplen et de Charoch ainsi que les territoires nord-est 
du comitat de Zips. La population totale des Ukrainiens 
de Hongrie s'élevait en 1910 à plus de 470,000, chiffre 
qu'on peut sans crainte et en raison du recensement dé- 
fectueux en Hongrie arrondir à 500,000, surtout si l'on 
considère que les schématismes catholiquesrgrecs des an- 
nées 1880 indiquaient à peu de chose près déjà ce dernier 
chiffre. D'après les enquêtes officielles, la proportion pro- 
centuellè des Ukrainiens dans quelques comitats serait la 
suivante : en Marmaroche 46 %, en Uhotcha 39 %, Bereg 
46%, Ungh 36%, Charoch 20%, Zemplén 11%, Zips8%. A 
l'est les Roumains et à l'ouest les Slovaques forment de 
petits îlots de langues. Parmi la population ukrainienne 
des Juifs vivent isolés, mais en forte proportion ; dans 
les villes des Magyars et des Allemands s'y mêlent en- 
core. Les Ukrainiens habitent partout aussi bien les par- 
ties montagneuses et peu colonisées des comitats que 
les centrés et les villes, de là faible pourcentage malgré 
l'étendue du territoire. 

Le peuple ukrainien de Hongrie comprend presque 
exclusivemeait des paysans et des petits bourgeois. Les 
écoles nationales manquent absolument et l'analphabé- 
tisme y est général. Les couches supérieures du peuple 
sont aux trois, quarts dénationalisées ; le bas peuple 
étouffe dans l'igorance. La situation économique qui en 
découle est déplorable et le gouvernement hongrois cher- 
che en vain à réagir contre cet état de choses. 



22 

Dans la Bàukovine, les Ukrainiens, au nombre de plus 
de 300,000 (38 % de la population totale du pays) habi- 
tent un territoire de 5000 km* situé en grande partie dans 
la région montagneuse du pays. Ils sont établis dans les 
districts de Zastavna (80 %), de Vachkivtzi (83 %), de 
Vyjnytzia (78 %), de Kitzman (87 %) et de Tchernivtzi 
(55 %), dans la moitié du district de Seret (42 %), un 
tiers de celui de Storojynetz (26 %), ainsi que dans des 
régions des districts de Kimpoloung, Radaoutz et Sout- 
chava. Outre, des Allemands, des Roumains, des Armé- 
niens et des Polonais, de nombreux Juifs se sont établis 
isolément au milieu de la population ukrainienne. Le 
degré d*instruction des Ukrainiens de Boukovine est iti- 
finement supérieur à celui des Ukrainiens de Hongrie. 
Leur situation économique est aussi bien meilleure. Une 
classe cultivée nombreuse, issue des populations des cam- 
pagnes a pris la direction des masses populaires pour la 
lutte politique et économique. 

En Galicie (78,500 km^ 8 millions d'habitants), les 
Ukrainiens au nombre de 3,210,000 soit le 40 % de la 
population totale (dont 59 % de Polonais et 1 % d'Alle- 
mands), occupent un territoire à forte densité de 56,000 
km^ sur lequel ils forment le 59 % de la population. Ces 
chiffres sont empruntés à la statistique de 1910. Ce docu- 
ment est un exemple de partialité probablement unique 
dans les annales des états civilisés d'Europe. On a non 
seulement déclaré Polonais tous les Juifs (parlant un jar- 
gon allemand) mais encore tous les Ukrainiens de con- 
fession catholique-romaine dont on compte plus de 
500,000 en Galicie orientale, ainsi que 170,000 Ukrainiens 
authentiques, catholiques-grecs. Si au lieu de nous baser 
sur la statistique de la langue usitée, nous considérons 
celle des confessions, qui du reste n'est pas exempte 



23 

d'erreurs non plus, nous obtenons 3,380,000 (42 %) d'U- 
krainiens catholiques-grecs, 3,730,000 (47 %) de Polonais 
catholiques-romains et 870,000 (11 %) de Juifs, D'a- 
près la confession, la Galicie orientale compterait 
ainsi 62 % d'Ukrainiens, plus de 25 % (1,350,000) de Po- 
lonais et plus de 12 % (660,000) Juifs). Du reste, d'après 
les recherches de Okhrymovytch, le nombre des Ukrai- 
niens doit être porté à 3,500,000 et à 4,000,000 en y ajou- 
tant les catholiques-romains de la Galicie orientale. Nous 
conserverons néanmoins le chiffre inférieur de 3,380,000. 
Par contre, dans l'aperçu qui va suivre nous nous base- 
rons sur les chiffres beaucoup plus sincères du recense- 
ment de 1900. Ce sont les districts des Carpathes de 
Tourka, de Stary Sam<bir, de Kossiv, de Petchenijyn, et 
les districts sub-carpathiques de Bohorodtchany, de Ka- 
louche, de Jydatchyv, les districts pokoutiques de Snia- 
tin et de Horodenka, ainsi que ceux de lavoriv dans le 
Rostotche, où la population atteint son pourcent le plus 
élevé, c'est-à-dire 75—90 % . Ce pourcentage varie entre 67 
et 75 % dans les districts de Lisko, Dobromyl, Stryî, Do- 
lyna, Nadvima, Tovmatch, Zalistchiky, Borstchiv, Ro- 
hatyn, Bîbrka, Jovkva et Rava. Plus du tiers de| la 
population (soit 60—66 %) est de nationalité ukrai- 
nienne dans les districts de Drohobytch, Sambir, Roudky, 
Mostyska, Horodok, Eolomya, Sokal, Kaminka, Brody, 
Zbaraje, Zolotchiv, Peremycblany, Berejany, Pidhaïtzi, 
Tchortkiv et Houssiatyn. 50—60 % d'Ukrainiens résident 
dans les districts de Tchessaniv, de Peremychl, Sanik, 
Tamopil, Skalat,i Terebovla, Boutohatch et Stanislaviv. 
Il n'y a que deux districts, où le pourcentage descende 
au-dessous de 50 %, ce sont ceux de Lemberg 49 % et de 
laroslav 41 %. Dans la ville de Lemberg, les Ukrainiens 
ne forment qu'un cinquième de la population ; ils ne 



24 

sont pas aussi nombreux dans les autres villes impor- 
tantes de la Galicie orientale. Il s*en suit que les pour- 
centages généraux sont défavorablement influencés dans 
les districts lorsqu'on y fait intervenir la population des 
villes. Au surplus, les villes de la Galicie orientale sont 
peuplées en majorité de Juifs et de Polonais qui devien- 
nent par le fait des foyers de polonisation très intenses. 
Ce n'est que dans les tous derniers temps, que la pro- 
portion des Ukrainiens tend à augmenter dans les villes 
de la Galicie orientale, ensuite de l'afflux toujours crois- 
sant de la population ukrainienne des campagnes. Par 
contre dans les 50 petites villes de la Galicie orientale là 
population ukrainienne dépasse la majorité absolue, par 
exemple lavoriv, Horodenka, Tysmenytzia. 

En Galicie occidentale, un seul district a plus de 25 % 
d'Ukrainiens (celui de Gorlice), les quatre autres (laslo, 
Neu-Sandez, Krosno, Hrybiv) n'en comptent que 
10—20%. 

La population ukrainienne de la Galicie se compose 
pour les neuf dixièmes de paysans et de petits bourgeois. 
Ici comme en Boukovine il s'est trouvé issue de cette 
population, une classe sociale cultivée qui a pris en mains 
l'éducation politique et économique des populations. 
C'est une des raisons pour lesquelles les convictions na- 
tionales des Ukrainiens de Galicie ont atteint un degré 
supérieur. 



Les peuples de l'Ukraine. 

Dans rancien Etat russe, les Ukrainiens avaient 
formé un noyau d'environ 775,000 km*. L'étendue 
réelle dé ce territoire ne sera déterminée exacte- 
ment que lorsque nous pourrons disposer d'une carte 
ethnographique exacte de l'Ukraine. Jusqu'alors l'éten- 
due des territoires partiellement ukrainiens ne pourra 
être estimée que d'une manière approximative. 

Les données statistiques qui vont suivre sont emprun- 
tées aux estimations de 1910 et le pourcentage des Ukrai- 
niens au recensement de 1897. Les Pyntchouks du gou- 
vernement de Minsk seuls, ont été, de l'avis de tous les 
ethnographes russes et non russes, comptés avec les 
Ukrainiens, lors même que la statistique officielle les dé- 
signe comme Blancs^Ruthènes. 

Nous allons commencer par les territoires frontières 
occidentaux du gouvern^nent de Kholm qui a été 
organisé récemment par le gouvernement russe comme 
gouvernement indépendant séparé de la Pologne 
russe et qui comprend les arrondissements orientaux des 
gouvernements de Lid)lin et de Siedletz. Dans le gouver- 
nement de LubUn (16,800 km^ 1,500,000 habitants) les 
Ukrainiens forment le 17 % de la population (250,000), 
dans le gouvernement de Siedletz, le 14 % (140,000). Le 
territoire habité par des Ukrainiens atteint dans les deux 
gouvernements ensenAle 10,000 km^ Les Polonais et les 
Juifs, dans le pays de Kholm, n'habitent pas seulement 
les villes, mais encore assez fréquemment les villages et 
forment dans le voisinage de la limite occidentale de 
l'Ukraine des pourcentages assez considérables. Les 
taux pourcentuels des Ukrainiens et des Polonais (entre 



26 

parenthèses) s'élèvent dans les arrondissements du gouver- 
nement de Lublin comme suit : Hroubechiv 66 (24), To- 
machiv 52 (37), Kholm 38 (38), Bilhoraï 22 (68), Zamo- 
stie 9 (83), Krasnostav 6 {83) ; dans les arrondissements 
du gouvernement de Siedletz: Vlodava 64 (20), Bila 48 (38), 
Konstantyniv 22 (55), Radyn 5 (87). Les Juifs forment 
dans les arrondissements 5—13 % de la population, les 
Allemands dans Tarrondissement de Kholm 14 %. La po- 
pulation des Ukrainiens dans les villes généralement po- 
lono-juives, est assez considérable; à Hroubechiv, par 
exemple, ils ont la majorité. 

Dans l'arrondissement de Grodno (38,600 km*, 
1,950,000 habitants) les Ukrainiens forment ie 23 % de 
la population et habitent les arrondissements de : Bere-^ 
stîe (81 % d'Ukrainiens), Kobryn (83 %), Bilsk (42 %, 
majorité relative) et la zone frontière de Proujany (7%), 
en tout 14,000 km* avec une population ukrainienne de 
440,000 âmes. Les Polonais et les Blancs-Ruthènes for- 
ment dans les deux premiers arrondissements 2—3 % de 
la population, les Polonais les 37 % dans l'arrondissement 
de Bilsk, les BlancsJluthènes le 79 % dans l'arrondisse- 
ment de Proujany et les Juifs 9—11 % dans la totalité dés 
arrondissements. 

Dans le gouvernement de Minsk (91,000 km*, 2,800,000 
habitants) les Ukrainiens (Pyntchouks) représentent le 
14 % de la population. Ils habitent tout l'arrondissement 
de Pynsk et la moitié du territoire de Mozyr, situé le 
long de la rivière Prypiat, au total 17,000 km* avec une 
population ukrainienne de 390,000 âmes. 

Le gouvernement de Volhynie (71,700 km*, 
3,850,000 habitants) est un territoire ukrainien propre- 
ment dit. Les Ukrainiens (2,700,000), ici représentent 



27 

plus du 70 % de la population» les Juifs le 13 % , les Polo- 
nais le 6 %, les Allemands le 6 %, les Russes le 3 % et 
les Tchèques le 1 %• Cette population étrangère vit dis- 
séminée ou en colonies, principalement dans les villes, 
où partout (saul à Kreïnianetz), elle est plus nombreuse 
que celle des Ukrainiens. Les pourcentages d'Ukrainiens 
sont très élevés dans les arrondissements de Volhynie ; 
ils représentent : 86 % dans celui de Kovel, 87 % dans ce- 
lui de Ovroutch, 85 % dans celui d'Ostroh, 82 % dans 
celui de Zaslav, 84 % dans celui del Kremianetz, 80 % 
dans celui de Starokonstantiniv. Les arrondissements 
suivants accusent un pourcentage plus faible : Jitomir 
73 %, Doubno 73 %, Volodymyr Volynsky 68 %, Rivne 
65 %, Loutzk 62 %. 

Dans le gouvernement de Kiev (51,000 km^ 4,570,000 
habitants), les Ukrainiens représentent plus de 79 % 
(3,620,000) de la population. Ce pourcentage peu élevé 
résulte du fait qu'il a été tenu compte dans le calcul, de 
la population des villes, dans lesquelles les Juifs et les 
«Russes» forment la majorité. Dans les arrondissements 
de Tchyhyryn, de Zvenyhorodka, de Ouman, de Ta- 
rachtcha, par exemple, le pourcentage des Ukrainiens dé- 
passe le 90%, à Radomysl le 80%. L'élément étranger 
principal est formé par les Juifs (12 %), les Russes (plus 
de 6 %) et les Polonais (2 %). — Les villes de Vassyl- 
kiv, Kaniv, Tarachtcha, Zvenyhorodka et Tchyhyryn ont 
une majorité absolue d'Ukrainiens. Les Juifs par contre 
dominent à Berdytchiv, Tcherkassy, Ouman, Lypovetz, 
Skvyra et Radomysl. 

Dans le gouvernement de Podolie (42,000 km\ 
3,740,000 habitants) les Ukrainiens (3,030,000) re- 
présentent plus du 81 % de la population. Dans certains 
arrondissements ce pourcentage est encore plus élevé. 



28 

par exemple dans celui de Mohyliv 89*%. Les éléments 
étrangers prédominants sont : les Juifs (12 %), les Rus- 
ses (3 %) et les Polonais (2 %), qui habitent surtout les 
villes. Seules les petites viHes podolîennes, telles que 
Olhopil, Yampil, Stara Ouchytzia, Khmelnyk ont une 
majorité ukrainienne. A Haïssyn, Vynnytzia, Lityn et Bar 
les populations ukrainiennes et juives se balancent, à 
Kamianetz, Balta, Bratzlav, Letytchiv, Mohyliv, Pros- 
kouriv, au contraire, la population juive prédomine à 
son tour. 

Le gouvernement de Kherson (71,000km% 3,450,000 
habitants) appartient comme les trois derniers que nous 
venons d'énumérer au territoire national ukrainien cen- 
tral, lors même que la population du territoire paraît 
plus mélangée. Les Ukrainiens (1,640,000) ne représentent 
ici guère plus que le 54 % de la population. Les causes 
doivent en être attribuées tout d'abord à la présence des 
grandes villes du gouvernement dans lesquelles les Juifs 
et les Russes sont en majorité, puis ensuite à l'existence de 
nombreuses colonies roumaines, allemandes et bulgares. 
Néanmoins les Ukrainiens représentent la majorité abso- 
lue par exemple dans les arrondissements d'Olexandria 
(88%), de Elysavet (73%), de Kherson (70%), d'Ananiïv 
(63%) et la majorité relative dans ceux d'Odessa (47%), 
Tyraspil (38%). Les Russes représentent plus du 21% delà 
population, les Juifs le 12%, les Roumains plus du 5% 
(arrondissemient de Tyraspil 27%), les Allemands environ 
5 % , les Bulgares et les Polonais 1 % chacun. Odessa est 
très mélangé au point de vue des langues. Les Russes et 
les Juifs y prédominent ; les Ukrainiens représentent à 
peine le Vu de la population ; en outre, on y rencontre 
en plus ou moins grand nombre des Allemands^ des Rou- 
mains, des Bulgares, des Polonais, des Grecs, des Fran- 



29 

çais, des Anglais, des Albanais, etc. A Mikolaîv, les Ukrai- 
niens ne représentent que le Via de la population, à IQier- 
son le Vo» à Eflysàvet le Y*. Les Ukrainiens dépassent en 
nombre celui des Russes dans les villes suivantes : 01e- 
xandria, Ananiïv, Bobrynetz, Voznessensk, Olviopil, Ot- 
chakiv, Berislav, Doubossary. 

Le gouvernement de Bessarabie (46,000 km^ 2,440,000 
habitants) n'appartient au territoire national ukrainien 
que dans son extrémité nord-ouest et sur le littoral. Les 
Ukrainiens (460,000), représentent à peine le 20 % de 
la population du pays dont la majorité est roumaine 
Le territoire habité per les Ukrainiens atteint une 
superficie de 10,000 km^ Les Ukrainiens ne pré- 
dominent que dans l'arrondissement de Khotyn (56 %), 
où Ton compte en outre 25 % de Roumains et 13 % de 
Juifs. Dans l'arrondissement d'Akkerman, les Ukrainiens 
représentent le 24 % de la population, les Bulgares exac- 
tement la même proportion, les Allemands et les Rou- 
mains 18 % chacun, les Turcs 4 %. Les Ukrainiens colo- 
nisent sur les bords de la mer et du Dnistr. Dans l'ar- 
rondissement d'Ismaïl il y a 17 % d'Ukrainiens, 47 % de 
Roumains, 11 % de Bulgares, 9 % de Turcs, 3 % d'Alle- 
mands ; dans l'arrondissement de Soroky 17 % d'Ukrai- 
niens, 67 % de Roumains et 11 % de Juifs. Dans les au- 
tres arrondissements de Bessarabie, les Ukrainiens sont 
encore en bien plus petit nombre, par exemple dans 
l'arrondissement . de Biltzi 12 %, dans celui de Bendery 
9 %, d'Orhyïv 6 %, Kychyniv 2 %. Dans les villes, ce sont 
toujours les Juifs, les Russes et les Roumains qui prédo- 
minent. A Akkerman seulement les Ukrainiens ont la 
majorité absolue, à Ismaîl et Kilia ils atteignent la ma- 
jorité relative. 

Nous allons commencer notre aperçu de l'IJkraine, 



30 

de la rive ^uche du Dnipr, par les territoires frontières, 
pour passer ensuite à ceux du cœur du pays. 

Dans le gouvernement de Koursk^ les Ukrainiens 
(670,000) représentent plus du 22% de la population ; ils 
habitent les arrondissements de Poutyvl (55%), Hraïvoron 
(61 %), Novooskol (56 %) et les portions méridionales 
de Soudja (44%), Rylsk (33%), Korotcha (35%), Bil- 
horod (24 %). Ils sont, en outre, répartis en des îlots de 
langues plus ou moins grands, disséminés dans les arron- 
dissements d'Oboïan (12 %), Stary Oskol (9 %) et Lliov 
(5 %)* La superficie totale du noyau ukrainien central 
dans le gouvernement de Koursk . peut être évaluée 
à 12,000 km^ Les seuls voisins et cohabitants sont des 
Russes également en majorité dans la plupart des villes 
du territoire ukrainien pur. Le gouvernement de Koursk 
compte cependant aussi un certain nombre de villes 
ukrainiennes. Myropile a 98% d'Ukrainiens, Soudja 65%, 
Graïvoron et Korotcha sont à demi ukrainiennes. 
, Dans le gouvernement qui suit, celui de Voronije 
(65,000 km^ 3,360,000 habitants), les Ukrainiens habitent 
les arrondissements d'Ostrohojsk (94 %), Bohoutchar 
(83 %), Byrioutch (70 %), Valouïky (53 %) et les portions 
méridionales de Pavlovsk (43 %), Bobrovsk (17 %), Ko- 
rotoïak (17 %), Novokhopersk (16 %). Des îlots sen ren- 
contrent surtout dans l'arrondissement de Zemlîansfc 
(4 %). Le pourcentage général des Ukrainiens dans le 
gouvernement de Voronije est de 36 %, leur nombre de 
1,210,000, la superficie habitée 29,000 km^ Les seuls voi- 
sins des Ukrainiens sont ici les Russes qui forment 
la majorité dans les villes. Les Ukrainiens prédominent 
à Byrioutch, Bohoutchar, Ostrojsk. 

Dans le pays des Cosaques du Don (164,000 
km^ 3,500,000 habitants) les conditions de colonisation 



31 

des Ukrainiens sont à peu près semblables à celles de 
Koursk ou de Voronije. Dans ces gouvernements, les terr 
ritoires/ ukrainiens étaient contigus aux territoires du 
centre de Poltava ou de Kharkiv. Ici de même, les por- 
tions ukrainiennes du Don confinent aux territoires cen- 
traux de Kharkov et du gouvernement de Katerinoslav. 
Les Ukrainiens (980,000) représentent le 28% de la popu- 
lation du territoire du Don et habitent une superficie de 
45,000 km^ C'est dans les arrondissements méridionaux 
de Takhanroh (69 %), de Rostiv (52%), dans la moitié oc- 
cidentale de l'arrondissement du Donetz (40%) que les 
Ukrainiens ont les colonies les plus denses. La statistique 
accuse beaucoup moins d'Ukrainiens dans les arrondis- 
sements de Tcherkask (23 %) et de Sal (31 %). Dans les 
arrondissements du Don I (12%), du Don II (4%) d'Ust- 
Medveditzk (11 %), de Khoper (7 %), les colonies ukrai- 
niennes forment des îles avancées au milieu des popula^ 
tions russes. Dans l'arrondissement de Sal ce sont les Kal- 
mukes (39%) qui ont la majorité relative, à part cela il n'y 
a que des Russes pour voisins. Mais ces indications ne sont 
pas toujours exemptes d'erreurs. H est depuis long- 
temps parfaitement établi que les Cosaques du Don Jn- 
férieur sont en grande majorité Ukrainiens. Et cepen- 
dant, le recensement officiel de 1897 nous révèle que pas 
un Cosaque du Don n'a été attribué à la nationalité ukrai- 
nienne. Dans les villes du territoire du Don, le nombre 
des Ukrainiens n'est pas élevé, par exemple à Rostiv, il 
ne dépasse guère le cinquième. Seule la ville d'Asov est 
en majorité ukrainienne. 

Le territoire de Kouban (92,000 km^ 2,630,000 habi- 
tants) a une majorité relative ukrainienne (plus de 
47 % = 1,250,000) outre 44 % de «Russes» et 9 % de peu- 
ples caucasiens. 



32 

Le territoire ukrainien pur de ce pays représente une 
superficie de 56,000 km*. Parmi les arrondissements, trois 
ont une majorité ukrainienne, Yeïsk (81 »), Teniruk 
(79 %), Katerynodar (57 % d'Ukrainiens, 27 % de Rus- 
ses, 11 % de Circassiens). Dans l'arrondissement du Cau- 
case, il y a 47 » d'Ukrainiens et autant de Russes, dans 
celui de Maïkop, 31 % d'Ukrainiens, 58 % de Russes, 6 % 
de Circassiens, 2 % de Kabardins ; dians l'arrondissement 
de Labinsk, 20% d'Ukrainiens, 77% de Russes; dans l'ar- 
rondissement de fiataipachynsk, 28% d'Ukrainiens, 39% 
de Russes, 13% deKaratohaï, 5% d'Abkhasi, 4% de Kabar- 
dins, 3% de Nogaï et 2% de Circas^ens. Il y a lieu de re- 
marquer à ce propos que peut-être nulle part ailleurs on 
n'a compté, lors du recensement, autant d'Ukrainiens 
parmi les Russes, que précisément dans ces régions du 
Caucase. En conséquence, il est permis d'envisager tout 
le territoire de Kouban comme ukrainien, sauf la partie 
montagneuse. 

Dans le gouvernement de Stavropil (60,000 km*, 
1,230,000 habitants) les Ukrainiens représentent à peu 
près le 37 % de la population (450,000). Us habitent un 
territoire d'une superficie d'environ 22,000 km* dans la 
partie occidentale et méridionale du gouvernement, où 
commence la limite de la colonie ukrainienne qui atteint 
la mer Caspienne. L'arrondissement de Medveja compte 
48 % d'Ukrainiens (dans l'ouest), celui de Stavropil 13 % 
(à l'extrême sud), celui de Olexandrivsk 40%, celui de 
Novogeorgîvsk 54 % (principalement dans la moitié mé- 
ridionale). Leurs voisins, dans ces régions, sont des Rus- 
ses et des Nogaï. . 

Dans le territoire de Terek (69,000 km% 1,183,000 ha- 
bitants) les Ukrainiens ne représentent officiellement que 



33 

le 5% de la population (50,000), alors qu'il est notoire ^ue 
la majeure partie des cosaques du Terek sont de natio- 
nalité ukrainienne. Seul l'arrondissement de Piatyhorsk 
accuse un pourcentage plus élevé (14 %), en dehors de 
cela, les Ukrainiens sont réunis dans un étroit secteur de 
colonisation allant jusqu'à la Mer Caspienne. Dans le 
territoire du Terek le 29 % de la population est représenté 
par les Russes, tandis que la majorité absolue appar- 
tient à une série de tribus caucasiennes (Kabardins, Ta- 
tares, Ossètines, Ingoudies, Tchétchènes, Koumikes, 
Nogaîs). 

Le petit gouvernement de la Mer-Noire (7000 km^, 
130,000 habitants) ne représente que 16 % d'Ukrainiens, 
qui, au nombre de 10,000 environ, colonisent la partie 
nord-ouest de la très vaste région côtière. Dans l'ar- 
rondissement du Touapsé on compte 27 % d'Ukrainiens, 
20 % dans celui de Novorossiisk et 8 % dans celui de 
Sotchi. Les voisins, ne formant du reste nulle part une 
majorité absolue, sont des Russes, des Arméniens, des 
Circassiens, des Grecs et des Turcs. 

Le territoire frontière le plus important de l'Ukraine 
sud est sans contredit le g<iuvemement de Tauride (60,000 
km^, 1,880,000 habitants). C'est là que les Ukrainiens re- 
présentent la majorité relative de la population (42 % = 
790,000) à côté de 28 % de Russes, 13 % de Tatares de 
Crimée, plus de 5 % d'Allemands, environ 5 % de Juifs, 
environ 3 % de Bulgares et 1 % d'Arméniens. Les Ukrai- 
niens sont en majorité absolue dans les arrondissements 
de Dniprovsk (76%), Berdiansk (64%) et Melitopil 
(57 %) et ont des minorités importantes dans les arron- 
dissements à'Eupatoria (27 %) et Perekop (24 %), dont 
ils habitent la partie septentrionale. Toute la partie con- 
tinentale du gouvernement, ainsi que la partie septentrio- 



34 

nale de la presqu'île de la Crimée appartiennent dès lors 
sans contredit au territoire national ukrainien central 
tandis que la population ukrainienne dans les territoires 
méridionaux de la Crimée est beaucoup plus fai- 
ble (arrondissements : Theodosia 13 % , Simf eropol 10 % , 
Yalta 2 %). Les étrangers en Tauride sont surtout repré- 
sentés par des Russes (Dniprovsk 16 %, Melitopîl 32 %, 
Berdiansk 18%, Perekop 24%, Eupatoria 17% et par 
les Tatares (Yalta 71 %, Symferopil 51 %, Theodosia 
45 %, Eupatoria 40 %, Perekop 24 %). Toutefois, dans 
la mesure, où les Tatares émigrent en Turquie, le terri- 
toire de colonisation des Ukrainiens et le nombre de ces 
derniers vont grandissant de plus en plus, de sorte que 
lo moment où l'élément ukrainien aura conquis toute la 
presqu'île de la Crimée pour son territoire national, ne 
paraît plus très éloigné. En outre, on peut avoir des dou- 
tes assez sérieux relatifs à rautenticité de la population 
russe indiquée par la statistique, car la carte géographique 
de Rîttich de 1878 ne mentionne pour ainsi dire pas 
d'Ukrainiens en Tauride et désigne même les régions con- 
tinentales de ce pays comme étant russes. 20 ans plus 
tard on publie les chiffres de la statistique officielle que 
nous venons de citer, on peut donc, en toute conscience 
considérer le gouvernement de Tauride, où l'on parle 
tout entier, comme iin territoire ukrainien en forte pro- 
portion de langues étrangères. Les Allemands se placent en 
tête parmi les colons étrangers de cette région. Ils repré- 
sentent le 24 % dans l'arrondissement de Perekop, le 
12 % dans celui d'Eupatoria, le 8 % dans celui de Ber- 
diansk et dans celui de Melitopil. Dans l'arrondissement 
de Berdiansk, il y a 10 % de Bulgares» 

A la suite de ces territoires frontières, viennent les 



35 

quatre territoires continentaux situés sur la rive gauche 
du Dnipr. 

Dans le gouvernement de Katerynoslav (63,000 km* 
3,060,000 habitants) les Ukrainiens représentent avec 
2,110,000 habitants les 69% de la population totale, à 
côté de 17 % de Russes, 5 % de Juifs^ 4 % d'Allemands, 
2% de Grecs et 1% de Tatares, de Blancs-Ruthènes et de 
Polonais chacun. Quelques-uns de ces arrondissements 
accusent des pourcentages d'Ukrainiens très élevés, par 
exemple Novomoskovsk 94 % , Verknodniprovsk 91 % , 
Olexandrivsk 86 %, Pavlohrad 83 %. Dans les grandes 
villes, le nombre des éléments étrangers est très fort. Il 
s'en suit que, par exemple, l'arrondissement de Katery- 
noslay qui compte 74 % d'Ukrainiens, n'en accuse plus 
que 56%, quand on y fait rentrer. Il reste alors la ville, 
21% de Russes, 13% de Juifs, 6% d'Allemands, 2% de Po- 
lonais. Les plus petits pourcentages d'Ukrainiens se ren- 
Hcontrent dans les arrondissements sud-est du territoire, 
où il existe des colonies populeuses d'éléments étrangers; 
c'est ainsi que l'arrondissement de Bakhmout, par exem- 
ple, a 58 % d'Ukrainiens .à côté de 32 % de Russes ; celui 
de Slavîanosserbsk 55 % d'Ukrainiens à côté de 42 % de 
Russes ; l'arrondissement de Marioupil 51 % d'Ukrai- 
niens à côté de 20 % de Grecs. Dans la ville de Katery- 
noslav, les Ukrainiens représentent à peine le septième 
de la population, par contre, ils dépassent de beaucoup 
<îelle des Russes à Olexandrivsk, Verkhnedniprovsk, No- 
vomoskovsk et Bakhmout et sont en nombre égal à 
ceux-ci à Slaviansk et Pavlohrad. 

Dans le gouvernement de Kharkiv (54,000 km*, 
^,250,000 habitants), les Ukrainiens représentent le 70 % 
de la population totale {2,275,000) formant un îlot de 
langues au milieu du territoire ukrainien. Les pourcenta- 



36 

ges relatifs aux Ukrainiens varient considérablement d'un 
arrondissement à l'autre, par suite d'une colonisation 
russe (28 %) assez important, !Zmiïv 66 %, Vov- 
tchansk 75 %, Starobilsk 84 %, Koupiansk 87%). Par con- 
tre, nous constatons (pour la première fois) un fait cu- 
rieux, à savoir que dans les villes d'arrondissements les 
Ukrainiens sont supérieurs en nombre aux Russes. Ce 
n'est qu'au chef-lieu, Kharkiv, qu'Us sont en minorité et 
ne représentent guère que le quart de la population. 

Le gouvernement de Poltava (50,000 km^ 3,580,000 
habitants) peut être considéré comme le cœur de l'U- 
kraine. Ici les Ukrainiens représentent les 95 % de la po- 
pulation (3,410,000) à côté de 4 % de Juifs et de 1 ^ de 
Russes. Les pourcentages varient d'un arrondissement à 
l'autre entre 88 % (Konstantynohrad) et 99 % (Zinkiv). 
Les Russes et les Juifs habitent surtout les villes où ils 
cèdent progressivement le pas aux Ukrainiens, à l'excep- 
tion de la ville de Kremintchouk où les Juifs sont en ma- 
jorité. 

Dans le gouvernement de Tchemyhiv (52,000 km*, 
2,980,000 habitants) les Ukrainiens représentent le 86 % 
de la population (2,450,000) à côté de 5 % de Blancs-*Ru- 
thènes, 5 % de Juifs et 4 % de Russes. A l'exception des 
arrondissements septentrionaux : Souraje (Ukrainiens 
19 %, Blancs-Ruthènes 67 %, Russes 11 %), Novozybkîv 
(Ukrainiens 66 %, Russes 30 %, Blancs-Ruthènes 2 %) et 
Starodoub (Ukrainiens 75 %, Russes 22 %), tous les au- 
tres arrondissements accusent de 88 % (Horodnia), à 
99 % (Krolevetz) d'Ukrainiens. Toutes les villes d'arron- 
dissement, à l'exception de Novozybkiv, Starodoub, Sou- 
raje et IVDilyn, ont une majorité ukrainienne absolue; dans 
la capitale Tchemyhiv, cette majorité n'est que relative. 

Ainsi, le territorial national central à l'intérieur 



37 

de la Russie comporte environ 28 V2 millions 
d'habitants. Ne sont pas compris dans le calcul, 
les Ukrainiens des gouvernements d'Astrakhan (190,000), 
Saratov (220,000); Samara (150,000), Orenbourg (50,000), 
ni les Ukrainiens de tous les territoires asiatiques 
russes dont le nombre de 500,000 ne paraît pas être exa- 
géré. Nous pouvons, par conséqueait, estimer la popula- 
tion totale des Ukrainiens dans tout Tempire universel 
russe à 29 V2 millions. 

Ce chiffre a été déterminé après triage et critique du 
matériel statistique de différentes unités administratives 
russes. Il correspond de façon frappante au chiffre qu'on 
peut déterminer d'ime façon tout à fait différente 
et générale. En 1897, le nombre des Ukrainîelis dans 
l'empire russe ascendait à 22,400,000 soit 17,4% de la 
population totale de 129 millions. Si nous appliquons le 
même taux à l'estimation de 1910, nous obtenons (en 
nous basant sur une population totale de 166 millions), 
28,900,000 Ukrainiens. En y ajoutant les Pyntchouks 
(390,000) qui dans la statistique officielle avaient 
été, par erreur, comptés avec les Blancs-Ruthènes, nous 
obtenons pour les Ukrainiens de Russie (1910) le nombre 
de 29,300,000. 

En faisant le total des Ukrainiens de l'Univers 
entier, nous obtenons pour 1910 un chiffre de 34,500,000, 
dont 32,700,000 dans le territoire ukrainien central. 
Ce chiffre est un minimum, car en l'établissant on n'a 
pas tenu compte des erreurs tendancieuses de la statis- 
tique officielle. Néanmoins et malgré tout, ce chiffre nous 
indique clairement que les Ukrainiens occupent, le 6me 
rang parmi les nations d'Europe. Ils arrivent après les 
Russes, les Anglais, les Allemands, les. Français et les 



38 

Italiens. Panni les nations slaves, ils occupent le 2ème 
rang. 

Nous essaierons de démontrer dans les chapitres sui- 
vants, comment cette grande force du nombre de la na- 
tion ukrainienne peut être mise en rapport avec sa fai- 
blesse politique et économique simultanée. Et mainte- 
nant examinons rapidement la densité de la population 
de l'Ukraine. 

Le territoire national central de la nation ukrainienne, 
d'une superficie totale de 850,000 km* est habité (1910) 
en chiffres ronds par 45 millions d'âmes. D'après les in- 
dications officielles les 73 % en seraient Ukrainiens. La 
densité générale de la population est par conséquent plus 
de 53 habitants par km*. L'Ukraine forme ainsi la transi- 
tion entre les pays à population très dense de l'Europe 
occidentale et ceux de l'Orient-nord où la population 
est très clairsemée. Cette transition peut aussi être cons- 
tatée à l'intérieur même du pays. Les territoires frontières 
de l'occident sont ceux dont la population est la plus 
dense. La Galicie a une densité de 102, le gouvernement 
de Lublin de 90, le gouvernement de Kiev de 90, celui de 
Podolîe de 89, celui de la Boukovine de 77, celui de Pol- 
tava de 72. Nous avons ainsi une large zone de popu- 
lation dense, s'étendant le long du 50me degré de lat. 
depuis les Carpathes jusqu'au delà du Dnipr. Au nord 
la première zone s'étend moins dense: Siedletz 69, Grodno 
51, Minsk 31, Volhynie 54, Tchemyhiv 57, Koursk 65, 
Voronije 51. Au sud de la zone la plus dense, on en 
trouve une deuxième qu'il est moins : c'est la Bessarabie 
53, Kherson 49, Tauride 31, Katerinoslav 48. Les plus 
faibles en densité sont les territoires frontières orientaux 
Kouban 28, Don et Stavropil 21 chacun, Tchomomoria 
et Terek 17 chacun. 



39 

A rîntérîeur de ces grands territoires, la densité va- 
rie également dans de fortes proportions parfois deux 
districts ou arrondissements à densité très différente sont 
situés très près l'un de l'autre. La plupart du temps toute- 
fois ces différences ne sont qu'apparentes et proviennent 
du fait qu'on a tenu compte de la population des villes. 
C'est ainsi que la densité considérable des districts de 
Stanislaviv (184), Tarnopil (161), Peremychl (160, Ko- 
lomya (156) doit être attribuée à la présence des villes 
très populeuses du même nom« Voilà aussi pourquoi le 
district de Sniatyn (147) parait avoir une population très 
dense, par le fait du peu d'importance de la ville de dis- 
trict. La densité moyenne de la Galicie orientale ukrai- 
nienne n'est que de 98 ; dans les districts montagneux de 
Dolyna et de Kossiv elle atteint à peine 45. Nous rencon- 
trons les mêmes phénomènes dans l'Ukraine russe. L'ar- 
rondissement de Kharkiv a une densité de 164 ha- 
bitants par verste carrée, l'arrondissement de Kiev 
une densité de 152. Si toutefois nous ne tenons compte que 
de la population des campagnes, ces chiffres descendent 
respectivement à 81 et 75. C'est la raison pour laquelle 
Tarrondissement de Kaniv avec ses 117 habitants par 
verste carrée, apparaît comme étant l'arrondissement le 
plus habité de toute l'Ukraine russe. Il est à remarquer 
que nous n'avons pas compté les habitants de la ville. 
Toute une série d'arrondissements, celui de Podolie, de 
Kiev, de Poltava, de Kharkiv, de la Volhynîe méridionale 
(sans les villes) atteignent une densité de 75—100 par 
verste carrée, d'autres arrondissements du même terri- 
toire varient entre 50 et 75. Dans les forêts marécageu- 
ses de l'Ukraine septentrionale, la densité fléchit très ra- 
pidement L'arrondissement de Ovroutch dans la Vol- 
hynie septentrionale n'atteint que la limite de 29, et les 



40 

arrondissements de Pinsk et Mozyr, respectivement 26 
et 17. De même les territoires des steppes de lUkraine 
méridionale» sont» par endroits, très peu peuplés. La den- 
sité de la plupart des arrondissements de lUkraine mé- 
ridionale oscille entre 30 et 50. 

Nous voyons par ces chiffres qu'au point de vue 
de la densité de la population» l'Ukraine est un véritable 
pays oriental d'Europe. En comparant sa densité avec 
celle de l'ancien empire russe» ou seulement avec celle 
de la Russie d'Europe» nous devons reconnaître qu'après 
la Pologne, l'Ukraine représente la partie la plus popu- 
leuse du gigantesque empire russe. Même les territoires 
frontières du sud-est de l'Ukraine les moins denses ont 
une densité supérieure à la moyenne de la Russie {25 par 
km*) A peu de chose près, 4e quart de l'énorme réser- 
voir humain de l'ancien empire de Russie se trouve con- 
centré sur le territoire ukrainien. 

La statistique officielle» surtout dans les villes à été 
«faite» d'une façon très désavantageuse pour l'élément 
ukrainien» mais néanmoins elle montre à l'évidence que 
le peuple ukrainien persistant à demeurer dans son état 
agrarien a abandonné aux étrangers les centres de la vie 
culturelle et scientifique que sont les villes. Ces derniers 
temps seulement, ces conditions tendent à s'améliorer. 
Les villes de langue étrangère commencent à s'ukraini- 
ser. Les pourcentages ukrainiens toujours croissants des 
villes de Galicie et de l'Ukraine nous autorisent à nour- 
rir l'espoir que l'élément ukrainien, dans son extension 
progressive et son forte immigration des régions environ- 
nantes parviendra peu à peu à absorber les éléments de 
langues étrangères qui dominent actuellement dans les 
villes. 



Caractéristiques anthropologiques 

des Ukrainiens. 

Uanthropalogie est une science relativement jeune. 
Un siècle à peine nous sépare de ses origines. Alors que 
les matériaux rassemblés par la science anthropologique 
peuvent paraître nombreux et considérables à quel- 
ques-uns, ils sont cependant en nombre limité 
et, ce qui est plus important, ils sont irrégulièrement ré- 
partis. Certaines races et certains peuples ne sont connus 
que par un nombre très limité de mensurations, tandis 
que d'autres ont déjà fourni les données d'une quantité 
d'expériences à la science anthropologique. Il en resuite 
que cette science n'est pas encore en possession 
de connaissances exactes et de précisions incontestables 
au sujet d'un certain nombre de races différentes. Même 
en Europe, où les recherches anthropologiques se sont 
étendues au plus grand nombre d'individus possible, la 
répartition des différentes caractéristiques anthropolo- 
giques des races a été jusqu'à ces derniers temps parti- 
culièrement difficile à expliquer et à saisir. Ce n'est qu'à 
la suite des importants travaux de Deniker, de Hamy et 
d'autres qu'il fut possible de classer la population euro- 
péenne en un certain nombre de races anthropologiques. 

Il n'existe nulle part un peuple pur-sang dont tous 
les individus accusent des caractères identiques. On 
chercherait en vain, même dans les coins les plus recu- 
lés du globe, un tribu, si petite fût-elle, pouvant pré- 
tendre être pur-sang. Les peuples, les plus civilisés de la 
terre sont dans leur généralité des peuples à sang plus ou 
moins mêlé ; ils ne possèdent pas le type anthropolo- 
gique conforme à l'unité. C'est surtout le cas des nations 



42 

cultivées de l'Europe centrale et occidentale : des Fran- 
çais, des Anglais» des Elspagnols» des Italiens, des Alle- 
mands. Des croisements continuels, prouvés par l'his- 
toire, ont effacé chez ces peuples cultivés les caractéris- 
tiques anthropologiques de l'origine. Il n'y a, par con- 
séquent, pas lieu de s'étonner si, en présence de ces 
exemples visibles, l'anthropogéographie ait pour ainsi 
dire renoncé à trouver des caractéristiques anthropolo- 
giques à chaque nation. 

Toutefois les problèmes anthropogéographiques de 
l'Europe orientale doivent être envisagés de tout autre 
manière. Les scrupules de la science anthropologique ne 
peuvent subsister. Il faut une échelle différente pour éva- 
luer les conditions physicogéographiques de l'Europe 
centrale et occidentale et ceDes des peuples de l'Orient. 
Là-bas c'est la diversité qui pousse, ici c'est l'uni- 
formité. La diversité anthropologique des pays oc- 
cidentaux devra céder le pas à l'uniformité orien- 
tale. Quoique pays de plaine sans grands obsta- 
cles naturels, l'Ukraine a de tout temps été hostile 
à des mélanges de races et n'a jamais aucune maiûère 
favorisé le développement de variétés corporelles. Des 
croisements étrangers ne se produisent pour ainsi dire 
pas. Car les tribus étrangères qui, depuis les temps les 
plus reculés de l'histoire ont traversé le territoire de 
l'Ukraine ou même celles qui l'ont dominé étaient avant 
tout beaucoup trop faibles en nombre pour pouvoir exer- 
cer une influence sensible sur le type anthropologique 
des Ukrainiennes. Au surplus, ces tribus étrangères, gé- 
néralement nomades, pénétraient dans le pays en enne- 
mis enragés, de sorte que des relations pacifiques volon- 
taires ne se nouaient guère avec elles. La nation 
ukrainienne offre donc pour cette raison dans le 



43 

domaine anthropologique une unité plus complète que 
celle de l'Europe occidentale et centrale où, au cours 
des siècles, une quantité innombrable de peuples de type 
anthropolo^ques différents se sont rencontrés et mélan- 
gés. Si donc les données anthropologiques sont de va- 
leur douteuse en occident, il en va tout autrement chez 
les Ukrainiens ainsi que dans plusieurs autres nations de 
l'Europe orientale. En Orient les qualités anthropologi- 
ques acquièrent une importance considérable ; elle sont 
la caractéristique d'une nation. Il y a plus d'un demi- 
siècle déjà, que l'anthropologie s'intéresse à l'Ukraine, 
mais les recherches faites furent entreprises sans aucune 
méthode. Arbitrairement on choisit des contrées diverses 
de l'immense territoire national. Les résultats en furent 
contestables. Au XXe siècle seulement on réunit les ma- 
tériaux nécessaires à la détermination du type anthropo- 
logique ukrainien. Les hommes éminents qui firent des 
recherches dans ce domaine sont : Kopemitzki, Prot- 
zenko, Welker, Popov, Hyltchenko, Krasnov, Petrov, 
Erckert, Emme, Talko-Hr3mcevitch, Diebold, Bilodid, 
Anoutchin, Ivanovskî, Vovk et Rakovsky. 

Leurs résultats aboutirent à la constatation que les 
Ukrainiens sont, comme toutes les autres nations d'Eu- 
rope, une race à sang mêlé. Mais la formation de cette 
race mélangée s'est produite à une époque fort reculée et 
les mélanges subséquents sont de trop peu d'importance 
pour avoir pui altérer sensiblement le type de la race 
ukrainienne. Ce type a conservé son caractère le plus pur 
dans une laiige zone embrassant les territoires ukrainiens 
des Garpathes, de la Pokoutie, de la Podolie, du plateau 
du Dnipr et de la plaine du Dnipr, du plateau du Donetz 
et de pays de Kouban dans le Caucase. A la frontière 
ethnographique, les différences anthropologiques sont 



44 

encore très marquées entre les Ukrainiens et leurs voi- 
sins : les Pol(^ais, les Blancs^Ruthènes et les Russes, mais 
le type ukrainien y est toutefois moins nettement défini 
qu'au centre de la zone principale. 

La taille moyenne des Ukrainiens est de 1670 mm. Ils 
appartiennent par conséquent aux peuples européens 
dont la stature est la plus élevée, et dépassent même de 
beaucoup leurs voisins. La taille moyenne des Blancs-Ru- 
thènes mesure 1651 mm., celle des Polonais 1654, celle 
des Russes 1657. Sur 100 individus ukrainiens, 53 dépas- 
sent la moyenne et 47 sont plus petits. Chez les Polonais 
et les Russes, cette proportion est respectivement de 51 
et 49 %• 

Dans les zones principales où règne le type pur de la 
race ukrainienne cette moyenne de la taille se maintient. 
Ce sont les Ukrainiens de Kouban, dans le Caucase qui 
ont la priorité (1701 mm.). Les Ukrainiens koubanais de 
cette région sont pour la plupart descendants des Co- 
saques de Zaporogue, considérés pendant des siècles 
comme la fleur de la force physique du peuple ukrai- 
nien. La taille des Houtzoules, celle des Podoliens, des 
Volhyniens et des riverains du Driîpr n'est guère moin- 
dre, elle atteint 1693 mm. Mais dans la Galicie moyenne, 
en Podlachie, dans le Polissie, dans le territoire du Don, 
c'est-à-dire dans le voisinage immédiat des Polonais, des 
Blancs^Ruthènes et des Russes, la hauteur de la taille di- 
minue rapidement. Néanmoins, même dans ces régions, 
les Ukrainiens se font remarquer par leur haute stature qui 
domine de manière frappante celle de leurs voisins, no- 
tamment celle des Russes mêlés d'éléments finnois-mon- 
gols de petite taille. Annoutchin appuie sur un fait : par- 
tout où le territoire ukrainien s'avance (ne fut-ce que 
très légèrement) dans un gouvernement russe, la 



45 

moyenne de la taille constatée chez les recrues se relève 
immédiatement Beaucoup d'Ukrainiens sont incorporés 
dans les régiments de la garde, grâce à leur taille élevée. 

L'Ukrainien n'est pas seulement de taille élevée ; il 
est proportionnellement carré d'épaules et fort de tho- 
rax. Des matériaux rassemblés par Ivanovski, il ressort 
qu'à ce point de vue les Ukrainiens surpassent tous les 
peuples voisins. Le pourtour moyen du thorax chez les 
Ukrainiens donne le 55,04 % de la taille, alors qu'il n'est 
que de 54,11 % chez les Polonais, de 53,84 % chez les 
BlancsiRuthènes et de 52,18 % chez les Russes. 

Déjà réputés forts et grands, les Ukrainiens gar- 
dent leur supériorité physique sur les autres peuples. 
La longueur de leurs bras proportionnée à leur taille est 
de 45,7%, tandis que les Blancs-Ruthènes n'atteignent que 
le 45,1 %. Mais, les Polonais les Calent et les Russes 
arrivent à 46 %. Chez les Ukrainiens la longueur des 
jambes atteint le maximum (53,6 %) ; elle est plus fai- 
ble chez les Polonais (52,1 %), chez les Blancs-Ruthènes 
(51,7 %) et chez les Russes (50,5 %). Ce fait semble con- 
firmer l'influence du mélange du sang finnois-mongol, la 
longueur des jambes des Mordvinois étant dans le rap- 
port de 49,1 % et celle des Tatares de l'Altaï de 48,6 %. 

L'anthropologie attache une grande importance à la 
forme du crâne. Les Ukrainiens, comme tous les Slaves 
du reste, appartiennent à la catégorie des brachycépha- 
les (têtes raccourcies). L'index moyen chez les Ukrai- 
niens est de 83,2. Parmi les peuples voisins il est de 82,1 
chez les Polonais, de 82,3 chez les Russes. La brachycé- 
phalîe la plus prononcée se rencontre chez les Blancs- 
Ruthènes (85,1). La hauteur du crâne est la plus forte 
chez les Ukrainiens (70,3), un peu plus faible chez les 
Russes (70,1), la moins forte chez les Blancs-Ruthènes. 



1 



46 

On remarque ici que la répartitioa ethnographique 
territoriale correspond à celle que nous avons déjà cons- 
tatée pour la taille. La bracfaycéphalie la plus pro- 
noncée se rencontre chez les Houtzoules; elle va 
diminuant lorsqu'on se dirige vers le nord-est et 
Torient si bien que l'index du crâne le plus réduit 
se trouve dans les territoires du Don et du Kouban. En 
outre, la brachycéphalie des Ukrainiens diminue régu- 
lièrement à la limite des territoires polonais et russes en- 
suite du voisinage multiséculaire de ces nations. Chez les 
Russes, la brachycéphalie est moindre, ensuite de Tin- 
fluence finnoise, chez les Polonais ensuite d'anciens croi- 
sements de races avec les Finnois. 

Comme pour la forme du crâne, les Ukrainiens se 
distinguent encore des peuples voisins par la forme du 
nez. Le nez, chez ce peuple est généralement droit et 
mince. L'index nasal de l'Ukrainien est de 67,7, c'est-à- 
dire un peu plus fort que celui des Polonais (66,2). Vien- 
nent ensuite les Russes (68,5) et les Blancs-Ruthènes 
(69,2). 

La largeur faciale des Ukrainiens est en moyenne de 
180, celle des Polonais 181, celle des Russes 182, des 
Blancs-Ruthènes 186. L'index facial est de 78,1 chez les 
Ukrainiens, de 76,2 chez les Blancs-Ruthènes, de 76,3 chez 
les Polonais, de 76,7 chez les Russes. Ici encore nous 
constatons une grande différence entre les Ukrainiens et 
leurs voisins ainsi que la ressemblance de ces derniers 
entre eux. 

La couleur des cheveux et des yeux est loin d'être un 
indice anthropologique aussi probant que les précédents; 
c'est tout de même un caractère qui a son importance. 
Au milieu de leurs voisins les Ukrainiens restent tou- 
jours séparés et leur personnalité est bien marquée. En 



47 

ce qui concerne les cheveux et les yeux, les tons foncés 
prédominent chez les Ukrainiens, de sorte que sur 100 
individus, 29,5 % seulement ont les yeux et les cheveux 
clairs, 35 % les ont de couleur moyenne et 85 % de cou- 
leur foncée. Chez les Russes, ces pourcentages sont res- 
pectivement de 37 %, 41 % et 22%, et chez les Polonais 
respectivement de 35 %, 46 % et 19 %. Le type à couleur 
claire est donc plus répandu chez les peuples voisins que 
chez les Ukrainiens eux-nmémes. 

Pour la répartition de la couleur des yeux et des che- 
veux on constate de nouveau la même loi territoriale que 
pour la répartition de la taille et de la forme du crâne. 
Dans la zone où règne principalement le type de la race 
ukrainienne et particulièrement dans le sud-ouest, la cou- 
leur des cheveux et des yeux est représentée de la façon 
la plus caractéristique. Près des frontières de la Blanche- 
Ruihénie, de la Pologne et de la Russie, le type ukrainien 
perd de plus en plus de son originalité. 

Malgré sa brièveté et son caractère général, cette courte 
esquisse anthropologique des Ukrainiens, permet néan- 
moins de constater que les Ukrainiens présentent fort peu 
d'analogie anthropologique avec les Polonais, les Blancs- 
Ruthènes et les Russes. Par contre, ces peuples voisins ont 
une grande analogie entre eux et sont très rapprochés 
l'un de l'autre, anthropologiquement parlant, tandis que 
l'Ukrainien est très différent de tous ses voisins et occupe 
ainsi une situation tout à fait indépendante, 

La négation de l'avis exprimé parfois que les Ukrai- 
niens sont des Russes polonisés ou des Polonais russifiés 
s'affirme immédiatement en présence des faits que nous 
venons de relever. Les sciences naturelles avec leurs ré- 
sultats précis et positifs viennent s'opposer ici aux «théo- 



48 

ries unitaires» polonaises et russes basées sur des phra- 
ses historiques et philologiques plus ou moins creuses. 

Mais ce n'est pas tout ; quelques historiens polonais 
ont conçu récemment une nouvelle théorie sur l'origine 
des Ukrainiens et l'ont répandue dans le monde. D'après 
eux, les Ukrainiens ne seraient autre chose que le pro- 
duit des croisements de Slaves avec des tribus nomades 
mongoles-turques qui pendant des siècles ont traversé et 
dominé les steppes ukrainiennes. Les Ukrainiens seraient 
un peuple des steppes, demi-nomade, incapable d'acqué- 
rir aucune culture et qui, par conséquent, présenteraient 
les plus graves dangers pour la civilisation européenne. 

L'anthropologie sape cette théorie à sa base : 
les peuples nomades mongols-turcs se distinguaient 
presque tous par leur petite taille, leurs jambes courtes 
et leurs longs bras ainsi que par une tête ronde. Ces 
mêmes caractères devraient par conséquent apparaître 
nettement chez les Ukrainiens. Mais il n'en est rien puis- 
que nous avons vu que, parmi tous les peuples qui les 
environnent, les Ukrainiens sont ceux chez lesquels on 
constate la taille la plus élevée, les jambes les plus lon- 
gues et des bras moyens. Et quant à la brachycéphalie 
des Ukrainiens, c'est la moins prononcée de l'Orient, là 
où les croisement auraient eu le plus de facilité à s'opé- 
rer. 

Le type anthropologique des Ukrainiens accuse donc 
une indépendance absolue vis-à-vis des types polonais, 
blanc-ruthène ou russe et ne trahit pas de traces visibles 
d'un mélange mongol. Vers 1880 déjà la dissemblance 
entre le type ukrainien et le type d'autres Slaves orien- 
taux a attiré l'attention de l'illustre géographe Elisée Re- 
clus. Il reconnut la parenté existant entre les Ukrainiens 



49 

et les Slaves méridionaux. Après lui, vers la fin du XIXe 
siècle, Hamy divisait tous les Slaves en deux groupes : 
le premier, de grande taille, brachycéphale et à 
cheveux foncés, et le second de taille inférieure, 
moins brachycéphale et à cheveux clairs. Dans le pre- 
mier groupe, il rangeait les Serbes, les Croates, les Slo- 
vènes, les Tchèques et les Ukrainiens, dans le second, les 
Polonais, lesPolabes, les BlancsHRuthènes et les Russes. 
Une division analogue a été adoptée par Deniker égale- 
ment. A son avis, les Ukrainiens appartiendraient à la soi- 
disant e race adriatique (dînarique), tandis que les Polo- 
nais et les Russes doivent être attribués aux races étroi- 
tement liées Tune à l'autre de la Vistule et de l'Orient. 
Récemment, plusieurs savants ont envisagé la race adria- 
tique comme étant la race spécifiquement slave. Elle n'est 
toutefois demeurée relativement pure que chez les Sla- 
ves méridionaux et les Ukrainiens, tandis que les Slaves 
septentrionaux accusent des mélanges très prononcés. 

L'anthropologie nous fait reconnaître dans l'Ukrai- 
nien une race d'honmies bien constituée et d'une grande 
vigueur physique. Une autre particularité de l'Ukrainien 
est sa prodigieuse fécondité. Là où le peuple ukrainien 
n'a pas encore dégénéré sous fa pression sociale et les 
atteintes du paupérisme envahissant, la natalité atteint 
des chiffres surprenants. Il en résulte un accroissement 
de population assez rapide malgré la grande mortalité 
infantile occasionnée par les conditions hygiéniques dé- 
favorables. Les chiffres de la natalité et de l'accroisement 
de population {1900—1904) dans les territoires entiers de 
l'Ukraine en Russie d'Europe s'établissent comme suit: — 
moyenne annuelle— : Volhynie 4,5% et 2%, Podolie 4,3% 
et 1,3%, Kiev 4% et 1,4%, Kherson 4,5% et 2%, Tauride 
4,2 % et 1,9 %, Katerinoslav 5,6 % et 2,8 %, Tchernyhiv 

4 



50 

4,6 % et 2 %, Poltava 4,3 % et 1,9%, Khiarkiv 4,9% et 2%. 
Dans les premières années du XXe siècle, la Galicie a 
enregistré un accroissement de papulation annuel 
de 1,6 à 1,8 %. Ces chiffres qui sont beaucoup plus éle- 
vés que les chiffres correspondants dans le territoire na- 
tional polonais ou russe, constituent l'un des rares faits 
réjouissants dont l'existence nous fait entrevoir l'avenir 
avec confiance. L'accroissement supérieur chez les 
Ukrainiens ne devrait pas être recherché dans la su- 
périorité de la culture des états voisins. Au point de 
vue de la culture, la population rurale polonaise et russe 
n'est certes pas supérieure à celle de l'Ukraine, bien au 
contraire. L'accroissement supérieur des Ukrainiens pro- 
vient uniquement de la supériorité incontestable des qua- 
lités de la race^ 



La langue ukrainienne. 

On a souvent pu se demander ce qui prouve l'exis- 
tence d'une nation. Est-ce son passé historique? Est-ce 
sa langue? L'un et l'autre certainement, mais plusieurs 
peuples forment une unité ethnographique sans pour 
cela posséder en propre une langue. 

La langue n'est pas nécessairement la caractéristique 
d'une nation. L'exemple des Suisses, des Américains 
du nord, des peuples de descendance espagnole ou por- 
tugaise dans l'Amérique du sud le prouve. Si les Ukrai- 
niens voulaient être une nation indépendante, le seul fait 
d'avoir cette volonté leur conférerait ce titre, même si 
leur langue était identique à la langue russe, blanche- 
ruthène ou polonaise. 

Pourtant, les Ukrainiens ont une langue indépen- 
dante. On a, il est vrai, fréquemment répandu en Eu- 
rope la croyance que la langue ukrainienne est un dia- 
lecte de paysans polonais. La Russie officielle laisse sub- 
sister le malentendu qu'il n'existe qu'un dialecte «petit- 
russien» de la langue russe. Dans la science et la politi- 
que sociale européenne on avait accueilli ces deux théo- 
ries unitaires dont il a été question plus haut et la théo- 
rie russe devint même prédominante dans la science al- 
lemande. 

La philologie slave en juge différemment. A l'excep- 
tion de quelques philologues pan-russes (Florinski etc), 
qui, du reste, ne comptent pas parmi les capacités phi^- 
lologiques, toute la science philologique est d'accord pour 
reconnaître que la langue ukrainienne n'est pas plus ap- 
parentée au russe et au polonais que ne l'est, par exem- 
ple, le serbe au bulgare ou le polonais au tchèque. Les 



52 

recherches de Miklosich, de Malinovski, de Chakhmâ- 
tov, Booch» Baudouin de Courtenay, de Fortounatov, de 
Eorch» Krimsky, de Stotzky et d'autres ont indubitable- 
ment démontré que la langue ukrainienne n'est en au- 
cune façon un dialecte de la langue russe, mais consti- 
tue au contraire une langue absolument indépendante. 
Dans son rapport célèbre intitulé : «De l'abolition des 
restrictions concernant les imprimés petit&-russiens» 
(1905), l'Académie des sciencesi de Pétrograd abonde 
dans ce sens. L'Académie a catégoriquement relevé» que 
les langues russe et ukrainienne sont deux langues par- 
faitement distinctes et d'égale valeur. 

La langue russe des intellectuels ne s'est pas déve- 
loppée sur la base générale slave orientale, mais exclu- 
sivement sur la base russe (moscovite). Elle ne peut pas 
être imposée aux Ukrainiens puisqu'ils disposent d'une 
langue absolument établie qui leur appartient en propre. 

Il est fort probable qu'à une époque préhistorique 
fort reculée, les ancêtres des Ukrainiens, des Blancs-Ru- 
thènes et des Russes actuels ont parlé la même langue. 
Mais déjà au début des temps historiques de l'Europe 
orientale, nous trouvons ces tribus slaves divisées en 
trois groupes différents au point de vue linguistique. Au 
Xle siècle, on constate une différence parfaitement dé- 
finie entre la langue parlée aux environs de Kiev ou de 
Halitch et celle parlée à Vladimir sur la Kliasma ou à 
Souzdal. La réunion politique de toutes les tribus slaves- 
orientales dans l'Etat de Kiev n'a pas eu pour effet de 
supprimer ces divergences entre le nord et le sud et les 
monuments littéraires de cette époque le prouvent de 
façon indéniable. La décadence de l'Etat de Kiev, la for- 
mation du centre politique moscovite, la chute de Kiev, 
tout cela contribua encore à accentuer les oppositions lin- 



58 

guistiques entre les ancêtres des Ukrainiens et des Rus- 
ses. La plaie des Tatares enfin sépara définitivement le 
groupe moscovite de celui de l'Ukraine et les força ainsi 
tous deux à vivre une vie historique séparée. L'Ukraine 
passa sous la domination lituanienne» puis sous 
celle de la Pologne, tandis que la Moscoviè se développa 
petit à petit pour devenir l'empire russe. Les différen- 
ces de langue déjà si sensibles au XlVe siècle s'accen- 
tuèrent tellement par le développement indépendant des 
deux langues, qu'au XVIIIe siède, lorsque la, Russie prit 
la plus grande partie de l'Ukraine sous sa domination, 
les deux langues se trouvèrent presque étrangères l'une 
à l'autre, n'ayant de commun que leur souche ancienne. 

D'après les recherches de Stotzky et Gartner, la lan-, 
gue ukrainienne n'est pas plus apparentée au russe au 
point de vue philologique qu'au polonais ou au tchè- 
que. De toutes les langues slaves, c'est le serbo-croate 
qui se rapprocherait le plus de l'ukrainien. Il s'en suit 
évidemment que les Ukrainiens doivent avoir eu, pré- 
cédemment, une communauté plus grande avec les Ser- 
bo-croates qu'avec les Russes. 

Nous avons ici un exemple très frappant de la pâ-^ 
rente qui subsiste entre l'anthropologie et la linguisti- 
que. Nous établissons ainsi la preuve subséquente que 
les caractéristiques anthropologiques des peuples orien- 
taux ont une toute autre signification qu'en Europe cen-* 
traie ou occidentale. Cette concordance de deux scien- 
ces complètement différentes nous fait reconnaître dans 
l'Ukrainien une unité indépendante dans la grande fa- 
miUe des peuples slaves. Si les faits authentiques ont pu 
être soustraits aux yeux de 1^ science européenne, la 
faute en est à plusieurs causes tout d'abord à la faible 
propagation de la connaissance de l'Ukrainien parmi les 



54 

Slaves, puis à la connaissance de l'histoire de l'Europe 
orientale comprise d'après le barème russe seulement, 
à la langue liturgique commune qui fut longtemps, en 
même temps la base de la langue intellectuelle, à la mal- 
heureuse confusion des dénominations de «Rousse», 
«rousski», qui en qualité d'anciennes dénominations 
d'état de l'état de Kiev furent usurpées par l'empire mos- 
covite pour être attribuées à toutes les nations slaves 
orientales. De cette façon tout a été fait pour les besoins 
de la cause de la théorie officielle russe de l'unité. 

Dans l'immense Ukraine, chaque Ukrainien, même 
le paysan iHettré, sait parfaitement que l'ukrainien est 
indépendant et diffère complètement du russe ou du po- 
lonais. Il ne comprend ni le Russe ni le Polonais qui lui 
parlent et ceux-ci, à leur tour, ne le comprennent pas le 
moins du monde. Un Ukrainien de basse classe com- 
prendra, à la rigueur, encore mieux le polonais que le 
russe ; cela tient au fait de la vie commune de ces deux 
peuples, durant des siècles, dans l'état polono-lituanien. 
Ces contingences provoquèrent des influences réci- 
proques nombreuses, surtout au point de vue du ré- 
pertoire des expressions de la langue. Mais le russe, avec 
son vocabulaire et son caractère phonétique complète- 
ment étrangers, ses substitutions de mots, ses déclinai- 
sons, ses conjugaisons différentes est une langue 
très difficile. A combien de vexations l'Ukrainien 
campagnard n'est-il pas exposé à chaque pas ? 
La langue russe domine exclusivement dans les 
administrations officielles, au tribunal, à l'école, à 
l'église 1 L'Ukrainien cultivé, qui fut élevé dans les éco- 
les russes, a dû apprendre la langue à grand'peine, et 
pourtant il ne la possède pas entièrement, si bien que 
le Russe reconnaît immédiatement en lui le «Khakhol». 



55 

Pour un Ukrainien cultivé qui a été élevé en dehors de 
Russie, le russe est sinon plus difficile du moins tout 
aussi ardu à apprendre que le polonais, le tchèque ou 
le serbe. Des faits d'une simplicité aussi évidente par- 
lent d'eux-mêmes* Ils nous édifient peut-être davantage 
au point de vue de l'indépendance de la langue ukrai- 
nienne que de longues dissertations philologiques. 

Comme toutes les langues les plus vivantes, l'ukrai- 
nien n'a pas d'unité. Par suite de l'immense étendue 
du territoire et de la population nombreuse qui y habite, 
ce pays a de toute temps donné prise à la formation de 
dialectes et d'idiomes. L'ukrainien compte quatre dia- 
lectes : le dialecte méridional, le dialect nord-ukrainien, 
le dialecte galicien (ruthénien rouge) et celui des monts 
des Carpathes. Le dialecte méridional est parlé dans tout 
le sud du territoire de Kiev, de Koursk, de Voronije, 
dans tous les territoires de Poltava, de Kharkiv, de 
Kherson, de Katerinoslav, de Tauride, du Don et de Kpu- 
ban. Il comporté trois idiomes, l'idiome septentrional 
qui forme la base de la langue ukrainienne lettrée d'au- 
jourd'hui, l'idiome moyen et l'idiome méridional. Le 
dialecte du nord est parlé dans le pays de Tcher- 
nyhov, la partie septentrionale du territoire du Kiev, la 
Volhynie septentrionale, le Polissie et la partie septentrio- 
nale du Pidlassie. Ses idiomes sont : celui de Tchernyhov, 
l'ukrainien septentrionale proprement dit, celui de Polis- 
sie et celui de la Ruthénie noire. Le dialecte de Galicie ou 
ruthénien rouge embrasse la Galicie (sauf la montagne), 
le territoire de Kholm, la Volhynie et la Podolie occiden- 
tale. Il comprend deux idiomes : l'idiome podolo-volhy- 
nien et l'idiome galicien (Dnistr). Le dialecte des monts 
des Carpathes comprend tout le territoire ukrainien des 



1 



56 

Carpathes et se divise en quatre idiomes : rhoutzaulique, 
le boiki, le lemki et Tidiome frontière slovako-nithénien» 

Comme tous les dialectes et idiomes slaves ceux 
d'Ukraine diffèrent peu les uns des autres. 

n n'est pas admissible de comparer les dialectes et 
idiomes ukrainiens avec ceux de l'Allemagne, par exem- 
ple. Le Cosaque du Kouiban ou le Boîko, un habitant 
du Polissie ou de Bessarabie, se oomprenneiït sans dif- 
ficulté. Seulsi parmi ces idiomes celui de Lemki, ainsi 
que l'idiome frontière slovako-ruthénien, offrent des dis- 
semblances appréciables. A cette exception près, il rè- 
gne une unité de langues remarquable sur toute l'éten- 
due du vaste territoire ukrainien. Un récit populaire du 
pays de Kouban, dans le Caucase, qui serait donné en 
audition, au moyen du phonographe, dans une salle de 
lecture de campagne des environ® de Peremychl, ren- 
contrerait la même compréhension de la part des audi- 
teurs que s'il provenait d'un village voisin et non pas 
de quelques milliers! de kilomètres de distance. Nous 
rencontrons les mêmes chants populaires, les mêmes 
proverbes, les mêmes contes de fées au Pidlassie que 
dans le Manytch, près de Tchernyhiv et d'Odessa, que 
sur le Don ou sur le Dnistr. 

La langue ukrainienne se distingue par des avantages 
qui lui assurent une place en vue parmi les autres lan- 
gues slaves. La richesse en voyelles, le son plein, la 
grande douceur et la souplesse, les fréquentes terminai- 
sons en i, l'absence de consonnes multiples dans une 
même syllabe, font de l'ukrainien la langue slave la plus 
harmonieuse qu'il soit. Après l'italien, c'est l'ukrainien 
qui s'applique le mieux au chant. Ce qui en impose le 
plus, c'est sa grande richesse. 



57 

Cette richesse de la langue est d'autant plus étrange, 
qu'elle ne résulte pas de son développement progressif, 
au travers des siècles, dans la littérature et dans la 
science. La niasse du peuple des campagnes a recueilli 
et cultivé les trésors de la laitue ukrainienne. 

Si, d'après Ratzel, le vocabulaire populaire d'un pay- 
san anglais ne compte pas plus de trois cents mots, le 
paysan ukrainien en dispose d'au moins trois mille. En 
outre, la langue est d'une pureté frappante. Peu de 
mots d'emprunts ont été introduits dans la langue ukrai- 
nienne, malgré de nombreux siècles d'existence com- 
mune avec les peuples voisins ; et ces most se perdent 
complètement dans le trésor pur de la langue ukrai- 
nienne. Les géographes et les naturalistes ont un intérêt 
tout particulier pour la merveilleuse richesse de la lan- 
gue ukrainienne. Les termes techniques relatifs à la géo- 
métrie, à la physique et à l'histoire naturelle abondent 
et font l'admiration des savants. La codification de la 
terminologie scientifique et géologique en Ukraine fut 
par ce fait considérablement facilitée. La jeune science 
ukrainienne dispose ainsi d'une terminolo^e qui dé- 
passe de beaucoup celle de la Russie. 

La littérature nationale et la science ukrainienne 
prouvent à quel point l'Ukraine est un pays en puis- 
sance de devenir un foyer de civilisation, capable d'ex- 
primer les sentiments les plus élevés et d'accroître par 
son intelligence les trésors de l'humanité. 

La littérature nationale ukrainienne n'est pas com^ 
parable à celle d'un dialecte provençal ou d'un patois 
allemand. Ils ne sont que le reflet de la vie d'un petit 
nombre. E31e est à tous les points de vue l'image d'une 
grande nation, c'est une littérature qui possède un passé 
de près de mille ans et qui, malgré les obstacles de sa 



58 

route, continue à se développer sans cesse. Sa poésie 
populaire orale, unique dans son genre, digne objet d'en- 
vie de plus d'un pays cultivé, lui fournit la base qui lui 
est nécessaire. 

Parmi les littératures slaves, celle de l'Ukraine oc- 
cupe une place très en vue. Seules les littératures russe 
et polonaise la surpassent en importance. 

Les débuts de la littéraire ukrainienne remontent à 
l'apogée de l'ancien empire de Kiev. Il y a donc près de 
dix siècles. C'est à cette époque que prirent naissance la 
prétendue chronique galicio-volhynienne, le grand poème 
épique d'Ihor et d'autres monuments des anciennes let- 
tres ukrainiennes (ouvrages des Hilarion, Serapion, Cy- 
rille de Touriv, etc.). Leur langue est édifiée sur l'an- 
cienne langue litur^que des Slaves, mais au Xle siècle 
déjà, elle est mêlée d'un fort appoint d'éléments de lan- 
gue ukrainienne pure. Elle présente de grandes diver- 
gences de langue avec les monuments littéraires érigés 
à la même époque dans les territoires russes du nord. 

Ce magnifique développement, source des plus bel- 
les espérances, fut complètement arrêté par le péril ta- 
tare qui dura près de cinq cents ans. Durant ces longs 
siècles d'état de guerre presque permanent, de mise sous 
le joug de l'écrasante domination étrangère, l'état perdit 
son organisation indépendante et les lettres ne purent 
que végéter péniblement Des monuments juridiques, 
théologiques, philosophiques, polémîco-littéraires, des 
fragments de drames, mélange d'ukrainien et de langue 
litur^que slave, forment un charabia macaronique, 
preuve évidente de l'impossibilité pour les Ukrainiens 
d'alors de s'occuper de belles lettres. L'occasion et les 
loisirs leur manquaient 



59 

A cette décadance de la littérature écrite coïncide un 
essor nouveau de la poésie populaire de tradition orale. 
Les anciens chants relatifs à la vie domestique et aux 
mœurs, les anciens contes d'avant l'ère chrétienne ne 
furent pas oubliés. Ainsi la vie guerrière de la nation 
a créé une foule de poésies épiques populaires (Doumy) 
qui ont été déclamées par des rhapsodes ambulants 
(Kobzar, Bandouryst). Le lyrisme populaire eut un essor 
encore plus considérable. Vers la fin du XVIIIe siècle, 
alors que la ruine politique et nationale du peuple ukrai- 
nien apparut comme certaine, la poésie populaire atteig- 
nit un tel développement qu'elle reveilla les couches cul- 
tivées de la nation en donnant une impulsion nouvelle 
à la vie littéraire. 

C'est p^r l'introduction intégrale de la langue popu- 
laire dans la littérature ukrainienne (par Kotliarevski en 
1798), c'est par l'influence considérable exercée par la 
poésie populaire que furent posées les bases de l'essor 
inattendu qu'a pris la littérature ukrainienne. Au cours 
du XIXe siècle, la littérature ukrainienne peut se glori- 
fier d'avoir enfanté plusieurs grands poètes et prosateurs 
qui eussent fait honneur aux plus grandes littératures 
du monde. Ce furent Chevtchenko, Vovtchok, Koulich, 
Fedkovitch, Franko, Mimy, Kotzubynsky, Vinnytchen- 
ko, dont un grand nombre de littérateurs de moin- 
dre envergure suivent les traces. Les œuvres de la litté- 
rature ukrainienne des XIXe et XXe siècles sont très va- 
riées ; elles touchent à tous les domaines et leur dévelop- 
pement général ne fait que s'étendre et se propager. 

Dans la seconde moitié du XIXe siècle on remarque 
un mouvement scientifique très intense qui aboutit 
à la création de deux sociétés scientifiques au caractère 
académique (à Lemberg et à Kiev). La langue ukrai- 



60 

nienne possède des publications, des livres, des mémoi- 
res écrits relatifs à toutes les sciences et à leurs subdivi- 
sions au même titre que le russe et le polonais. A l'instar 
de toute autre langue civilisée, l'ukrainien a prouvé sa 
capacité à présenter les problèmes scientifiques les plus 
complexes. 

La diversité et la richesse de la littérature ukrainienne 
lui assurent une place prépondérante parmi les littéra- 
tures slaves. L'ukrainien n'est pas un dialecte, mais une 
langue ; la science ukrainienne est là pour le confirmer. 
Comparativement, pourrait-on concevoir que des pro- 
blèmes de mathématique supérieure, de biologie ou de 
géomorpholo^e puissent être traités avec succès dans un 
patois allemand ou provençal? 

La base populaire sur laquelle s'étaye la langue lit- 
téraire ukrainienne est le moyen qui permettra de di- 
riger le peuple ukrainien si merveilleusement doué dans 
les voies de la lumière et du progrès. C'est ce qu'avait 
bien vite • reconnu le gouvernement russe, aussi par 
crainte de séparation nationale, fit-il tous ses efforts 
pour enrayer à chaque pas le développement de la litté- 
rature ukrainienne. Le fameux décret du Tzar, de 1876, 
interdisant d'imprimer quoi que ce fût en langue ukrai- 
nienne en fut la conséquence. 

Seule une littérature vraiment viable était capable de 
survivre à un pareil refrênement et c'est ce que réussit 
à faire la littérature ukrainienne ! 



Du développement de l*idée nationale politique 

en Ukraine. 

Ce fut après la «bataille de Poltava (1709), suivie de 
rextermination de la noblesse ukrainienne et tout par- 
ticulièrement après l'abolition de Tautonomie du pays 
(1781) que la vie politique de l'Ukraine subit une crise 
prolongée. Les premiers signes du rétablissement ne fu- 
rent perceptibles que sous le règne d'Alexandre I. Le 
mouvement national-ukrainien fut comparable à l'action 
irrédentiste révolutionnaire de l'Europe, spécialement à 
celle de l'Italie. Il se manifesta par la fraternisation se- 
crète et la franc-maçonnerie. Il y avait à cette époque 
partout des loges maçonniques en Ukraine (à Poltava, 
Kiev, Jytomir, Tchemihiv, Kremenetz entr'autres). Leur 
but était la restauration de l'ancienne indépendance. A 
ce mouvement s'était joint tout ce qui, dans l'ordre in- 
tellectuel, était l'élite de l'Ukraine, ce furent le célèbre 
poète J. Kotlarevski, le propriétaire rural S. Kotchou- 
bey, le maréchal de noblesse de Pereiaslav Loukache- 
vitoh. De même, le plus grand poète ukrainien Taras 
Chevtchenko se mit à la tête d'une société secrète (la 
fraternité de St-Cyrill et Methodius). Les œuvres de ce 
poète contiennent des paroles enflammées toutes péné- 
trées de haine brûlante contre la Russie et faisant l'apo- 
logie des luttes pour la liberté et le passé glorieux dé son 
peuple. Elles devinrent le programme politique de nom- 
breuses générations. 

Lorsque la révolution de décembre 1825 à St-Péters- 
bourg échoua et que les diverses insurrections organisées 



62 

par les sociétés ukrainiennes dans les gouvernements de 
Kiev et de Volhynie eurent été réprimées, Chevtchenko 
ainsi que ses amis, le célèbre historiographe prof. M. Kos- 
tomariv et P. Kouliche parvinrent à relever dans les an- 
nées 40 du siècle dernier le drapeau chancelant de l'in- 
dépendance ukrainienne. Au moyen de la fraternité citée 
plus haut, ce mouvement, sous l'influence de la révolu- 
tion de juillet se développa incessamment, mais il fut 
entravé à la suite de la découverte de la société dont les 
membres furent déportés en Sibérie. 

L'ère des refermes, inaugurée bientôt après, par Ale- 
xandre II a ouvert portes ^t fenêtres au mouvement na- 
tional-ukrainien. Toute une pléiade d'écrivains de mérite 
monte en scène tels : Marko Vovtchok, Hanna Barvinok, 
J. Levitzki, de savants, tels : le prof. Antonovitch, Ko- 
nisski, lefimenko, Tchoubinski, Mikhaltchouk, prof. 
Vovk, Drahomaniv, etc., qui devinrent les champions de 
la renaissance nationale et politique de leur peuple. Au 
moyen de la littérature et de la science populaire du 
théâtre et de la propagande (mouvement connu sous le 
nom de «Hromada»), ces intellectuels organisèrent la 
lutte politique. Lorsque le gouvernement russe chercha 
à étouffer ce mouvement au moyen de mesures dracon- 
niens (voir la célèbre lex-Josephoviana 1876, interdisant 
l'impression de la langue ukrainienne sauf les belles- 
lettres) la Galicie devint centre du mouvement. 

Le professeur Drahomctniv, le grand idéologue de 
l'époque, très monté contre les Polonais et les Allemands, 
ne voyait le salut de son pays que dans son autonomie 
au milieu d'une Russie libre. La littérature politique lé- 
gale : celle des belles-lettres et la littérature illégale pri- 
rent alors (1876—1900) un cachet nationaliste très pro- 
noncé. En dehors de Drahomaniv, les grands poètes de 



63 

l'époque sont : Hrintchenko, Lessia Ukrainka, Samilenko; 
ks politiciens de la même époque : Konisski, Franko et 
Pavlik. 

Vers la fin du XIXe et au commencement du XXe siè- 
cle le mouvement mis en scène par Drahomaniv se con- 
firma et s'étaya sur les partis. En 1900 se fonde le Parti 
révolutionnaire ukrainien (R. U. P.) qui intervint d'abord 
pour l'indépendance de l'Ukraine et plus tard pour son 
autonomie. Ce parti, dirigé par les intellectuels, s'appuyait 
sur le corps des paysans sans terres. Son but était de 
mettre en mouvement les masses profondes du peuple 
ukrainien en vue de sa libération nationale, politique et 
sociale. Le grand mérite de ce parti fut entr'autres 
d'avoir provoqué le soulèvement des paysans d'Ukraine 
(particulièrement ceux des gouvernements de Kharkiv 
et de Poltava). C'était en 1901—1902 il prit des propor- 
tions inattendues et eut pour conséquence de tenir en 
haleine l'appareil administratif de tout l'empire (sous 
Plehve) durant plusieurs mois. A cette époque le mou- 
vement ouvrier gagnait du terrain dans les villes. Il- dé- 
termina le parti & faire de plus en plus de concessions 
aux idées socialistes. En 1905 le R. U. P. se sépara en 
deux d'un côté le parti démocrate social ukrainien qui 
Joua un rôle important durant la révolution et de l'au- 
tre le N. U. P., Parti national ukrainien. Le premier 
adopta les doctrines de la démocratie sociale européenne 
(il exigeait l'autonomie de l'Ukraine), le second resta 
fidèle au principe de l'indépendance. 

L'ère constitutionnelle en Russie (après la révolution 
de 1905) donna aux éléments modérés de l'Ukraine l'oc- 
casion de s'organiser. Le parti démocratique ukrainien 
et le parti radical ukrainien (qui plus tard fusionnèrent) 
réunirent les cercles bourgeois nationaux-ukrainiens, qui 



64 

voyaient le salut de leur patrie non dans la révolution 
russe, mais plutôt dans une lutte politique légale avec 
les libéraux russes. 

Le professeur Hrouchevski peut revendiquer la pa- 
ternité de cette idée politique qu'il sut mener à bien. Elle 
n'alla toutefois que jusqu'à la revendication de l'auto- 
nomie. A l'activité politique du parti radical-démocrati- 
que se joignit bientôt celle des bellesr-lettres, des beaux- 
arts et des sciences; on eût bientôt à enregistrer des pro- 
grès considérables. Au cours des premières années, dès 
la révolution, on planta péniblement les jalons princi- 
paux du chemin à parcourir. Ce fut: l'organisation du 
mouvement en faveur de la nationalisation des écoles, 
la fondation de la presse quotidienne ukrainienne ainsi 
que de succursales de partis dans toutes les villes im- 
portantes de l'Ukraine, enfin la fondation de tout un ré- 
seau de sociétés pour l'instruction populaire, de sociétés 
coopératives, d'agitation électorale, d'activité parlemen- 
taire (dans les deux premières Douma il y avait des 
clubs ukrainiens comptant plus de 40 membres). La tri- 
bune de la Douma a aussi été le premier podium légal, 
sur lequel le peuple ukrainien de Russie a proclamé de- 
vant le monde entier ses droits imprescriptibles à la 
libre disposition. 

A la suite du coup d'état du 16 juin 1907 la représen- 
tation ukrainienne fut chassée de la Douma. L'Ukraine 
entra dans de nouvelles voies en suite d'une campagne 
qui fut alors menée contre le mouvement national 
ukrainien. Bien des dispositions maladroits dirigées con- 
tre l'Ukraine, l'enthousiasme provoqué par le pansla- 
visme, la propagande éhontée en Galicie, l'approche de 
l'inévitable guerre en relation avec l'impossibilité sous 



45 

toutes les formes d'engager une lutte légale contre leurs 
adversaires, conduisirent le peuple : 

1) à la résurrection de lïdée, de leur indépendance en 
l'exploitant le conflit européen dans ce but ; 

2) à un rapprochement entre les politiciens russo- 
ukrainiens et galiciens. 

L'assemiblée panukrainienne des étudiants de Lem- 
bei^, en juillet 1913, adopta un programme prévoyant la 
séparation complète d'avec la Russie et une lutte active 
contre celle-d dans le cas du déclenchement d'une guerre 
européenne. 

Ce programme ne prit forme que les premières an- 
nées de guerre et encore ne fut-ce qu'en Galicie; il en 
fut de même en Ukraine russe, mais seulement après 
l'effondrement des armées du tzar, 

Les démocrates-sociaux (Vinnitchenko, Porche), les 
fédéralistes-sociaux (Bfremov, Nikovski) comme du 
reste aussi les révolutionnaires-sociaux (nouveau parti 
issu du radicalisme social) tombèrent d'accord sur la 
base du programme de l'autonomie en adoptant la Rada 
Centrale comme organe supérieur. L'obstination des 
libéraux russes (Milioukov-iKerenski) ainsi que celle du 
gouvernement socialiste (Lenin-Trotzki) amenèrent le 
mouvement ukrainien à l'indépendance, qui fut procla- 
mée le 9 novembre avec l'appui de tous les partis. 

Dès ce moment, la dif f érentiation des partii» de l'Ukraine 
s'orienta plutôt vers l'idéal social que vers l'idéal national 
propre à tous les partis. Au moyen de la socialisation de la 
terre et des industries principales les socialistes à tous 
crins cherchèrent à s'appuyer sur la démocratie ukrai- 
nienne en ne concédant aux autres nationalités qu'une 
très faible part d'initiative pour l'édification du nouvel 

état. Les groupes bourgeois (en tête le parti agrarien-dé- 

f 



66 

mocratique, qui s'appuie sur les paysans modérés) firent 
tous leurs efforts pour unir la nation ukrainienne (c'est- 
à-<lire les paysans de droite» les nationaux-ukrainiens, les 
propriétaires fonciers, ainsi que les financiers russes po- 
lonais et juifs. Us auraient aimé les réunir sous la ban- 
nière de rindépendance, tout en se réservant expressé- 
ment par le moyen de concessions sur le terrain sodaL 
Les fédéralistes-sociaux (issus de Tancien parti radical- 
démocratique) occupaient une situation intermédiaire. 
La propriété foncière polono-russe-ukraînienne formait 
TAssociation des propriétaires fonciers. Celle-ci s'orien- 
tait encore plus à droite. EiUe réussit, à l'aide du capital 
organisé dans le «Protofis», à arracher le pouvoir à la 
Rada Centrale socialiste. Ce fut à cause de l'aver- 
sion des paysans pour la socialisation, et de la 
présence des Allemands dans le pays, que \a^ situation 
intérieure et extérieure étaient très spécisde. Elle abou- 
tit au coup d'état du hetman, du 29 avril 1918. Ce sys- 
tème, soutenu tout d'abord par les groupes de la bour- 
geoisie ukrainienne, ne fut pas de longue durée. En co- 
quetterie avec la Russie il s'orienta de plus en plus à 
droite et il exaspéra les niasses des paysans par sa po- 
litique agraire insensée, rappelant les temps les plus 
sombres de l'ancien régime tzariste. Après la débâcle 
allemande sur les fronts d'occident, ceux-ci réussirent 
aussi, à provoquer la chute du hetman après un soulève- 
ment. Ce soulèvement était dirigé par les . socialistes or- 
ganisés de «l'Union Nationale». Leur gouvernement de- 
vint le Directoire. A l'ère du hetman succéda celle du 
Directoire. Cette ère débuta par l'application de la poli- 
tique socialistes-extrémiste dans les questions agraires 
et par des essais de rapprochement bolchévistes. Lors- 
que ces essais échouèrent et que la guerre avec la Rus- 



67 

sîe commença, les partis modérés reprirent le dessus 
Petlura, leur dictateur et leur homme de confiance 
marchait à leur tète. L'orientation de la poUtique exté- 
rieure resta la même, et maintint l'indépendance de 
l'Ukraine avec l'aide de l'Entente. 



Les traditions et les 
tendances historio- politiques des Ukrainiens. 

Les caractères anthropologiques et linguistiques com- 
muns ne suiffisent pas pour nationaliser une a^omé- 
ration de gens. Une nation indépendante, doit avoir des 
traditions historiques communes, des martyrs et des hé- 
ros communs, des peines et des plaisirs communs. Ces 
tradition>s forment la base sur laquelle s'édifient les ef- 
forts communs tendant vers un idéal. C'est ce plébiscite 
permanent qui, d'après E, Renan, fait d'un peuple une 
nation. 

Or ce sont précisément les traditions historio-politî- 
ques qui sont très fortes chez les Ukrainiens. L'histoire 
de sa patrie est une histoire de catastrophes terribles. 
L'épouvantable domination des Tatares et une oppres- 
sion constante de plusieurs siècles, tout cela vïbre jus- 
qu'à aujourd'hui même dans la conscience de l'Ukrai- 
nien illettré. Malgré la rareté des pages lumineuses que 
compte l'histoire de l'Ukraine, il n'y a pas de peuple qui 
aime aussi passionnément son passé que l'Ukrainien ; 
aucun peuple au monde ne fête ses héros nationaux avec 
autant de piété que le peuple ukrainien. Et en citant ces 
faits, je ne songe pas aux Ukrainiens cultivés, qui con- 
naissent leur histoire nationale, mais plutôt aux paysans 
illettrés qui, dans leurs chansons, invoquent la mé- 
moire des expéditions navales contre Constantinople dix 
fois séculaires, des anciens princes de la dynastie de 
Kiev, des hetmans et des grands capitaines du temps des 
Cosaques. 

La tradition historio-politique si vivante, même dans 
les classes inférieures du peuple, confère à la nation 



69 

ukrainienne, les traits d'indépendance lès plus im{>t>r- 
tants. Seule rignorance de l'histoire de l'Europe orientale 
en Europe centrale et occidentale, ainsi que le barème 
de l'histoire crusse» dominant fous les traités d'histoire 
et que les savants russes ont su perpétuel" jusqu'à au- 
jourd'hui, ont pu parvenir à voiler le véritable état de cho- 
ses. Nous allons essayer d'établir les lignes directrices 
des traditions historiques ukrainiennes en nous servant 
des travaux de Kostomariv, Antonovytch, Drahomaniv, 
Hrouchevski et d'autres, 

La vie historique de la nation ukrainienne était de 
toute autre nature que celle des Polonais ou des Russes. 
C'est aussi la raison pour laquelle les traditions histori- 
ques de ces trois peuples et par conséquent leurs ten- 
dances politiques d'aujourd'hui diffèrent complètement 
les unes des autres. 

Lors même que les historiens de l'Europe orientale 
ne se sont pas mis d'accord jusqu'à ce jour, sur la ques- 
tion de savoir si l'ancien état tusse à été fondé par les 
Varègues (Scandinaves) de ïa Russie Septentrionale ac- 
tuelle où par les tribus slaves-orientales de Kiev, il n'est 
pas douteux que cette dernière hypothèse soit ïa plus 
vraisemfblable. L'anthropogéographie ne connaît pas 
d'exemple où une bande de pirates, forte de quelques 
mille hommes tout au plus, soit parvenue à fohder un 
empire de l'étendue d'un demi continent dans l'espacé de 
quelques dix ans. Les Normands ont, il est vrai, fondé un 
état en Normandie, à Naples et en Sicile, ils ont égale- 
ment pu faire la conquête de l'Angleterre et s'y établir, 
mais cela provient de ce que partout ils ont pu exploi- 
ter à leurs desseins des organisations poUtiqùesi déjà 
existantes. Là où l'organisation politique était encttré à 
ses débuts, par exemple dans leur propre pays; lès Nor- 



l 

I 



/ 



70 

mands n'oiit pas fait preuve de grandes capacités pour 
ériger deâ étala. 

L'ancien empire de Kiev dés^é comme vieux-russe 
dans tous les livres d'histoire, était une fondation d'état 
du groupe méri<Uonal, des tribus slaves orientales, en 
particulier de la tribu des Polanes aux alentours de Kiev; 
Les chefs de tribus, qui s'étaient enrichis dans leurs re- 
lations d'affaires avec Byzance fondèrent l'état de Kiev. 
II. existait déjà au commencement du IXe siècle. Avec la 
coopération des bandes mercenaires Scandinaves (Varè- 
gues) qui depuis le milieu du IXe siècle étaient à la solde 
du prince de Kiev, l'état de Kiev se mit à prendre une 
grande expansion au Xe siècle. Les tribus slaves-orienta- 
les du nord, c'est-^-dire, les ancêtres des Russes d'au- 
jourd'hui, furent subjuguées, les peuples nomades de la 
steppe furent refoulés, on entama des relations d'affai- 
res et intelleotuelles suivies avec l'empire byzantin. En 
l'an 988 le Grand-duc Volodymyr de Kiev adopta en 
même temps que son peuple, le christianisme grec avec 
le rite slave. Ensuite, pendant le règne de son succès^ 
seur, Yaroslav le Sage, l'ancienne Ukraine jouit d'une 
brillante époque au point de vue de son essor matériel 
et intellectuel. 

L'ancien état de Kiev, sa culture auissi, sont l'œuvre 
des anciens Ukrainiens. Ceci est prouvé tout d'abord par 
le fait que les anciens monuments littéraires de Kiev ac- 
cusent très nettement les particularités de la langue. 
Une autre preuve plus éclatante encore est fournie par 
la constitution de l'empire de Kiev, qui résulte de l'amal- 
gamation de l'autorité princière nouvellement établie 
avec la constitution régionale républicaine primitive des 
Ukrainiens. 

L'ancienne constitution régionale a été pour la tradi- 



71 

tien historio-politique des Ukrainiens d'une importance 
tout aussi fondamentale que celle de l'empire de Kiev» 

Toute l'autorité souveraine reposait à l'origine, entre 
les mains de l'assemblée générale de tous les hommes 
indépendante dont les décisions étaient exécutées par des 
fonctionnaires élus auxquels appartenaient aussi les chefs 
guerriers (probablement les princes de plus tard). Dans 
le vieil empire de Kiev il a de tout temps existé une con- 
tradiction entre la puissance des princes basée sur l'au- 
torité militaire, et l'autorité de l'assemblée régionale 
sanctionnée par la tradition. Le prince, les gens de sa 
suite et la noblesse, des Boïars qui se recrutait petit à 
petit parmi les gens de la suite n'ont jamais été sympa- 
thiques au peuple. L'empire de Kiev nacquit de l'union 
du comanerce avec la guerre, union qui, à cette époque, 
était nécessaire. L'organisation politique, calquée sur 
l'étranger, introduite par les princes de lai dynastie de 
Kiev, était à l'intérieur complètement étrangère à l'oi^a- 
nisation sociale et politique, telle qu'elle existait à l'ori- 
gine chez le peuple ukrainien, de sorte que l'amalgama- 
tion de ces deux éléments fut très difficile, sinon impos- 
sible. 

Lors même que les assemblées régionales (Yitche — 
comme on désigne encore aujourd'hui toutes les assem- 
blées politiques des Ukrainiens) r^agnèrent peu à peu 
une partie de leur ancienne autorité et que simultané- 
ment des infiltrations provenant de la constitution régio- 
nale primitive pénétrèrent dans là nouvelle organisation 
politique, il n'en demeure pas moins exact que l'état prin- 
cier resta toujours un élément étranger pour le peuple. 
Il ne faut pas s'étonner, dès lors, si l'état de Kiev n'a 
jamais acquis la force qui eût été en rapport avec l'éten- 
due de son territoire et l'importance de sa population. 



72 

Le peuple appuyait avec asténtation tout ce qui était en 
était d'aïKaîblir l'autorité de Tétat Durant l'-existence de 
rancien empire de Kdev ses Grand-ducs furent constam- 
ment obligés de lutter pour la puissance souveraine tant 
avec les nobles boiares qu'avec le peuple. Cette restric- 
tion de l'autorité princière fut bientôt désastreuse pour 
l'empire. L'introductioai du doyennat pour la succes- 
sion du trône eût pour conséquence la formation d'une 
quantité de principautés partielles placées en quelque 
sorte sous une domination nominale du grand-duc de 
Kiev. Les Boîars et le peuple favorisèrent avec insis- 
tance la formation et le maintien de ces principautés par- 
tielles dans le sud. 

Il est toutefois très probable qui si seul l'ancien état 
de Kiev avait continué de subsister, le peuple ukrainien 
aurait pu, lentement, s'accoutumer à une! constitution 
d'état basée sur des classes et des privilèges. H est pos- 
sible également que le peuple ukrainien eût pu au moyen 
âge déjà réaliser la moiiàrchie constitutiotmelle. Toute* 
fois il en fût autrement. ^ 

Affaibli par des partages, l'empire trouva un ennemi 
puissant dans le jeune état mosicovite constitué avec les 
principautés partidles septentrionales. Kiev fut égale- 
ment considérablement affaibli par de sanglantes guer^ 
res avec l'état moscovite^ si bien- que le centre de. la vie 
politique de l'Ukraine dût être transféré, au commen- 
cement du XlIIe siècle, à Halytch sur le Dnistr. Mais le 
coup qui anéantit l'état de Eaev devait suiigir d'un autre 
côté. 

La situation géographique du vieil état de Kiev dans 
le midi de l'Europe orientale, l'exposait aux invasdons 
constantes des hordes nomadesr traversant les steppes dé 
l'Ukraine méridionale^ Kiev sut, : dans des guerres inter^ 



78 

minables, les tenir en respect Mais lorsque les armées 
de l'empereur mongole Tchingiskhan apparurent dans 
les steppes pontihes, les forces de Kiev et de Halitch ne 
se trouvèrent pas à la hauteur des circonstances. Leur 
armée fut battue dans la bataille sur la Kalka, 1224, et 
en 1240 la ville de Kaev fut rasée. La principauté (plus 
tard royaume) de Halitch se maintint encore durant un 
siècle environ, mais en fin de compte ne put résister ni 
aujc Tatares, d'une part, ni aux Polonais et Lituaniens, 
d'autre. En 1340 Halitch revint en partage à la Po- 
logne et la première organisation politique du peuple 
ukrainien fut ainsi anéantie. L'Ukraine entière, sauf les 
régions forestières du nord-K)uest, était complètement 
ravagée. 

L'état polôno-lituanien traita l'Ukraine en pays* con- 
quis. Les nobles Ukrainiens, de confession différente au 
milieu d'un pays catholique, atteints dans leurs droits, 
abandonnèrent leur croyance ainsi que leur nationalité, 
pour devenir participants de la «liberté dorée» de 
la Pologne. La boui^eoisie, comme d'ailleurs en Po- 
logne, fut opprimée, le paysan réduit au servage. La 
belle œuvre de l'Union éclésiastique de Rome (Florence 
1439, Berestie 1596) fut mal interprêtée et ne donna que 
de^ résultats mesquins. Chaque Ukrainien ressentit vive- 
ment la pression exercée par le gouvernement polonais 
et le mécontentement se traduisit par des soulèvements 
répétés. Elntre temps l'état palono-lituaiiien était beau- 
coup trop faible pour, défendre l'Ukraine contre les in- 
cursions tatares. Venant de la Crimée, ces hordes mon- 
tées faisaient chaque année des incursions en Ukraine 
jusqu'en Galicie et en Volh3mie, dévastant le pays et le 
dépeuplant par des chasses aux esclaves systématique^ 
ment organisées, qui, durant des siècles, servirent à ail- 



74 

menter en esclaves ukrainiens les marchés d'esclaves de 
l'Orient 

Il ne restait plus, à la pauvre nation si durement 
éprouvée, qu'à recourir à ses propres moyens de défense. 
Cette oeuvre lui réussit en quelque sorte et aboutit même 
à une nouvelle foivnation d'état, mais elle épuisa les for- 
ces de la nation et prit une fin trapue. 

L'état de guerre permanent à la frontière tatare obli- 
geait la population ukrainienne de ces régions à être 
constanmient sur ses gardes. Cette population frontière 
sous les armes menait une vie dangereuse, mais la ré- 
gion déserte, riche en trésors naturels, qu'elle avait de- 
vant •elle lui était accessible et les autorités polonaises 
ne se hasardaient pas à pénétrer dans ces régions-là. 
Ses agriculteurs, ses chasseurs, ses pêcheurs armés me- 
naient une vie libre et se nommaient cosaques, c'est-à- 
dif e guerriers libres. 

Au XVIme siècle, il se forma parmi ces cosaques 
ukrainiens une organisation d'état militaire ayant son 
centre dans une position fortifie Sitch Zaporoh en aval 
des rapides du Dnrpr. L'état guerrier de Zaporoh com- 
paré par les un'S à un ordre religieux et militaire (à cause 
du célibat obligatoire et des luttes contre les infidèles) 
par les autres à une république communiste, nous mon- 
tre clairement quelle a toujours été la tendance de Tidée 
politique ukrainienne. L'organisation de Zaporoh consa- 
crait en première ligne l'égalité illimitée de tous les ci- 
toyens dans tous les droits politiques et sociaux. La 
toute^puissance reposait entre les mains de l'Assemblée 
générale de tous les Cosaques Zaporohs. Les fonction- 
naires élus, qui étaient en même temps officiers de l'ar- 
mée, exécutaient ses décisions. La liberté individuelle 
était très grande, mais devait se subordonner à la vo- 



75 

l6nté de la coipmunauté et lorsque, en temps de guerre, 
le pouvoir dictatorial absolu était conféré au fonction- 
naire le plus élevé, le hetman, celui-ci acquérait une puis- 
sance souveraine à laquelle Tautorité des dominateurs les 
plus absolus de l'époque ne saurait être comparée. 

La constitution en état aristocratique de la Pologne 
ne pouvait pas offrir de place à une forme de gouverne- 
ment démocratique aussi illégale que celle des Cosaques 
Zaporoh. Le peuple ukrainien, par contre, voyait dans 
les Cosaques ses défenseurs naturels contre la terrible 
plaie tatare et en même temps son seul appui contre 
l'oppression polonaise. Une agitation menaçante r^nait 
dans rUkraine entière et les représailles polonaises, qui 
devaient tout naturellement se produire, provoquèrent 
vers la fin du XVIe et au commencement du XVIIe 
siècle des soulèvements de la part des cosaques, aux- 
quels la population rurale opprimée se joignit. Mais la 
Pologne trop pauvre en troupes permanentes et ne pos- 
sédant pas la force suffisante pour anéantir l'organisa- 
tion des cosaques devait constamment avoir recours à 
l'aide des armées de cosaques dans les guerres contre 
les Turcs, les Russes et les Suédois. 

Enfin en 1648, les cosaques ukrainiens, auxquels 
s'était joint tout le peuple ukrainien, depuis le Dnipr 
jusqu'au Sian, déployèrent sous le commandement de 
Bobdan Khmelnitzky le drapeau de la guerre d'indépen- 
dance. Les armées polonaises furent anéanties et la na- 
tion ukrainienne reconquit son indépendance après 300 
ans de servitude. 

Khmelnitzky transmit après sa victoire sur la Po- 
logne l'organisation des Cosaques à tout le territoire de 
l'Ukraine. 



76 

Pressé de toute part, le nouvel état avait besoiti- de 
repos^'pour s!organisèr. H fallut beaucoup de temps pour 
opérer cette organisation sur un aussi vaste territoire, 
pour entreprendre la lutte victorieuse contre Tordre poli- 
tique social polonais qui avait dominé si longtemps et 
qui était si différent de celui de l'Ukraine. Il fallut beau- 
coup de temps pour élaborer des nouvelles formes cons- 
titutionnelles devenues nécessaires par le transfert deFor- 
ganisation de Cosaques Zaporoh sur des territoires plus 
vastes. Khmelnitzky négociait de tous côtés, avec la Polo- 
gne, la Transylvanie, la Suède, la Turquie et enfin, menacé 
de toute part, il conclut en 1654 le traité de Pereiaslav 
avec la Russie correligionnaire. Aux termes de ce traité, 
l'Ukraine conservait une autonomie complète ainsi que 
sa constitution cosaque sous la souveraineté du tzar. Le 
hetman, élu librement par l'assemblée générale, avait 
même le droit de mener une politique extérieure indé- 
pendante. 

Mais la Russie n'avait pas l'intention de respecter le 
traité qui faisait de la puissance militaire de l'Ukraine 
son alliée. Tout comme la Pologne aristocratique, la Rus- 
sie despotique avait en abomination l'idée d'un état dé- 
mocratique ukrainien. 

Or, lorsque la République cosaque tomba sous la do- 
mination de Moscou, le gouvernement russe dût recou- 
rir à tous les moyens pour ané^mtir cette dangereuse or- 
ganisation. Profitant de la mort de Khmelnitzky (1657) et 
de l'incapacité de ses successeurs immédiats, la politique 
russe commença son travail d'agitation en Ukraine. Elle 
excita les chefs des cosaques contre le hetman, les sim- 
ples soldats contré leurs supérieurs, le commun du peu- 
ple contre les riches et les puissants en général, opéra 
ainsi avec succès au moyen de grosses sommes d'argent 



77 

I 

et en conférant des territoires, et de la sorte pécha en 
eau trouble. A chaque élection d'un nouvel hetman, Tau 
tonomie de l'Ukraine était rognée et à la paix d'Androus^ 
sov (avec la Pologne en 1667) le pays fut divisé en deux 
parties. Dans la portion de la rive droite du Dnipr, celle 
qui fut attribuée à la Pologne, un pays complètement dé- 
vasté et dépeuplé, la vie politique ukrainienne et l'orga- 
nisation des cosaques dégénérèrent rapidement. Dans la 
portion de la rive gauche du Dnipr, le génial hetman 
Mazepa tenta de secouer le joug russe à l'époque de la 
grande guerre du nord. Il conclut une alliance avec le roi 
de Suède Charles XII. Mais la bataille de Poltava, 1709, 
anéantit ses espérances. Mazepa dût fuir avec Char- 
les XIL en Turquie, le soulèvement ukrainien fut ré- 
primé au milieu d'atrocités sans nom et l'autonomie ga- 
rantie des Ukrainiens fut supprimée. H est vrai qu'après 
la mort de Pierre le Grand, la dignité de hetman fut ré- 
tablie, mais elle ne représentait plus qu'une existence 
fictive. Ce simulacre d'autonomie prit fin en 1764 et en 
1775 le dernier rempart de l'Ukraine — la Sitoh Zapo- 
roh — fut prise par trahision par les Russes et détruite. 
Le peuple des campagnes fut attaché à la glèbe. 

De cette façon la Russie réussit à détruire complèr 
tement le nouvel état ukrainien dans l'espace de moins 
d'un siècle et demi. Les intrigues constantes menées si- 
multanément en Pologne par la politique russe, préparè- 
rent également la fin de cet état Dans les partages de la 
Pologne 1772—1795, tout le territoire occupé parle peuple 
ukrainien, à l'exception de la Galicie orientale et de la 
Boukovine qui furent attribuées à l'Autriche, tombèrent 
sous la domination russe. 

Toutefois, la Russie ne s'en tint pas à la domination 
politique seulement. Dès le XVIIe siècle elle remarqua 



78 

qu*au point de vue de la langue, des mœurs et des idées 
les Ukrainiens différaient complètement d'eux. Cesi la 
raison pour laquelle le gouvernement russe s'attaque 
avec une constance toute particulière à ces différences. 
I>é}à en 1680, la littérature religieuse en langue ukrai- 
nienne fut entièremen/t interdite. En 1720 fut promul- 
guée l'interdiction d'imprimer des livres en ukrainien. 
Les écoles ukrainiennes furent fermées. Vers le milieu 
du XVIIIe siècle il y avait dans le pays de Tchernyhiv 
866 écoles, fondées à l'époque de l'autonomie ukrai- 
nienne ; 60 ans plus tard plus aucune n'existait ! C'est 
à cela et à l'introduction dans les écoles de l'incompré- 
hensible langue russe, qu'il faut attribuer le terrible anal- 
phabétisme que l'on constate en Ukraine. 

L'église orthodoxe ukrainienne qui, en dépendance 
très relâchée du Patriarche de Constantinople, jouissait 
d'une autonomie complète, fut mise sous la juridiction 
du Patriarche de Moscou d'abord, puis sous celle du 
Saint-Synode et conàplètement russifiée. 

Le rite oriental qui avait beaucoup d'adhérents dans 
l'Ukraine occidentale fut complètement opprimé par le 
gouvernement russe et ses adeptes forcés par de terribles 
persécutions de «revenir» à la confession orthodoxe. Le 
peuple ukrainien fut ainsi dépouillé de ce qui fut son 
^lise nationale, ravalée maintenant au rôle d'un instru- 
ment de russification. 

Les guerres libératrices sanglantes que la nation 
ukrainienne dut soutenir contre ia Pologne et la Russie 
ne lui amenèrent pas^ la réalisation de son idéal politi- 
que de liberté, d'^gsdité et de la forme de gouvernement 
constitutionnelle démocratique. A la place de ces prin- 
îCipes sains et forts, il régnait au contraire une terrible 



79 

oppression politiqu<e» sociale et nationale menaçant d'une 
ruine certaine la nation martyrisée. 

Toutefois, la russification des Ukrainiens n'avait au- 
cun succès. Beaucoup parmi les intellectuels renoncè- 
rent, il est vrai, à leur nationalité, soit dans le but de 
faire carrière ou pour d'autres raisons; quelques- 
uns, comme Gogol, devinrent mêmes des coryphées de la 
littérature russe. Mais le sentiment de rindépendance na- 
tionale et la tradition historique vivante subsistèrent et 
se développèrent de plus en plus malgré les nombreux 
obstacles. L'essor de la littérature ukrainienne y a le plus 
contribué. 

L'idée nationale redevint vivante premièrement dans 
l'Ukraine russe, où tout d'abord eUe se remit en contact 
avec la tradition de l'andenne autonomie du pays. Déjà 
dans les années quarante du XIXe siècle, l'idéologie na- 
tionale de l'Ukraine moderne était parachevée dans ses 
grands traits. Elle pénétra alors assez rapidement dans 
l'Ukraine autrichienne, et la Galicie notamment ne tarda 
pas à devenir le Piémont national de la nation ukrai- 
nienne opprimée par la Russie. 

Les aspirations politiques actuelles de la nation ukrai- 
nienne, sont la continuation directe de ses anciennes as- 
pirations et un résultat logique de là tradition histori- 
que ukrainienne. L'idéal de ces aspirations était et de- 
meure la liberté et l'égaUté de tous les citoyens et la par- 
ticipation de tous au gouvernement et à la législation. 
Ce n'est que maintenant que cet idéal cesse d'être un ana- 
chronisme; ce sont les temps présents qui ouvrait à 
l'Ukraine un champ d'activité politique ; ce n'est qu'au- 
jourd'hui, que les formes de la vie poUtique, recherchées, 
hélas sans succès, par la nation ukrainienne dans les 
siècles passés déjà, sont devenues le patrimoine com- 



80 

mun de rhumanité toute entière. Dès lors nous pouvons 
envisager Tavenîr avec confiance. Les temps sont 
enfin venus où la nation uikrainienne peut déployer libre- 
ment sa vie politique, où les idéals politiques qui pen* 
dant des siècles furent les objets de la vénération de 
cette nation, sont devenus la propriété commune du 
monde civilisé tout entier. 

L'idée nationale ukrainienne ayant à l'origine des as- 
pirations modestes passa successivement dans son déve- 
loppement à la réalisation de buts plus élevés. L'on ar- 
riva généralement à la conclusion que l'épanouissement 
libre de la nation ne pourrait se produire qu'en dehors 
de la Russie. C'est pourquoi une Ukraine démocratique 
indépendante devînt l'idéal suprême du XXe siècle. C'est 
vers ce but que tendent aujourd'hui tous les partis po- 
litiques de l'Ukraine. 

Les traditions historio-politiques de la nation ukrai- 
nienne sont totalement différentes de celles des nations 
avoisinantes. La tradition historio-^politique polonaise est 
la tradition d'un ancien grand empire qui fut probable- 
ment érigé sur une constitution régionale tout comme 
l'ancien état ukrainien. Le destin permit, cependant à 
la Pologne de survivre à la triste période des partages 
et des guerres civiles tandis que l'ancien empire de Kdev 
était anéanti par les Mongoles. La Pologne se consolida 
en un empire puissant et unifié, des influences occiden- 
tales anéantirent complètement l'ancienne constitution 
régionale, le bas peuple fut réduit au servage, et il se 
forma trois classes : l'aristocratie, la noblesse et la bour- 
geoisie. A la suite de guerres et surtout par son union 
avec la Lituanie, la Pologne s'agrandit considérable- 
ment, comprenant parfois toute l'étendue du pays entre 
la Baltique et la Mer-Noire pour devenir au XVe siècle 



81 

le plus puissant état de TEurope orientale. G^est à cette 
époque que les Polonais étendirent leur domination sur 
ées Lituaniens» les Blancs Ruthènes et les Ukrainiens. 
Toute l'idéologie d'une nation dominatrice a passé dans 
le sang des Polonais. 

C'est du reste cette qualité d'ancien peuple domina- 
teur qui constitue entr'autres la base de l'aristocratisme 
des traditions historio-politiques des Polonais. Cet aris- 
tocratisme a d'aUleurs une base plus essaitielle encore 
dans le développement historique dt la société polonaise. 
La classe bourgeoise tomba rapidement en décadence, en 
Pologne, la noblesse et le magnatisme dominaient toute 
la vie politique, sociale et intellectueUe, de sorte que la 
société polonaise était, durant les derniers siècles de 
l'existence de l'empire de Pologne, une société absolu- 
ment aristocratique noble s'appuyant sur la classe bour- 
geoise et la classe des paysans complètement opprimés. 
Lors même qu'à l'intérieur de la République noble régnait 
souvent une sorte d'ochlocratie ou même d'anarchie, les 
rois n'ayant que des pouvoirs fort limités, ces situations 
politiques avaient néanmoins un cachet aristocratique. 
Cette tradition aristocratique a eu pour conséquence que 
les courants démocratiques ont rencontré fort peu de 
sympathie, jusqu'à ce jour, parmi les Polonais. Même 
les démocrates socialistes sont pénétrés de la grande 
idée de l'état polonais. 

n résulte de ce que nous venons de voir que les tra- 
ditions historio-politiques des Polonais diffèrent com- 
plètement de celles des Ukrainiens. Les aspirations ac- 
tuelles, sont, elles aussi, complètement différentes. Les 
Polonais, avec une endurance admirable, chacun d'entre 
eux y mettant toute sa sympathie, aspirent à la réédifi- 
cation de leur état indépendant non pas dans les fron*- 



82 

tières ethnographiqu'cs, comme les Ukraîniens, mais bien 
plutôt danis les anciennes frontières historiques, de la 
Baltique jusqu'au Dnipr et à la Mer-Noire. Pour atteindre 
ce but, les Polonais cherchent avant tout à entraver les 
peuples voisins, les Lituaniens, les Blancs-Ruthènes, 
les Ukrainiens, etc. et si possible à les assimiler. Tous ces 
efforts créent aujourd'hui les conflits très violents qui 
surgissent entre les anciens dominateurs et leurs anciens 
sujets. 

Les traditions historio-politiques russes sont aussi dif- 
férentes et opposées à celles des Ukrainiens que le 
sont les traditions polonaises, mais dans im sens tout 
différent. 

L'état moscovite s'est constitué au moyen des princi- 
pautés partielles que l'ancienne dynastie de Kiev avait 
fondées parmi les tribus slaves orientales du nord et les 
peuplades finnoises. Le mélange des Slaves et des Fin- 
nois constitua la base de la nation russe ou moscovite 
d'aujourd'hui. C'est cette dynastie qui adopta la déno- 
mination de «russe». Mais l'état était en réalité mosco- 
vite, car le peuple moscovite donna à l'état une significa- 
tion qui différait complètement de la signification 
de l'ancien empire de Kiev. Déjà au Xlle siècle nous 
remarquons les aspirations du peuple moscovite en fa- 
veur de son état, à la centralisation et à la domination 
par des princes. Il prête son concours au prince pour 
nûner l'importance de la noblesse des Boïars et du 
clergé, et lui aide à obtenir dans l'état une puissance ab- 
solue ou même despotique. Ce n'est pas comme chez les 
Ukrainiens ou comme dans certaines classes des Polonais 
l'égalité des droits et la liberté en faveur de tous les ci- 
toyens qui forme la base de la tradition historio-politi- 
que du peuple russe, mais plutôt l'autorité despotique du 



83 

GrandHdUfC, qui plus tard sera le tzar. L'autorité absolue 
du dominateur, ce cauchemar perpétuel pour les Polo- 
nais comme pour les Ukrainiens, est vénéré par les Rus- 
ses comme une relique nationale et leur fournit les mo- 
yens d'édifier un empire gigantesque prêt à engloutir 
aussi bien la Pologne que l'Ukraine. La deuxième moi- 
tié du XVI siècle est la période qui se prête le mieux à 
établir une comparaison entre les trois nations voisines. 
A l'époque où en Ukraine se constituait la République, 
radicale démocratique des Cosa^es et lors que les mou- 
vements populaires commençaient à se produire, à l'épo- 
que où la Pologne devint pour l'aristocratie et la noblesse 
le paradis doré de la liberté sous une royauté dénuée de 
vigueur et au milieu d'un peuple opprimé, nous assis- 
tons en Russie aux orgies sanglantes du despotisme d'un 
Ivan le Terrible. 

La tradition historio-^politîque du peuple russe place 
le tzar à une très faible distance de Dieu. Le peuple en- 
tier, sans distinction de classes, est l'esclave (kholopy) 
du tzar, sa propriété. L'individu pris isolément ne compte 
pour rien, tout doit être sacrifié pour le bien général de 
l'état personnifié par le tzar. Les réformes ordonnées 
par Pierre le Grand n'ont eu aucime portée pour la tra- 
dition historio-politique russe, lors même qu'elles ont 
donné à la Russie l'apparence extérieure d'un état civi- 
lisé. Tout au plus ont-elles raffermi le prestige de la mo- 
narchie du tzar, au moyen d'arguments empruntés 
à l'absolutisme d'occident. Même la révolution ne 
fut pas capable d'affaiblir cette tradition historique 
russe. Elle mina tout au plus son importance dans un 
certain nombre de cercles intellectuels russes. Et, même 
dans ces cercles, il ne se produisit qu'oin changement 



84 

dans Tautarité, pour laquelle tautefofe l'esprit national 
russe conserve toujours la même vénération. 

Les aspirations actuelles de la nation russe sont à 
peine ébauchées. Néanmoins on peut déjÀ reconnaître 
nettement qu'elles suivront le chemin des traditions sé^ 
culaires. L'accroissement et l'affermissement constant de 
l'empire ainsi que l'assimilation de tous les peuples 
étrangers, y compris les Ukrainiens, seront toujours le 
point cardinal de leurs préoccupations. Le monde mos- 
covite a toujours été des plus intolérant poirr les croy- 
an<^s, les langues et les mœurs étrangères, et cette in- 
tolérance persiste et persistera encore à l'avenir, alors 
même qu'elle saura se dérober adroitement en toutes 
occasions. 



> , 



La culture ukrainienne. 

L'Ukraine eut à subir de& influencés diverses. Etaiit 
donné sa situation géographique, TOrient et rOccident 
s'y rencontrèrent et s'y mêlèrent. De là les influences de 
l'Orient (greconbyzantin et arabo-^perse), puis celles de 
l'Occident (Scandinaves et germano-polonaises). 

Les Ukrainiens, dès leur réunion à la Lituanie-Polo- 
gne furent attirés dans la sphère de domination de l'Eu- 
rope occidentale civilisée. Jusqu'à la fin du XVIIIê siè- 
cle ils demeurèrent sous cette influence. C'était lors des 
partages de la Pologne, à l'occasion desquels la presque 
totalité des pays ukrainiens furent incorporés dans l'Etat 
moscovite. 

Dans leur ensemble, ces influences mutuellement op^ 
posées, revêtent un caractère particulier que l'on peut 
désigner sous le nom de culture ukrainienne. 

'De même qu'en Europe occidentale on y remarque 
un individualisme très accentué. L'esprit d'association 
y est très développé, c'est ce qui apparaît très nettement 
dans le domaine inteUectuel et dans l'activité économi- 
que du peuple ukrainien. 

De tout temps, ractiuité politique de l'ancienne 
Ukraine a tendu à Tidée d'une monarchie électorale à 
puissance centrale demi-absolutiste, reposant sur l'indé- 
pendance des classes et la liberté ? personnelle. Ce prin- 
cipe s'est manifesté dans les inistitutions des anciennes 
principautés ruthènes, dans l'hetmanat (des XVIIe et 
XVIIIe siècles ainsi cjue dans une partie du XXe), les dit 
vers traités de protectorats conclus avec les puissances 
voisines en font foi. On y trouve une singulière concept 
lion de la notion de «souverain» et de sujet, préjugé pro^ 



m 

fondement enracinée dans l'histoire politique du pays, 
creusant un abimè infranchisaable entre les notions po- 
litiques pratiquées en Ukraine et les idées moscovites de 
l'état et des droits du souyerain» 

A ravènement des temps nouveaux» cet idéal, céda le 
pas à la monarchie constitutionnelle. C'était en 1710^ 21 
ans après» la ^Déclaration of rîgf/ife» et 79 ans avant la ré-- 
volution française qu'il parut un projet de constitution 
ukrainienne, plaçant la puissance suprême de la Répu- 
blique entre les mains d'un parlement composé de re- 
présentants de la nation élus librement. Le développe- 
ment normal de cette idée fut troublé par l'intervention 
de la Russie, mais l'idée subsista néanmoins comme ime 
utopie politique pour exercer plus tard une influence 
considérable sur les institution de la nouvelle Républi- 
que ukrainienne. 

C'est dans le domaine ecclésiastique, que l'originalité 
de la culture ukrainienne s'est manifestée de la façon la 
plus intense : Les religions suivantes se partagaient l'U- 
kraine : 1** la religion catholique-grecque (Uniate), pra- 
tiquée dans toute l'Ukraine occidentale, jusqu'au Dnipr, 
et bâillonnée en 1836 par le tzarisme, 2^ la religion grec- 
que orientale (Orthodoxe), à laquelle appartenait dès les 
débuts l'Ukraine orientale et dès 1836 aussi l'Ukraine occi- 
dentale (à l'exclusion de la Galicie). Les catholiques ukrai- 
niens {Uniates) priraient dans la langue slave ancienne, 
mais pour le pape. Us maintinrent l'ancien rituel, mais 
adoptèrent par contre les dogmes de l'Eglise de Rome. 
Quant aux Orthodoxes ukrainiens, ils conservèrent beau- 
coup de particularités, l'Egllise moscovite soit dans l'ad- 
ministration, les coutume» soit dans le pouvoir suprême 
l'élection du clergé, ce qui les faisait paraître aux yeux 
des Russes bien pensant comme «faux chrétiens» ou 



•"'v-, 



87 

< chrétiens inférieurs»^» suspects de latinisme. En dehors 
de toute forme extérieure la reH^on des Ukrainiens est 
caractérisée p^r une a^ente foi intérieure et le mépris 
de tout simulacre. C'est la raison pour laquelle les sec- 
tes qui conmie en Russie» vivent de rite, et de cérémo- 
nies, n'ont Jamais pris pied en Ukraine. 

U organisation socicde de la société ukrainienne se 
rapproche plutôt de celle de l'Europe occidentale que de 
celle de la Russie. Tandis que la société russe était do- 
minée par un état autocratique» usant de contrainte à 
l'égard des groupes sociaux, l'Ukraine, depuis longtemps 
déjà, comptait des classes puissantes vivant de leur vie 
propre indépendante de l'état, tels, par exemple : l'aris- 
tocratie rurale indépendante, le clergé indépendant, les 
paysans presque libres, les villes gouvernées selon le droit 
de Magdebourg, etc. De même que les villes jouissaient de 
liberté dans l'état, l'individu était libre dans sa commu- 
ne ; depuis longtemps déjà, l'Ukraine ignore ce qu'est le 
communisme villageois. Comme son camarade français, 
il est à ce point de vue individualiste parfait et partisan 
du principe de la propriété privée. Au cours des siècles, 
la Russie réussit à dénationaliser les classes supérieures 
de l'Ukraine, mais elle ne parvint pas à exercer son in- 
fluence dissolvante sur la solidarité d'intérêts et le pa- 
triotisme de classe profiMidément enraciné dans toutes 
les couches de la population. C'est précisément cette fer- 
meté des classes et surtout des paysans, qui en Ukraine, 
fut rocher contre lequel tous les plans des autocrates 
russes vinrent se briser. 

La vie matérielle en Ukraine n'est pas en rapport aux 
forces productives et aux possiiiblités économiques du 
pays. Entravé dans son développement culturel par la 
domination étrangère, le «grenier de l'Europe» est loin 



88 

ée produire eç; qu'il serait possible d'en • ^irer dans de 
mdlleures conditions. Néanmoins, la vie matérielle de la 
majorité du peuple ukrainien accuse dans ses différen* 
tes . manifestations : famille, ménage, vêtements, culte 
national, un degré de développement supérieur à celui 
de ses voisins polonais ou russes. 

La culture intellectuelle de l'Ukraine, lors de son rat- 
tachement à la Russie, surpassa celle de ce dernier pays. 
Tandis qu'en Russie le latin était encore inconnu, les 
Ukrainiens possédaient déjà au XVIIe siècle une univer- 
sité à Kiev, ainsi que nombre d'écoles dans lesquelles 
le latin et grec étaient enseignés. Tandis que tout ce qui 
provenait de «l'occident» était réputé «diabolique» en 
Russie, et qu'en 1649 im oukase du tzar ordonnait l'anén- 
tissement de tous les instruments de musique dans l'em- 
pire, les hetmans ornaient leurs* palais et leurs ^ises de 
peintures provenant d'artistes occidentaux et la musique 
était en honneur en Ukraine. Ces débuts d'une riche cul- 
turei intellectuelle furent systématiquement détruits par 
la Russie. Mais grâce à la haute intelligence du peuple, à 
son désir très prononcé d'instruction, les traditions po- 
pulaires de l'Ukraine persistèrent et la musique, les let- 
tres et les arts populaires peuvent être considérées comme 
la base de son développement 

Ge qui al>partient en propre à la culture ukrainienne 
et la- rapproche de celle des peuples de l'Europe occiden- 
tale, c'est Ze ccuractère de m psychologie nationale. La 
différence est d'autant plus marquée lorsqu'on compare 
les Ukrainiens aux Russes. D'un côté, l'activité, d'une so- 
ciété consciente de ses droits et nullement entravée, de 
l'autre côté, mollesse, manque d'esprit d'opposition, sou- 
mission passive orientale à l'autorité. Tandis que la so- 
ciété de Moscou passive, acceptait bénévolement la stu- 



■>. ' 



89 

pide tyrannie d'un Ivan k Tterrïïble, tandis que le pay- 
san russe supportait sans mot dire le traitement inhu- 
main que lui fait subir son maître» l'Ukraine organisait 
aux XVIe et XVIIe siècle une série de révolutions con- 
tre les institutioiis socialea et politiques encore, féodales 
de la République polonaise. Tandis que le clergé russe 
se résignait à l'abolition du patriacat et perdait avec lui 
le dernier vestige de son indépendance à l'égard de l'état, 
le clergé ukrainien (à l'époque polonaise) opposait une 
résistance considérable au catholicisme guerrier et (au 
temps de Nicolas 1er) une résistance non moins vive à 
l'orthodoxie imposée. Cet esprit entreprenant et actif, 
les Ukrainiens le conservèrent jusqu'aux derniers jours. 
Les troubles des paysans de l'Ukraine en 1902 furent le 
signal de la révolution de 1905 contre le tzârisme et les 
Ukrainiens opposèrent également les premiers une ré- 
sistance au régime bolchéviste en Russie* 

Ces propriétés du génie national ukrainien résultent 
du respect de soi et de la discipline personnelle, réflé- 
chie de chaque individu. L'Ukjnainien a un esprit d'ordre 
prononcé, un sentiment de très laiige tolérance à l'égard 
de son prochain^ de la femme, de la re^gion et des na- 
tionalités ; enfin il a un esprit d'association très déve- 
loppé (le mouvement coopératif moderne florissait, parmi 
les pays de l'ancienne Russie, tout particulièrement en 
Ukraine). Tout ceci fait de l'Ukrainien, dans son ensem- 
ble, un type de haute culture et susceptible d'un déve- 
loppement social très étendu. Ces caractéristiques, de 
même que les traditions politiques et sociales et l'idéal 
religieux du peuple ukrainien le relie indubitablement à 
la commimauté culturelle de l'Europe occidentale. 



L*Art ukrainien. 

Les débuts de l*art ukrainien remontent à la plus haute 
antiquité. L'archéologie a démontré^ par exemple^ que 
Kiev, la capitale de l'Ukraine est une des a^lomérations 
les plus anciennes de l'Europe. Il est établi que l'homme 
des cavernes et celui de l'époque du mammouth vivait 
déjà sur son territoire. L'archéologie a prouvé également 
que Kiev était habitée plus de quatre mille ans avant no- 
tre ère. De même dans toute l'Ukraine, on rencontre des 
traces de la vie humaine des toutes les périodes de l'hu- 
manité. Avec les vestiges de l'homme préhistorique on 
trouve naturellement aussi des traces de son art primi- 
tif. Mais l'état actuel de l'archéologie nous oblige à con- 
sidérer ces restes d'art primitif plutôt comme des in- 
dices de développement que comme un art proprement 
dit. 

La vraie histoire de l'art ukrainien commence au 
IXe ou Xe siècle de notre ère ; en même temps que l'his- 
toire documentaire de l'Ukraine. Nos connaissances sur 
l'art monumental précédant le IXe siècle sont plutôt ba- 
sées sur des sources documentaires que sur l'étude des 
vestiges de ces mouvement mêmes. Mais, autant qu'on 
peut en juger, à cette époque déjà l'art ukrainien suivait 
un mouvement progressif en rapport avec celui des Grecs 
et des pays de l'Occident. Les œuvres d'art du Xle siè- 
cle qui ont subsisté, les temples majestueux de Tcherny- 
hiv et surtout de Kiev révèlent les relations artistiques 
avec l'Occident et avec l'Orient. Ils représentent des mo- 
numents d'art de premier ordre pour l'Europe de ce 
temps. 



91 

Les restes de la cathédrale de Tchernyhiv et ré^i3e 
du Sauveur de Berestiv, les plus anciens édifices ukrai* 
niens de l'époque du grand prince Vladimir le Saint, ac- 
cusent les principe du style roman en honneur alorsi 
dans toute l'Europe. Les cihapitaux des colonnes de cette 
cathédrale, par exemple, se rapprochent des chapitaux 
d'Hildesheim. La catiiédn|ile du Xle siècle de Ste-Sophie 
à Kiev, très bien conservée jusqu'à nos jours, avec son 
riche et grandiose ensemible de mosaïques et de fres- 
ques révèle le travail des maîtres byzantins venus en 
Ukraine, des diverses parties de l'Empire de Byzance. 
Tandis que dans les monuments cités, on remarque 
l'influence de l'Europe occidentale — style roman — et 
de l'Europe orientale — style byzantin — le génie ukrai- 
nien fusionne bientèt, dans son esprit national, des deux 
styles et crée un style ukrainien particulier — romano- 
byzantin. Les ^lises de St-Michel et de St-Cyrill à Kiev, 
d'une magnificence extraordinaire et d'une richesse de 
formes architecturales et d'ornements en fresques, ca- 
ractérisent ce style. 

Déjà dans la cathédrale de Ste-Sophie, à côté des 
artistes byzantins, on trouve une riche collection de fres- 
ques profanes des maîtres indigènes ukrainiens. Indé- 
pendamment de leur valeur artistique, elles représen- 
tent un tableau sans égal de la vie ukrainienne de ce 
temps. Les mosaïques et les fresques du Xlle siècle dans 
les églises de St-Michel et de St-CyriU ont été entière- 
ment créées par des maîtres ukrainiens de l'école de 
Kiev. On peut affirmer que nulle part en Europe, au nord 
des Alpes, on ne rencontre d'aussi belle et aussi artisti- 
que peinture murale que celle de ces monuments. 

Tandis que l'Europe occidentale a conservé de l'épo- 
que romano-èyzantine de beaux monuments d'architec- 



92 

tijre €t <ie sculpture»; le génie artistique ukrainien de ce 
teimps a devancé lïlurope dans le domaine de la pein- 
ture^ grâce au voisinage de Byzaiice, Ce fut la première 
grande époque d'éçlosiQn de Fart ukrainien. Déjà au 
XlUe et en partie au XlVe siècle, le style romano-byzan- 
tin s'est épanoui en* Ukraine, et parmi les monuments de 
ce ' style on peut citer Téglise de St-Pantaléon à HaUtch,, 
la peinture murale dans Téglii^e de Bakota au bord du 
Dnistr etc. 

On peut dire qu'à partir de la seconde moitié du 
XlIIe siècle, le centre de la vie politique et intellectuelle 
s'est transféré des bords de Dnipr sur le haut Dnistr et 
en Polissie (r^ons des forêts), Cie fut l'époque d'op- 
pression des nomades de l'Orient et des régions russes 
du nord qui voulaient se séparer de l'Ukraine, et c'est en 
Polissie que se sont conservés les monuments de l'art 
ukrainien de l'époque qui a suivi celle du style romano- 

• 

byzantin. Ainsi, les monumentis de l'art ukrainien en 
style gothique sont conservés à Lviv (Lemberg), l'église 
de Ste- Paraskeva, à Soutkovtzi en PodoHe, etc., et celles 
de St-Pierre et Paul à Kiev, Toutefois, l'Ukraine passait 
alors par un moment de crise tel que les monuments de 
style gothique en Ukraine ont un caractère provincial 
qui ne peut être comparé aux monuments gothiques de 
l'Europe ocddenitale. 

Mais l'Ukraine continue d'exceller, dans l'art de la 
fresque. Quittant le domaine purement décoratif du 
style romano-byzantin, la peinture murale de l'époque 
gothique se lance dans le vrai réalisme. Et c'est du XVe 
siècle que nous sont restées des séries de fresques de 
style gothique ukrainien dans les chapelles du château 
de LubUn, dans la chapelle de Sandomir et dans la cé- 
lèbre chapelle des JageUons au . Babel à Gracovie. Pour 



93 

exécuter les travaux dé peinture de cette chapelle, un 
des rois polonais de la maison des Jagellons avait dû 
faire venir des peintres de lUkraîne, car il n'en aurait 
pu trouver ni en Pologne, ni en Euroi>e occidentale aii 
nord des Alpes. Comme on le sait, le style gothique en 
Europe ne favorise nulle part, excepté en Italie et eu 
Ukraine, la peinture sut deis grandes surfaces murales. 
Depuis le XVIe siècle déjà en Ukraine, le style de la 
renaissance s'épanouit beaucoup plus que le style gotihi^ 
que de l'époque précédente. Les plus beaux exemples de 
ce style sont représentés par l'élise de la Confrérie à 
Lviv. Dans sa chapelîe d'une incomparaible beauté, 
on voit clairement, ausisi bien dans la construc- 
tion des voûtes que dans les proportions et dans la di- 
visions des masses architecturales, l'influence de la re- 
naissance italienne avancée. Mais la préférence qu'ont 
les Ukrainiens de bâtir une église de trois coupoles ali- 
gnées y domine; ce type préféré du temple ukrainien, 

• 

l'église à trois coupoles est mentionnée déjà dans de très 
anciennes koliadki (chants de Noël) ; le plus ancien mo- 
dèle de ce genre d'église est réalisé dans celle de la Con- 
frérie de Lviv et paiement dans sa chapelle. Ces trois 
coupoles ukrainiennes sont si harmonieusement unies 
dans l'édifice avec le caractère général de la renaissance 
qu'il faut croire que les artistes ukrainiens étaient déjà 
maîtres du style de la renaissance avant la construction 
de ces églises. En harmoniisant ce style aux formes ukrai- 
niennes préférées, ils ont créée dans la chapelle de cette 
église un chef d'œuvre accompli de l'art ukrainien de 
l'époque de la renaissance. 

A la même époque de la renaissance, la peinture 
ukrainienne s'est portée tout particulièrement sur la 
peinture sur toile, tout en subissant et en s'assimilant les 



influences allemandes (souabo-frânconniennes), hollan- 
daises et surtout italiennes de la renaissance de la pre- 
mière période. Un des meilleurs artistes de ce temps est 
Fedousko de Sambor dont la célèibre «Annonciation» au 
Musée de Volhynîe atteste les iniluences de l'école flo- 
rentine de Verocchîo. 

Le développement de la gravure ukrainienne et de 
rimprimerie remonte à la même époque. Le premier im- 
primeur moscovite Fedorov fut obligé d*émigrer de la 
Moscovie sauviage d'alors en Ukraine et travaillait au ser- 
vice des princes ukrainiens Ostrojskis. H entra ensuite 
dans la Confrérie de Liv, mourut en cette ville, et fut en- 
terré dans l'église de la Confrérie. 

Au XVIe siècle le centre de la vie politique est trans^ 
féré de nouveau sur les bords de Dnipr et Kiev renaît 
capitale du pays ukrainien. Au commencement du 
XVIIe siècle apparaît à Kiev le premier protecteur des 
beaux-arts et des sciences — Petro Mohyla, le fils du duc 
(hospodar) de Moldavie, qui faiit restaurer les vieilles 
^lîses de Kiev et en fait édifier de nouvelles. Comme 
toute l'Europe à cette époque, l'Ukraine au XVIIe siè- 
cle s'approprie elle aussi le style universel européen — 
baroque, mais elle l'imprègne, comme elle l'a fait précé- 
demment avec les autres styles, de l'esprit, de l'imagi- 
nation ukrainienne, et développe ainsi le riche ba- 
roque ukrainien, ou comme on l'appelle aussi le ba- 
roque cosaque, car les maîtres et les artistes de ce temps 
sortaient souvent du milieu des Cosaques; les mécènes 
en étaient des hetmans et des chefs cosaques. Les mé- 
cènes cosaques les plus connus furent les hetmans Sa- 
moïlovitch et surtout Mazepa et le kochevy (un des gra- 
des supérieurs de l'année des Cosaques Zaporogues) Kal- 
nychevsky. 



95 

Toute l'Ukraine sur les bords du Dnipr s'orna de 
belles églises en maçonnerie et d'édifices laïques dans le 
style du baroque cosaque. C'est à cette époque que l'on 
doit les cathédrales de Pereyaslav et de Kozeletz, les cou- 
vents de Priloukî, Loubni, Tchemyhiv, Kharkdv, Lviv, une 
grande quantité d'église et de monastères à Kiev, les pa- 
lais des hetmans à Tchyhyryn et Batouryn, le palais de 
l'Evéque, l'Académie de Kiev et beaucoup d'autres édi- 
fices. 

Le génie ukrainien avait appliqué le style baroque 
aux constructions de bois. En l'harmonisant avec les an- 
ciennes formes préférées ukrainiennes, il avait fim par 
créer un type très original d'église ukrainienne en bois, 
type qui domina en l'Ukraine jusqu'au moment où un 
décret du tzar défendit de bâtir les églises dans le style 
ukrainien, c'est-è-dire jusqu'à la deuxième moitié du 
XIXe siècle. 

A l'époque du baroque non seulement l'architecture 
mais aussi les autres branches des beaux-arts, notamment 
l'art décoratif se développèrent en Ukraine. Les égli- 
ses et les palais baroques cosaques sont pour la plupart 
richement ornés à l'extérieur ainsi qu'à l'intérieur de dé- 
corations pittoresques. Les échantillons les plus anciens 
de l'ornement ukrainien remontent au XVIIe siècle ; 
l'ornement baroque de l'Occident et les riches motifs 
d'ornement de l'Orient s'amalgamèrent de nouveau 
comme six siècles ^auparavant à la première période de 
l'édosion de l'art ukrainien. S'inspirant de leur génie 
nationail, les Ukrainiens, inventèrent des ornements ex- 
trêmement riches qui devinrent créations nationales. Ce 
furent des tapis, des ceintures et d'autres ouvrages de 
tissage ; broderies de vêtements civils et sacerdotaux,, 
étoffes imprimées et autres ouvrages d'orfèvrerie et de. 



96 

joaillerie» des ciliches, des coupes, des garnitures métal- 
liques de vêtémeatSy ouvrages en fer forgé, émaux déco- 
ratifs, carreaux de faïence et toutes sortes de vase en 
terre cuite, ouvrées de verrerie, de sculpture sur 
bois, etc. 

Le style baroque perfectionné par l'esprit ukrai- 
nien avec l'appoint considérable de Télément orien- 
tal s'est imprégné à un tel degré du caractère national 
ukrainien dans toutes les manifestations d'art monumen- 
tal et décoratif, que jusqu'à aujourd'hui le baroque 
ukrainien est considéré comme le style ukrainien par 
excellence. 

Cette époque dans l'histoire de l'art ukrainien est une 
véritable renaissance. 

L'art ukrainien continua à se développer brillant 
jusqu'à la moitié du XVIIIe siècle, quand le riche 
baroque fut remplacé par l'élégant rococo. L'église de 
St-André à Kiev, construite par Rastrelli, ou d'église de 
St-Pierre et St-Paul près de Mejihorié, que Kalnychevsky 
fit construire à ses frais — sont de magnifiques mo- 
dèles des formes architecturales du style rococo — la 
première aveô prédominance des influences de l'Europe 
occidentale et la seconde — avec prédominance ' du 
caractère national ukrainien. La libre imagination créa- 
trice du peui^e a facilement appliqué l'esprit ro- 
coco à l'ornementation, qui, dès le XVIIIe siècle, de- 
vient plus légère, plus sentimentale et plus enjouée. C'est 
surtout la peinture ukrainienne qui atteint à la fin du 
XVIIIe siècle un d^ré de développement élevé. Dans les 
travaux du peintre Dmytro Levitiky de Kiev, fils et pe- 
tit-fils de peintres et graveurs ukrainiens, l'art du por- 
trait ukrainien égale celui des meilleurs peintres anglais 
et français de l'époque (portrait de Diderot, peint par 



97 

Levitzky, au Musée de Genève). Le dessin académique a 
été mis à égale hauteur des meilleures productions euro- 
péennes par Anton Lossenko. Au commencement du 
XlXe siècle apparaît Borovikovsky, successeur de la 
renommée de Levitzky et son élève. Il est souvent com- 
paré par la critique étrangère aux grands portraitistes 
anglais de l'époque et considéré même comme supérieur 
aux portraitistes français. Enfin, la sculpture ukrainienne 
fut rendu célèbre par Martos dont interprétation sur- 
passe Canova, 

Mais à la fin du XVIIIe siècle le régime tzariste com- 
mence à persécuter avec une sévérité particulière toutes 
les manifestations de l'art ukrainien. Des décrets spé- 
ciaux défendent la construction d'églises dans le style 
ukrainien et les meilleurs artistes ukrainiens, entre au- 
tres Levitzky, Borovikovsky, Lossenko et Martos furent 
obligés de s'établir à Pétersbourg. C'est avec les noms 
de ces trois peintres que la peinture russe commence 
son histoire. Les artistes qui ne voulaient pas 
mettre leur talent au service de la Russie (comme plus 
tard le génial Chevtchenko) étaient déportés en Sibérie 
où on leur défendait de peindre et de dessiner. Mais mal- 
gré les défenses, le dernier style universel européen — 
Empire — apparaît aussi en Ukraine. Il y gagne un ca- 
ractère intéressant et vraiment ukrainien. Après l'em- 
pire, l'époque de la deuxième moitié du XIXe siècle fut 
l'époque incolore d'éclectisme dans l'art, et reste dans 
rhistoire de l'art ukrainien la page la plus sombre. 

Nous avons mentionné que le dernier peintre notable 
de l'époque du style Elmpire, le poète Chevtchenko fut 
exilé et qu'on lui défendit de travailler aux beaux- 
arts. On obligeait les autres artistes ukrainiens à 
s'établir à Pétersbourg ou à Moscou et à travailler au pro- 

7 



98 

fit de l'art russe. Parmi ces artistes se trouvaient des ro- 
mantiques comme Venezâanov et Troutovski, des réalistes 
comme Kramskoy, Yarochenko, Riepine, des académistes 
comme Semîradsky ; originaire de l'Ukraine au-delà des 
Carpathes le célèbre Munkaczy s'établit pour toujours à 
Paris et c'est là qu'il fit toute sa carrière d'artiste. De 
même les paysagistes ukrainiens comme Âivazovski et 
Kuindji durent se fixer à Pétersbourg. Ce sont donc les 
peintres ukrainien ci-dessus désignés qui avec beaucoup 
d'autres dont les noms sont omis dans cet ouvrage, tra- 
vaillèrent pour l'art russe et contribuèrent à sa gloire. 
Seul le peintre philosophe Gayî (descendant ukrainien 
d'un émigré français) n'a pas voulu passer au service de 
la Russie et retourna en Ukraine. Son crucifix se trouve 
au Musée de! Genève (Ariana). 

Ce n'est qu'au commencement du XXe siècle que les 
jeunes artistes ukrainiens, malgré toutes les contraintes, 
commencèrent à refuser de donner leurs forces aux Rus- 
ses, restèrent en Ukraine et consacrèrent leurs talents à 
leur pays. C'est sur l'initiative de ces jeunes artistes et 
grâce à leur travail que fut fondé à Kiev, tôt après la 
révolution, en 1917, la première Académie ukrainienne 
des Beaux-Arts où s'affirmèrent tout de suite de nou- 
veaux talents dans la peinture surtout ; elle surpasse par 
ses professeurs émérités l'Académie de Pétersbouiç, fi- 
gée dans sa rigidité, celle de Cracovîe toute affadie, et 
toutes celles des autres pays slaves. Les meilleurs peintres 
ukrainiens contemporains sont : les professeurs de l'A- 
cadémie de Kiev Boytchouk, Bouratchek, Jouk, Basile 
et Théodore Kritchevskîs, Maiievitch, Mourachko, Nar- 
bout, Novakivsky, etc. Hors de l'Académie, les paysagis- 
tes Vassylkivski et Trouch, jouissent de renommée. Les 
sculpteurs ukrainiens, à Paris le moderniste Arkhipenko 



99 

et à Munich le portraitiste Parastohouk obtiennent du 
succès. Parmi les peintres ukrainiens modernes à Péters- 
bourg le descendant ukrainien (comme l'illustre Gày) 
d'un émigré français Lanceré et sa sœur Serebriakova, 
plus tard Kramarenko, puis à Moscou Alexandre Chevt- 
chenko et beaucoup d'autres s'illustrent, 

t 

Pendant que dans la deuxième moitié du XIXe siècle 
le gouvernement russe opprimait la peinture ukrainienne, 
le génie national dans* l'art ornemental et les arts appli- 
qués persistait et se développait au sein des masses po- 
pulaires. Dans les Musées de Kiev, Tchemyhiv, 
Katerinoslav, Lviv, et des petites villes de la province 
ukrainienne les échantillons de l'art national ukrainien 
sont rassemblés. Peu avant la guerre le journal anglais 
«The Studio» leur a consacré un grand fascicule, avec de 
nombreuses reproductions et photographies des œuvres 
de l'art ukrainien. Les productions du génie artistique 
national de la République Ukrainienne Occidentale (an- 
cienne Ukraine autrichienne) constituent la plus belle 
partie du Kunstgewerbe-Museum à Vienne. 

Ainsi, depuis le Xe siècle jusqu'à nos jours, l'Ukraine 
possède sa propre histoire de l'art comme un pays eu- 
ropéen ; de même que l'Europe, elle a traversé toutes les 
phases du développement artistique, tout en transfor- 
mant dans son génie national les styles européens en 
créations originales et nationales. 

Les époques où l'art ukrainien florissait particulière- 
ment sont celles du style romano-byzantîn et du style 
baroque. Ces deux époques coïncident avec les périodes 
d'indépendance nationale et politique de l'Ukraine. 

Aujourd'hui nous sommes convaincus qu'en ac- 
quérant l'indépendance politique et nationale, nous allons 
entrer dans la troisième et féconde période de renais- 
sance de l'art ukrainien. 



Le climat de l'Ukraine. 

L'uniformité de l'Europe orientale au point de vue 
morphologique, se retrouve également dans les conditions 
elimatériques. Mais dans la mesure où l'explorateur at- 
tentif rencontre quelques individualités morphologiques 
indépendantes dans la plaine de l'Europe orientale, il y 
aperçoit aussi des différences climatériques considéra- 
bles. 

La zone climatérique de l'Europe centrale s'arrête à 
la frontière occidentale de l'Ukraine. De même, le climat 
continental frais de l'Europe orientale qui domine la 
Russie-£lanche et la Grande-Russie, n'embrasse-t-il que 
quelques territoires frontières insignifiants au Nord de 
l'Ukraine. Le climat ukrainien est plus continental que 
celui de l'Europe centrale et se distingue de celui de la 
Grande Russie par sa plus grande douceur. L'Ukraine 
comme la France, bénéfice de l'avantage de voir s'opérer 
sur son territoire le passage du climat tempéré de l'Eu- 
rope orientale au climat méditerranéen de l'Europe mé- 
ridionale. 

Les conditions de température du territoire ukrainien 
sont très uniformes malgré sa grande étendue. Les 
moyennes de l'année varient entre +6® et + 9^ 

L'hiver en Ukraine est plus constant que l'hiver de 
l'Europe centrale ou même que celui de la Russie : ce 
n'est que dans les territoires frontières du nord-ouest que 
l'on constate fréquemment les temps de dégel provoqués 
par les courants atlantiques. La durée des périodes de gel, 
est de deux mois au plus sur les rives pontines, de trois 
mois dans les steppes pontines et sur les contre-forts du 



101 

groupe de plateau et de trois mois et demi dans toute l'U- 
kraine. Ce n'est que dans les territoires frontières situés 
dans le nord-est et sur les bords du Donetz que la période 
de froid dure quatre mois. 

Seul dans l'Ukraine méridionale, l'hiver est suivi im- 
médiatement d'un printemps ensoleillé accompagné de 
vents secs qui dégénèrent parfois en tempêtes de pous- 
sière (soukhovii). Partout, sans cela, en Ukraine, l'hiver 
est suivi de temps pluvieux. Le temps pluvieux du prin- 
temps consiste en une succession de gel, dégel, giboulées, 
pluie, soleil, qui se prolonge généralement en Ukraine 
méridionale jusqu'au milieu d'avril, au nord et à 
l'ouest jusqu'à fin avril ou même au commencement 
de mai. Le printemps qui suif est très court en Ukraine 
et ne dure en général que trois semaines, sauf dans le 
nord où il dure tout le mois de mai. Le mois de mai est 
déjà presque aussi chaud que le mois de juillet en Angle- 
terre. Par contre, nous enregistrons des gelées tardives, 
au mois de mai, dans toute l'Ukraine et jusque sur les 
rives de la Mer-Noire ; elles ne sont toutefois pas aussi 
dévastatrices qu'en Russie. L'été ukrainien se distingue 
partout par une température très élevée ; il n'est tempéré 
que dans l'angle nord-ouest du pays. 

Les températures du mois de juillet dans tout le reste 
de l'Ukraine sont beaucoup plus élevées. L'isotherme de 
+ 20®, comme toutes les isothermes de juillet de l'Ukraine 
passe dans la direction du nord-est près des sources du 
Zbroutch et de l'emibouohure du Prypiat et plus nous 
nous éloignons de cette ligne vers le sud-est, plus l'été 
que nous rencontrons est chaud. Vers le Dnistr inférieur 
et le Dnipr la température moyenne du mois de juillet 
dépasse + 23*^. L'automne en Ukraine est généralement 
très beau et relativement chaud. Le temps plu- 



102 

vieux de rautomne, qui inogure le passage à Thiver 
dure parfois 2 mois dans le nord-ouest, dans le reste du 
pays 1— IV2 mois. (La date moyenne du premier gel est 
le 19 octobre pour Kiev, le 11 octobre pour Louhan, le 
28 octobre pour Mykolaïv et le 10 novembre pour 

Odessa.) 

Nous arrivons au deuxième groupe des phénomènes 
atmosphériques : aux pressions atmosphériques et aux 
vents. L'Ukraine peut à cet égard être divisée en deux 
grands territoires. Dans le nord nous rencontrons prin- 
cipalement des vents d'ouest et du sud-ouest qui tempè- 
rent les gelées et amènent des pluies^ Dans le sud ce sont 
plutôt des vents d'est, secs et froids, qui augmentent 
l'intensité du froid. Parfois ce vent d'est prend les pro- 
portions d'une tempête de neige (metelytza), faisant tour- 
billonner la neige jusqu'à intercepter complètement la 
vue et provoquant des dommages considérables. 

Au mois de novembre et de décembre apparaissent fré- 
quemment des vents chauds et humides, particulièrement 
dans l'Ukraine méridionale, venant de la direction de la 
mer. Toutefois ce sont les vents froids d'est qui l'empor- 
tent, ceux auxquels on est redevable de la rigueur de l'hi- 
ver dans cette partie du pays. Les vents d'est apparais- 
sent rarement dans la partie septentrionale de l'Ukraine, 
et plus rarement encore dans l'angle nord-ouest. Lors- 
qu'ils surgissent ils provoquent de grands froids par un 
temps clair et beau. 

Au printemps les vents de l'est et du sud-est soufflent 
avant tout aussi en Ukraine. Es dégénèrent fréquemment 
en ouragans de poussière très nuisibles aux cultures 
(soukhovii) en entraînant des nuages de sable qui se dé- 
posent sous forme de vagues {dunes en miniature) de 
30 cm de hauteur. Ces vents se font également 



103 

sentir dans l'Ukraine septentrionale tsauf dans l'angle 
nord-ouest 

En été, ce sont les vents d'ouest, nord-ouest et sùd- 
ouest qui prédominent, même dans la moitié méridio- 
nale de l'Ukraine. En juin et juillet ils amènent un air 
humide, atlantique, ainsi que des pluies dans le pays tout 
entier. Ceci a pour effet de modérer la chaleur. Les vents 
d'est, par contre, augmentent la chaleur et provoquent 
de la sécheresse, mais généralement au mois d'août seu- 
lement, où ils apparaissent fréquemment. En septembre 
les vents sont généralement faibles, sous une haute pres- 
sion atmosphérique; c'est la raison pour laquelle l'au- 
tomne est si beau. En octobre et novembre s'opère in- 
sensiblement le passage vers le régime hivernal des vents. 

Le troisième groupe des phénomènes atmosphériques, 
l'humidité de l'air et les pluies, présente la même unifor- 
mité que les deux autres éléments météorologiques dont 
nous avons parlé. Le degré d'humidité de l'air est en gé- 
néral faible en Ukraine. Il atteint son maximum dans les 
régions boisées et marécageuses de l'ouest et du nord- 
ouest. Vers le sud-est, l'humidité devient toujours plus fai- 
ble. Les brouillards sont rares et peu intenses en Ukraine, 
si bien que la différence avec ce qui se passe en Europe 
centrale et en Russie est frappante. Les légers brouillards 
noctuumes et matinaux qui apparaissent particulièrement 
vers la fin de l'été et en automne ne font que contribuer 
à l'embelissement du paysage. La formation des nuages 
est moindre en Ukraine que dans l'Europe occidentale 
ou en Russie proprement dite, dans le sombre pays mos^- 
covite. Le plus grand nombre de jours couverts s'ob- 
serve dans la partie ouest et nord-ouest du pays pour 
diminuer de plus en plus en se dirigeant vers le sud. 
C'est le mois d'août qui est le moins couvert ; viennent 



104 

ensuite septembre et octobre. Les mois de novembre et 
de décembre sont généralement très couverts ; mais c'est 
janvier qui l'est le plus. 

Les pluies, en Ukraine, sont en général insignifiantes 
sauf dans les Carpathes. L'Ukraine a moins de pluies que 
l'Europe centrale ou occidentale. L'océan, la plus impor- 
tante source de pluies en Europe est à grande dis- 
tance et pendant leur course vers l'Orient à travers le 
continent européen, les réserves d'humidité se sont ra- 
réfiées. Il ne reste par conséquent plus grand chose pour 
l'Ukraine, particulièrement pour la partie orientale. La 
Mer-Noire n'exerce qu'une influence locale et l'évapora- 
tion des fleuves, des lacs, des marécages et de la couche 
végétale du sol ne se produit guère qu'en été. 

On rencontre les plus fortes chutes de pluie dans les 
montagnes où les courants atmosphériques ascendants 
favorisent la condensation des vapeurs. Déjà dans le 
Beskyd moyen, la quantité de pluie tombée dépasse 1000 
mm. Elle atteint 1200 mm. dans les Gorgany et Tchor- 
nohory, à certains endroits même 1400 mm. 

L'ahondance des pluies est encore très marquée dans 
tout le Pidhirie, mais à une faible distance déjà elle di- 
minue considérablement 

De ces considérations il résulte que l'Ukraine, surtout 
sa partie sud-est est plutôt pauvre en pluies comparative- 
ment à l'Europe centrale et occidentale. Mais la répar- 
tition des époques où ces pluies se produisent est si favo- 
rable que leur chute a lieu aux époques où elles sont le 
plus nécessaires, c'est-à-dire au commencement de l'été. 
Toute l'Ukraine se trouve dans la zone des pluies estiva- 
les, sauf la bande étroite de la côte méridionale de la 
Crimée. 



105 

La cause principale de rabondance des pluies d'été 
doit être recherchée dans les vents atlantiques d'ouest et 
du nord-ouest qui pénétrent assez avant dans la partie 
sud-est de l'Ukraine. Ils apportent suffisamment d'hu- 
midité avec eux pour provoquer durant les mois de mai, 
juin et juillet le maximum, c'est--à-dire environ les ^/g des 
chutes totales de l'année. Le mois le pilus pluvieux est le 
mois de juin. Seuls le Polissie, la Volhynie nord-ouest 
et la partie occidentale du territoire de Kiev accusent le 
maximum de pluies en juillet parce que dans cette ré- 
gion l'évaporation des forêts et des marécages est la plus 
intense à cette époque. 

Les pluies estivales de l'Ukraine se distinguent de celles 
du reste de l'Europe par leur violence. Seul dans la par- 
tie occidentale les pluies revêtent le caractère de pluies 
douces, continues ; dans le midi et à l'Orient, au contraire, 
elles interviennent en averses violentes. A Samachkany, 
en Bessarabie, on a déjà constaté des chutes de pluie de 
200 mm. en un jour ; à Korovyntzi, dans la région de 
Poltava on a même observé des chutes de 5 mm. en une 
minute. Dans les steppes pontines la pluie tombe toujours 
en averses. L'eau s'écoule vite et s'évapore rapidement 
sans humecter convenablement le sol. 

Les orages et la grêle se manifestent en rapport avec 
les pluies estivales plus particulièrement au mois de juin, 
moins fréquemment en mai et juillet. Ces phénomènes 
se produisent le plus souvent venant du sud-ouest et 
l'après-midi» La plupart viennent de la direction des Car- 
pathes ; elles atteignent la Volhynie et Kiev, mais ne dé- 
passent pas le Dnipr. Les chutes de grêle sont fréquen- 
tes en 'Galicie, en Volhynie et dans l'ouest de la contrée 
de Kiev. Dans le sud-est, par contre, elles sont très rares. 



106 

La quantité d'eau tombée se réduit lentement en août, 
plus encore en septembre et en oetcAre et se maintient 
ainsi jusqu'en décembre. Le mois de janvier est le moins 
riche en pluies de toute l'Ukraine (le V* seulement du 
mois juin) et c'est ce qui est particulièrement important 
pour l'Ukraine méridionale et orientale. La couche de 
neige, pour cette raison, est plus faible en Ukraine qu'en 
Europe centrale ou en Moscovie et son uniformité est dé- 
truite par de nombreuses bourrasques. La couche de 
neige fond rapidement, au printemps, sans pénétrer le 
sol et sans exiger beaucoup de chaleur. C'est ce qui ex- 
plique l'ascension rapide de la température au printemps. 

De janvier à fin avril, les chutes d'eau augmentent de 
nouveau lentement, mais progressivement jusqu'en juin 
où elles atteignent le maximum. 

Le climat de l'Ukraine est déterminé par une 
amplitude annuelle de 20 à 30*, une température 
moyenne de + 6 à + 12*, une moyenne de juillet 
de + 19 à + 24 et une moyenne de janvier de à — 8*, 
des pluies particulièrement abondantes en été et une 
faible couche de neige hivernale. La différence par rap- 
port au climat russe est par conséquent très considérable. 
Le climat russe constitue le passage au climat polaire, ce- 
lui de l'Ukraine le passage au climat méditerranéen. 

La nature a doté l'Ukraine d'un climat sain très agréa- 
ble. Quoique tempéré, il n'est pas privé de grands froids 
et de chaleurs excessives. Les différences des saisons ap- 
portent une agréable diversité ; les grands vents balayent 
l'atmosphère et animent la nature, et les chutes de pluie 
sont suffisantes pour entretenir la croissance de la couche 
végétale et pour assurer le développement de l'agriculture 
qui est la principale ressource du pays. 



La flore et la faune de l'Ukraine. 

L'ampleur de l'Europe orientale caractérise également 
la vie organique de l'Ukraine. Mais sa situation a pour 
conséquence naturelle qu'au point de vue de la flore et 
de la faune, l'Ukraine offre plus de diversité que la Rus- 
sie proprement dite malgré l'immense étendue de cette 
dernière. 

En Ukraine se rencontrent les limites de trois régions 
géographiques principales de la flore, savoir : la région 
méditerranéenne, la région des steppes et la région des 
forêts avec leurs territoires transitaires. En outre, nous 
y trouvons trois régions montagneuses : celle des Carpa- 
thes, de la Crimée et du Caucase. Au point de vue de 
la flore, l'Ukraine ne compte que peu d'espèces endémi- 
ques. La grande période glaciaire n'a, il est vrai, recou- 
vert de ses glaces que de portions relativement petites de 
l'Ukraine, mais la flore polaire dominait sans aucun 
doute, alors, dans le pays entier. Après la retraite des gla- 
ces, celles-ci ont fait place à des steppes qui alors, sur- 
tout au nord-ouest, ont été envahies par une flore sylves- 
tre venant de l'Europe et de la Sibérie. C'est la raison 
pour laquelle l'Ukraine, malgré sa vaste étendue, a si 
peu d'espèces endémiques. 

Dès ces temps préhistoriques il ne s'est produit que 
fort peu de modifications naturelles dans la végétation 
de l'Ukraine. Par contre l'homme, par suite de son acti- 
vité culturelle, a modifié considérablement l'aspect de 
celle-ci. 

La région des forêts occupe à peine le cinquième du 
territoire ukrainien, c'est-à-dire la portion nord-ouest et 



108 

septentrionale de ce dernier. La limite sud-est de la ré- 
gion boisée court dui Prouth et du Dnistr près de la fron- 
tière occidentale de la Pokoutie et de la Podolîe en un 
arc de cercle vers les sources du Bouh, puis non loin de 
la frontière septentrionale du plateau du • Dnipr à 
rOrient jusqu'à Kiev et de là, dans la direction du nord- 
est, jusqu'aux sources de l'Aka. Cette limite n'est toute- 
fois pas très marquée. En de nombreux festons la forêt 
pénètre vers le sud-est dans la région transitaire avan- 
cée ; par contre, elle coïncide assez exactement avec la 
limite septentrionale de la terre noire. Le sol de la ré- 
gion boisée est plutôt pauvre. Seules les régions supérieu- 
res sont gazonnées ; le reste est sablonneux et formé de 
podzol quartzeux. 

La formation végétale la plus répandue de cette ré- 
gion est la forêt. A l'origine elle recouvrait toute la con- 
trée et ce n'est que durant les deux derniers siècles 
qu'elle fut exploitée sur une plus grande échelle. Nous 
pouvons voir encore, aujourd'hui, dans quelques districts 
du Polissie comment cette forêt vierge était constituée. 
Nous y trouvons la forêt viei^e dans sa grandeur impo- 
sante et sa beauté. Dans des chablis de quelques mètres 
de hauteur des troncs d'arbres majestueux à moitié ver- 
moulus, et en décomposition, recouvrent le sol. Leurs 
racines s'élancent dans les airs au-dessus de fondrières 
marécageuses et d'amoncellements de résidus végétaux 
en décomposition. Au-dessus de ce rompis maréca- 
geux s'élèvent, semblables à une gigantesque colonnade, 
les troncs noueux de chênes et de tilleuls multicentenai- 
res, de frênes et de trembles ainsi que des pins, des sapi- 
nettes et des sapins élancés. Leurs branchages s'entre- 
lacent bien haut au-dessus du sol dans de superbes fron- 
daisons. Toutes les énergies sont dirigées vers en haut, à 



109 

la rencontre des rayons du soleil, car le fond est plongé 
dans une demie obscurité permanente. 

Quant à la composition de leurs essences, les forêts 
de l'Ukraine sont mixtes, lors même que parfois les cir- 
constances locales sont plus particulièrement favorables 
à une essence déterminée. Mais on peut diviser la région 
forestière ukrainienne en deux territoires, la zone de 
l'Europe centrale et la zone de l'Europe septentrionale. 

La zone forestière de l'Europe centrale comprend tout 
le Pidhirie, le Rostotche méridional et les contreforts oc- 
cidentaux de la Volhynie et de la Podolie. Elle se distin- 
gue par une plus grande diversité des essences. Les col- 
lines humides et marneuses sont généralement recouver- 
tes de forêts de hêtres ; les contreforts des Carpathes, de^ 
sapins ; et, isolés ou en petits groupes, on rencontre l'if 
et le platane. 

Ces essences disparaissent complètement dans la zone 
nord-européenne ensuite du développement constant du 
continentalîsme climatérique. L'essence prédominante ici 
est le pin, formant partout de grands bois sur un terrain 
sablonneux ; le bouleau qui accompagne toujours et par- 
tout le pin ; la sapinette dans les terrains sablonneux, le 
chêne et le hêtre dans les terrains marneux. Comme 
mélange aparaissent les aulnes, sur terrain marécageux, 
les trembles, tilleuls, ormeaux, platanes, frênes, l'ormeau, 
les pommiers, poiriers et cerisiers sauvages etc. Les noi- 
setiers, les marseaux, les sorbiers, les framboisiers, les 
mûriers constituent l'épais fourré de la futaie de ces 
forêts mixtes, ce qui avec l'épaisse végétation que four- 
nissent les graminées et les herbages divers contribue 
grandement, surtout dans les nombreux taillis, à l'embel- 
lissement de la forêt. Dans les forêts de sapins, la futaie 
disparait ordinairement tout à fait 



110 

La seconde formation importante de la région fores- 
tière est celle des louhy. Elle s'étale généralement dans 
les larges vallées planes du territoire. Ce sont de grasses 
prairies admirablement gazonnées, parsemées ci et là 
d'arbres isolés ou en petits groupes. Les terrains secs por- 
tent le chêne, les terrains plus humides, l'aulne. 

La troisième formation typique est celle des maréca- 
ges. Ils sont assez développés dans la région boisée de 
l'Ukraine, particulièrement dans les vallées plates du 
Rostotche et de la Volhynie. La Polissie est le plus grand 
territoire marécageux de l'Europe. Les marais authenti- 
ques à végétation cryptogamique de la tourbe alternent, 
même dans le territoire de la PoUssîe, avec des prairies 
marécageuses où la végétation herbeuse prédomine. 

La région boisée a joué un rôle considérable dans 
l'histoire de l'Ukraine. Lorsque les peuples nomades mon- 
gols, utilaient la zone des steppes pontines comme voie 
d'accès commode pour détruire les cultures de 
l'Ukraine dans le territoire des steppes, les populations 
se retirèrent dans les forêts et les marécages du nord et 
de l'occident afin de pouvoir en temps opportun avancer 
de nouveau dans la direction du sud-est pour recon- 
quérir les territoires dévastés. Ce jeu s'est renouvelé plu- 
sieurs fois au cours de l'histoire ukrainienne. 

Tout le reste de l'Ukraine est occupé par la région des 
steppes jusqu'aux contreforts de Yaïla et du Caucase. Les 
limites n'en sont pas très précises, comme nous l'avons 
vu déjà. En de nombreux caps, et en îlots isolés, la forêt 
y pénètre dans la direction du sud. Plus on avance, plus 
ces enclaves deviennent clairsemées si bien que les géo- 
graphes^naturalistes se sont vus dans la nécessité d'inter- 
caler entre la forêt et la steppe deux zones transitaires, 
l'avant-steppe et la steppe de transition. Ce n'est que vers 



111 

la ligne qui, passant près de Kychyniv et Katerinoslav, 
s^avance vers le coude du Don que commence la région 
des steppes proprement dite. Cette division n'est toute- 
fois pas absolimient exacte et se rapporte tout au plus 
aux conditions actuelles créées par les déboisements des- 
tructeurs des deux derniers siècles. Les documents histo- 
riques de l'Ukraine nous parlent d'immenses forêts, qui, 
vers les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles s'étendaient aux 
sources de l'Inhoul et de l'Inhouletz, sur le Tiasmyn, sur 
la ligne de partage des eaux entre les rivières de la rive 
gauche du Dnipr. Ce ne furent pas des loréts à galeries, 
bandes boisées longeant les vallées, mais elles recou- 
vraient en long et en large les lignes de partage des eaux. 

Le sol typique des régions des steppes et des régions 
transitoires est celui formé par la terre noire (en ukrai- 
nien tchomosem). Chaque lUkrainien connait cette terre 
noire, d'une fertilité permanente, que l'on ne rencontre 
nulle part ailleurs dans le monde et qui a fait de l'Ukraine 
le grenier de la Russie. La terre noire (humus) est le 
produit de transformation de gisements diluviens mar- 
neux et de végétaux en décomposition. La couche atteint 
par endroits une épaisseur de plus de 2 m. 

La zone de la terre noire traverse le territoire ukrai- 
nien dans toute sa longueur et en occupe environ les 
trois quarts de sa superficie. La limite septentrionale de 
la zone des terres noires s'étend de Lemberg le long de 
la frontière nord des plateaux de Podolie et du Dnipr 
jusqu'à Kiev. La limite méridionale de cette même zone 
est constituée par une ligne tirée à travers l'embouchure 
du Bouh et du Dnipr et la ville de Marioupil. Toute la- 
plaine de Kouban et lé plateau de Stavropil appartiennent 
également à la zone des terres noires. Le long de la limite 
nord de la zone des terres noires s'étend une zone de 



112 

transition de 100 km. de largeur dont le sol contient 
4—6 % de produits végétaux en décomposition. Plus au 
sud, nous rencontrons la zone principale dont la teneur 
en produits végétaux décomposés est .de 6—10 % 
Vers la mer et le Dnipr inférieur, le territoire est limité 
par une autre zone de transition dont le terroir brunâtre 
contient de 4—6 % de produits végétaux. Sur la Mer 
d'Azov et dans la Crimée méridionale, on rencontre le 
sol brun et sec des steppes, la plupart du temps parsemé 
de nombreux îlots de fortnation saline (solontchaky) re- 
couverts d'une végétation saline particulière. Ces forma- 
tions ne manquent du reste pas non plus dans le reste 
dés zones à terre noire où l'on rencontre également des 
îlots et des bandes de sable surtout le long des fleuves et 
des bords de la mer. 

Dans la région des steppes, la steppe n'est pas la seule 
formation végétale. Il y a lieu de faire la distinction entre 
la steppe gazonnée de la zone de transition et la steppe 
proprement dite du sud, ainsi que la steppe déserte de 
certaines contrées de la Crimée et du Caucase. La zone 
des steppes compte en outre encore des formations de 
brousailles, des prairies caohéesi dans les forêts et des 
forêts proprement dites. 

Les graminées et les plantes herbacées jouent le rôle 
le plus important dans la végétation de la steppe her- 
beuse. Parmi les graminées, ce sont les différents gen- 
res de stipa et parmi les herbages les liliacées que l'on 
rencontre le plus fréquemment. Dans la région septen- 
trionale de la steppe, l'herbe est très épaisse et atteint 
une hauteur considérable, lors même que les temps où 
le cavalier disparaissait tout entier dans les herbes appar- 
tiennent au passé. Des mauvaises herbes de grandes di- 
mensions et des chardons ^ouriany, bodiaky) forment 



113 

des fourrés exubérants. Quant au printemps la jeune 
herbe fraîche commence à pousser et les plantes herba- 
cées à fleurir, transformant amsi la steppe en un magni- 
fique tapis de fleurs, quand tout brille dans rabondance 
de la vie et de la beauté, alors la steppe ukrainienne offre 
un coup d'œil ravissant. Mais cette image n'est pas de 
longue durée. La sécheresse et la chaleur transforment 
au mois d'août en jaune et brun le ton fondamental vert 
de ces grandes étendues. Les herbes et les plantes se fa- 
nent et se dessèchent, iseules les racines et les graines 
conservent la vigueur de la plante, pour survivre à la 
sécheresse automnale et à la rigueur hivernale afin de 
parer à nouveau aux printemps suivants la steppe de ses 
plus beaux atours. 

Dans la portion méridionale de la région des steppes, 
la couche végétale n'est pas aussi exubérante que dans 
le nord ; les herbes et les plantes croissent en faisceaux 
isolés laissant entr'eux le sol nu et apparent de la steppe. 
Les terrains salins avec la végétation gris^vert qu'ils en- 
gendrent apparaissent plus fréquemment ; souvent aussi 
on rencontre des surfaces sablonneuses qui rappellent 
déjà les steppes désertes des régions de la Mer Caspienne. 

Une formation végétale très caractéristique dans toute 
la région des steppes est celle des bocages (baîraki, tcha- 
hari) formés généralement par des fourrés entrelacés de 
cerisiers sauvages, de spîrées, de boules de neige, d'aman- 
diers, etc. recouvrant des espaces considérables. 

Les steppes de l'Ukraine ne sont pas complètement 
dépourvues d'arbres. Dans la zone des steppes authenti- 
ques nous les rencontrons il est vrai sous l'aspect de 
bandes de forêts s'étendant le long des rivières seule- 
ment ; mais dans la zone transitaire par contre, nous 
rencontrons aujourd'hui encore, quantité de forêt et de 

8 



114 

bocages qui surgissent non seulement dans les vallées, 
mais encore sur les plateaux bordés de rivières. Le 
chêne, le hêtre blanc, le platane, le peuplier, les 
pommiers et les poiriers sauvages sont les principaux re- 
présentants des essences que l'on rencontre dans ces fo- 
rets. Même le pin s'aventure jusque dans les environs de 
Kharkîv. 

Les rivières sont encore accompagnées des formations 
des soi-disant plavni. Ce sont des fourrés de roseaux et 
de joncs, entrecoupés de saules aquatiques et d'aulnes ; 
dans les endroits secs, c'est-à-dire ceux qui ne sont sub- 
mergés qu'à l'époque des hautes eaux, le chêne apparaît 
en plus grand nombre, parfois en formation de forêts. 
C'est avec une satisfaction profonde que l'œil du voya- 
geur fatigué par l'aspect uniforme de la steppe se repose 
avec réconfort en apercevant ces formations idylliques. 

Les savants ne sont pas d'accord quant à l'origine des 
steppes de l'Ukraine. Chacun d'eux veut avoir trouvé la 
seule explication plausible. En réalité, la formation et la 
conservation de la steppe doivent être ramenées à la colla- 
boration de plusieurs causes. Eln première ligne il y a 
lieu de tenir compte du climat continental sec de la con- 
trée. Les pluies sont trop rares, les autres formations hu- 
mides de même, la sécheresse de l'été et de l'automne 
est bien trop persistante pour laisser apparaître une 
flore sylvestre. 

La teneur saline du sol de la steppe n'a pas l'impor- 
tance que l'on essaye de lui donner, puisqu'elle n'appa- 
raît que par endroit. Les ondulations du sol par contre 
jouent un certain rôle. Là où le paysage est plat, où les 
vents secs de la steppe ont libre carrière, là où la. pluie 
ne peut dissoudre facilement et emporter le sel du ter- 
roir, nous rencontrons la steppe. Par contre, là où le 



115 

paysage est coupé par des vallées et des bcdkas, les vents 
sont moins intenses, il y a plus d*humidité et moins de 
sel dans les sol ; ces terrains sont plus favorables à la 
végétation arborescente. C'est la raison pour laquelle 
non seulement les vallées à rivière mais encore les bal- 
kas où l'eau ne coule que rarement, ont de tout temps 
été garnis de bosquets et même de foréta La !orét plan- 
tée prospère dans ces parages alors que dans la steppe 
proprement dite tous les efforts faits dans ce sens ont 
régulièrement échoué. Ce qui cependant dont nous éclai- 
rer sur l'origine de la steppe avec le plus de certitude, 
c'est le fait qu'elle appartient à l'époque glaciaire pos- 
térieure époque à laquelle la ste-ppe s'est formée. Le terri- 
toire est envahi par la forêt, depuis les d^uts de l'é- 
poque des alluvions. Elle avance petit à petit vers le sud 
et le sud-est se servant des vallées comme de lignes d'a- 
boutissement principales. Pendant cette avance, la forêt 
a été arrêtée dans sa marche, par l'homme, avant même 
qu'elle n'ait atteint les rives de la Mer-Noire et de la Mer 
d'Azov. 

L'homme a amené beaucoup de modifications dans 
la région des steppes. Il est intervenu le premier dans le 
combat entre la steppe et la forêt, et cela au désavantage 
de cette dernière. Les anciens Ukrainiens de Kiev ont dé- 
friché de nombreuses forêts pour les transformer en ter- 
res labourables. D'autre part et de mémoire d'homme 
les tribus nomades vivant dans les bois, ont anéanti des 
forêts entières par le feu afin de créer des pâturages pour 
leurs troupeaux, détruisant ainsi le meilleur moyen de 
protection de la population agricole. Dès le XVIe 
siècle commence le déboisement de la zone transitaire 
par le mouvement de colonisation des Ukrainiens, opéré 
sous la protection de l'organisation des Cosaques. Même 



116 

au XVIIIe siècle encore, il y avait de grandes forêts dans 
la zone tranisitaire. Elles ont pour ainsi dire complètement 
disparu aujourd'hui. Le mouvement de colonisation in- 
tense du XIXe siècle a parachevé l'œuvre. Par la même 
occasion l'homme intervenait également dans la forma- 
tion des steppes. Il n'y a aujourd'hui dans les steppes que 
peu de parcelles qui aient conservé leur aspect original. 
Les graminées ont fait place à une culture toujours plus 
intense des céréales et à la place de la steppe naturelle est 
apparue la steppe cultivée avec ses immenses champs de 
blé ondulants. Avec la destruction progressive des forêts 
cette steppe cultivée avance constamment vers le nord 
et vers l'occident favorisant en même temps la migration 
de la faune et de la flore des steppes, suivant le même 
chemin qu'elle, jusqu'en Europe centrale. 

La flore du versant méridional du Yaïla et du Cau- 
case occupe une place toute particulière dans l'Ukraine. 
Elle appartient déjà à la zone méditerranéenne. Le cli- 
mat modéré de la ré^on a produit une végétation d'un 
caractère méridional prononcé. L'on y rencontre beau- 
coup d'arbres et d'arbustes constamment feuillus et verts. 
Toutefois, l'on ne peut considérer cette végétation que 
comme im avant-poste de la végétation méditerranéenne 
authentique, car les représentants de la flore septentrio- 
nale dépassent en nombre celui des espèces méridiona- 
les, notamment dans les forêts qui se développent dans 
les endroits élevés. 

Outre les trois régions ou zones géographiques du 
règne végétal de la plaine dont il a été question, nous 
trouvons en Ukraine trois zones montagneuses : la zone 
des Carpathes, celle de la Crimée et celle du Caucase. 

Le pied des Carpathes est recouvert de forêts mixtes 
et feuillues. Elles sont constituées généralement par des 



117 

hêtres, des bouleaux, des tilleuls, des trembles et des pins. 
A l'origine, le chêne prédominait ce qui est le cas, du 
reste encore, sur le flanc méridional de cette chaîne de 
montagnes. Les étages les plus hauts du Beskyd inférieur 
et supérieur sont recouverts de forêts mixtes, composées 
de hêtres, de pins et de sapins. Vers la limite supérieure 
du Haut Beskyd on rencontre presque exclusivement le 
hêtre. Les arbres deviennent de plus en plus petits, 
noueux et rabougris et à l'altitude de 1000 m. nous ne 
rencontrons plus que des futaies et des broussaiUes de 
hêtres. Sur le flanc méridional de la montagne on ne voit 
que des forêts de hêtres. 

Dans les Gorgany, nous rencontrons déjà des zones fo- 
restières distinctes. Dans la zone inférieure surtout des fo- 
rêts de hêtres, entremêlés de sapins, de platanes, de pins ; 
la zone supérieure ne compte que des forêts de pins. 
Leur limite supérieure est à une altitude de 1500 — 1600 
m., mais les zekoty (mers de blocs) qui recouvrent tous 
les sommets et les crêtes refoulent par endroits la forêt. 

Dans les Tchomohory on observe une division sem- 
blable de la zone des forêts. Sur les deux versants le pied 
est recouvert de forêts de chêne avec des taillis épais. 
Au-dessus de la forêt de chêne se trouve la forêt mixte, 
composée surtout de hêtres (rouges et blancs) de bou- 
leaux, de frênes, de platanes, de sapins et de pins. Au-des- 
sus de 1300 m. se trouve la zone supérieure, composée 
exclusivement de pins. La zone supérieure est une alti- 
tude de 1700 m. Le climat modéré des Tchomohory offre 
une végétation plus riche et plus exubérante que les let- 
tres parties des Carpathes ukrainiennes. 

Dans la zone boisée des Carpathes nous rencontrons 
fréquemment encore des étendues de forêts vierges. Elles 
sont situées dans des endroits inaccessibles où la hache des 



118 

destructeurs professionnels de forêts n'a pas encore pu 
les atteindre. La forêt vierge des Carpathes est peut-être 
la plus bdle formation végétale de l'Ukraine. Des pins 
géants» atteignant jusqu'à 60 m. de hauteur et de très fort 
diamètre, élèvent leur pyramide élancée, vert-foncée, 
au-dessus des parois rocheuses et de chablis gigantesques 
où des entassements de troncs d'arbre pourissent en com- 
mun. Des broussailles épaisses garnissent les clairières 
tandis que dans une demi-obscurité perpétuelle le sol 
rocheux, tapissé d'aiguilles jaunies n'accuse que ça et là 
la présence de formations cryptogamiques. 

Une seconde formation typique des Carpathes est 
celle des arbustes alpins. Ils se développent au-dessus de 
la limite des forêts et recouvrent de grands espaces dans 
les Gorgany et les Tchomohory. Les pins rabougris 
(jerep) voisinent avec les genièvres (dans les Beskides et 
Gorgany) et les aulnes buissonnières (Idytch dans les 
Tchomohory) et forment par endroits des taillis infran- 
chissables. L'arbre, qui était précédemment très répandu, 
est devenu très rare, parce que son bois parfumé est 
employé de préférence pour la confection de certains 
objets en bois par les montagnards. 

La troisième formation végétale des Carpathes est celle 
des prés de montagne (polonyny). Ils apparaissent au- 
dessus de la limite des forêts dans la région des sources 
du Sian. Ils deviennent de plus en plus fréquents et 
gras vers le sud-^st. Les graminées et les plantes 
herbeuses des polonyny sont très variées et riches, sur- 
tout dans les zarynky, c'est-^-^lire les portions de prés 
de montagne servant à la préparation du foin. Ces po- 
lonyny ont une très grande importance pour les habi- 
tants de la montagne. De grands troupeaux de chevaux, 
de bêtes à cornes et de moutons y paissent tout l'été. Les 



119 

polônyny se peuplent et il s'y développe une vie dure, 
vie de privations, mais libre, dans les chalets primi- 
tifs autour de feux champêtres inextinguibles. 

Dans les montagnes de la Crimée nous rencontrons 
une disposition de zones végétales à peu près identique. 
Ici la zone forestière commence déjà à une faible alti- 
tude au-dessus du niveau de la mer. Le hêtre (blanc et 
rouge), le chêne et deux espèces de pins constituent la 
forêt. Seules les larges croupes des sommets sont recou- 
vertes de prairies de montagne, plutôt maigres, où croit 
un gazon épais, mais court. Le nom de ces prairies de 
montagnes, Yaïla, sert à désigner toute cette contrée 
montagneuse. 

Au Caucase, nous ne rencontrons dans le territoire 
ukrainien que la zone forestière de ces montagnes. Les 
forêts vont jusqu'à l'altitude de 2500 m. et se composent 
de différentes espèces de chênes, de hêtres, d'ormes, de 
tilleuls, de platanes et de frênes. Au-dessus de la limite 
des forêts apparaît une formation de bocages de petite 
venue ainsi que les belles prairies de montagne du Cau- 
case où pousse un gazon magnifique et qui, à 2900 et 
3500 m., atteignent la limites des neiges. 

Les conditions géographiques de la faune en Ukraine 
spntbeaucouppliis simples que celles de la flore. L'Ukraine, 
comme le reste de l'Europe, appartient à la région arcti- 
que et malgré la grande étendue de son territoire on ne 
constate que de légères différences dans la faune, liées 
aux différences morphologiques et de géographie végétale 
des montagnes, des forêts et des steppes. 

Depuis l'époque glaciaire la faune de l'Ukraine a subi 
des modifications non moindres que sa flore. A l'épo- 
que glaciaire, des bêtes sauvages puissantes (l'ours, le 
lion, l'hyène des cavernes) ainsi que des pachydermes (le 



120 

mammouth» le rhinocéros) de même que les ancêtres de 
la faune actuelle ont vécu en Ukraine, Tous ces animaux 
se sont éteints, ou bien, ils se sont dirigés vers le nord 
devant le retrait des glaces internes. Dès la période gla- 
ciaire postérieure il s'est répandu venant du sud et de 
Test, une faune des steppes qui dut petit à petit céder en 
partie le pas à celle des forêts, progressant vers le sud 
avec les forêts dles^mêmes. 

Dès cette date, la faune de l'Ukraine n'eut à subir que 
de minimes modifications naturelles; celles apportées 
par la main des hommes, par contre furent plus profon- 
des. L'homme est parvenu à exterminer complètement 
ou à réduire dans une forte proportion maintes espèces 
d'animaux sauvages qui représentaient pour lui, soit un 
danger, soit un fournisseur de chair ou de fourrures. En 
détruisant les forêts et en mettant à leur place la steppe, 
cultivée de ses champs, l'homme a fréquemment frayé 
le chemin du cœur de l'Europe centrale à maint repré- 
sentant de la faune des steppes. Mais son activité a été 
plutôt destructrice que transforniatrice et par suite il a 
anéanti la faune merveilleuse de l'Ukraine. 

Une source historique du milieu du XVIe siècle cite 
des faits presque incroyables se rapportant à la vie ani- 
male supérieure de l'Ukraine sur le Dnipr moyen et Iç 
Bas Dnipr : «L'Ukraine est si riche en gibier, que les bi- 
sons, les chevaux sauvages, les cerfs, ne sont chassés que 
pour leur peaux. On ne consommie de leur chair que les 
plus beaux et les plus succulents morceaux, tels que les 
cimiers, les aloyaux, tandis que le reste est jeté. Les bi- 
ches et les sangliers mâles ne sont pas chassés du tout. 
Les chevreuils et les sangliers quittent la steppe en 
grands troupeaux en hiver, pour se réfugier dans les fo- 
rêts d'où ils reviennent en été ; à cette occasion on les 



121 

tire par milliers. Les rivières, les ruisseaux sont peuplés 
de colonies de castors* Le.^ier à plume est si merveil- 
leusement fondant et riche qu'au printemps on peut 
recueillir des quantités énormes d'œufs de canards, 
d'oies, de grues et de cygnes, ainsi que des petits fraîche- 
ment éclos. Les rivières au printemps contiennent de si 
grandes quantités de poissons, de toutes sortes, que la 
fouance qu'on y jette reste plantée debout.» 



Aujourd'hui, on ne voit plus grand'chose de l'an- 
cienne abondance d'animaux sauvages en Ukraine. Le 
gros gibier est à peu près aussi rare aujourd'hui en 
Ukraine qu'en Europe centrale, peut-être même plus rare 
encore, étant donné que la mise en défense rationnelle 
du gibier ne se pratique que fort rarement en Ukraine. 

Les représentants de la race féline, comme le lynx 
et le chat sauvage, sont devenus très rares et ne se ren- 
contrent plus guère que dans les Carpathes et au Cau- 
case. L'ours, précédemment très répandu en Ukraine, est 
rélégué également dans les deux régions ci-dessus. Les 
loups, les renards, les tassons, les putois, les martres et 
toute une quantité de petits quadrupèdes, par contre, se 
sont conservés quoiqu'en quantités restreintes. Parmi les 
gros ruminants, le bison s'est maintenu dans la forêt 
vierge de Biloveja (grâce aux mesures de protection ex- 
traordinaires du gouvernement), l'élan dans le territoire 
de Polissie, le cerf dans les Carpathes et dans le Caucase. 
Par contre le chevreuil et le sanglier peuplent encore un 
grand nombre de forêts. Parmi les rongeurs, le lièvre 
est encore généralement répandu. Le castor qui précé- 
demment peuplait presque tous les cours d'eau est ac- 
tuellement relégué dans les marais les plus inaccessibles 
de Polissie et sur les cours d'eau, affluents du Kouban, 



122 

dans le Caucase. Le gibier à plumes a aussi considérable- 
ment diminué, en nombre d'individus comme en espèces. 
Les grands oiseaux de proie, comme les aigles et les fau- 
cons ne gîtent plus guère que dans les Carpathes et le ^ 
Caucase. Dans la plaine, le coq de bruyère et la gelinotte 
recherchent les fourrés les plus inacessibles ; même les 
insectivores et les granivores ont considérablement di- 
minué de nombre. Les oiseaux aquatiques, tels que ca- 
nards et oies sauvages, poules d'eau, plongeurs, sont en- 
core assez répandus. Les grues et les hérons sont devenus 
très rares. L'ancienne richesse en poissons de toute es- 
pèce a été abîmée et personne ne soutient la pisculture. 
On pêche, il est vrai, encore beaucoup dans le Dnipr et 
le Don principalement des brochets, des tanches, des car- 
pes et des corassins, des silures, etc. et dans les rivières 
de montagne des truites, mais il ne peut être question de 
surabondance comme tel était le cas encore dans un 
passé encore relativement proche. Les esturgeons, les ster- 
lets, les grands esturgeons et d'autres poissons de mer 
qui naguère remontaient en grand nombre le cours du 
Dnistr, du Bouh et du Dnipr sont aujourd'hui presque 
introuvables. 

Dans les territoires des steppes de l'Ukraine l'abon- 
dance en animaux sauvages a diminué encore davan- 
tage: Remarquons tout d'abord qui les animaux supé- 
rieurs de la zone transîtaîre, qui au XVIIIe siècle cons- 
tituaient la principale nourriture pour la populeuse Sitch 
de Zaporoh, ont complètement disparu. Les chevaux 
sauvages qui au XVIIe siècle encore peuplaient les step- 
pes en troupeaux considérables sont aujourd'hui com- 
plètement exterminés. Les antilopes (Saïhaky) ci-devant 
très répandues dans toute la région des steppes de l'U- 
kraine se sont retirées dans la steppe Caspienne. Le pe- 



123 

tit gibier à poil et à plume a beaucoup moins souffert» 
mais l'activité de l'homme qui a transformé la steppe en 
champs cultivés et en pâturages lui a aussi été funeste. 
Les outardes» les bécasseaux, les perdrix, les gelinottes 
qui peuplaient autrefois les broussailles de la steppe sont 
devenus rares. On peut en dire autant des oiseaux aqua- 
tiques et de marécage, qui ci-devant animaient le pay- 
sage flu>dal en vols considérables. Les insectivores ont 
également été décimés, aussi les insectes nuisibles se mul- 
tiplient-ils dans une proportion inquiétante. Seule la 
plaie des sauterelles qui jadis faisait un tort immense 
à l'agriculture a pour ainsi dire complètement cessé 
d'exister. 

Malgré la guerre d'extermination entreprise par 
l'homme contre la vie animale de la steppe ukrainienne, 
il s'est cependant trouvé des espèces qui ont su s'accom- 
moder aux nouvelles circonstances et trouver leur nour- 
riture dans la steppe cultivée de ses champs (souris cham- 
pêtres, hamsters, sousliks). Elles se sont multipliées et 
ont émigré vers l'ocddent, et vers le nord en occasion- 
nant de gros dommages à l'agriculture. 

Par rapport à son sol et à son climat, l'Ukraine est le 
plus riche pays en céréales de l'Europe. Le froment 
trouve en Ukraine les conditions de développement les 
plus favorables, surtout dans la partie méridionale de la 
région de la terre noire. On cultive le seigle plutôt dans 
le nord et le nord-ouest, l'orge partout, mais sur une 
grande échelle uniquement dans le midi, l'avoine dans le 
nord et dans les Carpathes où elle sert fréquemment à 
faire le pain. Le blé sarrasin est répandu surtout à la 
limite septentrionale de la région de la terre noire ; le 
millet prospère dans tout le territoire du Tchomosem. 



124 

Le maïs ne se cultive en grand que dans la partie sud- 
ouest du pays de même que dans le Caucase. 

Les légumineuses les plus importantes sont représen- 
tées par les pois et les haricots que l'on cultive non seu- 
lement dans les jardins» maisi encore en plein champ. 
Parmi les tubercules, la pomme de terre n'est générale- 
ment répandue que dans la partie occidentale de l'U- 
kraine ; dans le reste du pays elle ne prend que lente- 
ment de l'extension. Les betteraves à sucre sont cultir 
vées sur les plateaux de la Volhynie, de la Podolîe, et 
du Dnipr, comme aussi dans la plaine de ce dernier 
fleuve. La culture des légumes comprend toutes les es- 
pèces de l'Europe centrale, mais n'est pas excessivement 
développée. Par contre, on cultive dans des planta- 
tions spéciales les melons, les concombres (sur- 
tout dans le midi). Le chanvre, le lin, le colza, le coume- 
sol sont généralement répandus. Le pavot ne croît pas 
seulement dans les jardins, mais aussi en plein champ. 
La culture du tabac enfin est assez considérable surtout 
dans la plaine du Dnipr. 

Grâce aux étés et aux automnes chauds, le climat de 
l'Ukraine convient tout particulièrement à la culture des 
fruits. Le jardin fruitier est une nécessité pour l'Ukrai- 
nien qui le plante et l'entretient même dans les circons- 
tances les plus difficiles. L'arboriculture est surtout dé- 
veloppée en Pokoutie, en Podolie (dans la vallée du 
Dnistr où des espèces de pommes et de poires très déli- 
cates ainsi que des abricots réussissent à merveille) en 
Bessarabie, en Crimée et dans le Caucase où viennent 
se joindre les pêches et la vigne. La limite nord de la 
vigne suit la ligne du Dnistr, par Kamianez et Katerynos- 
lav vers le coude du Don. Les régions principales de la 
vigne se trouvent en Bessarabie, en Crimée et dans le 



125 

Caucase, lors même que la Podolie méridionale et la val- 
lée du Dnipr ne sont pas dépourvues de vignes. 

Les animaux domestiques de l'Ukraine sont les mê- 
mes qu'en Europe centrale, sauf dans le midi, où vien- 
nent s'ajouter le buffle et le chameau. Le bétail à cornes 
appartient en majeure partie à la race ukrainienne qui 
se distingue par la couleur grise de ses sujets qiii de plus 
sont de forte taille, osseux et fortement membres. Cette 
race, très bonne laitière, se prête très bien au tra- 
vail. A la limite sud-ouest, on rencontre également la 
race hongroise à grosses cornes. Les races de prix 
de Hollande, du Tyrol et de la Suisse commen- 
cent à se propager. Les chevaux de l'Ukraine appartien- 
nent à plusieurs races croisées. Les plus beaux chevaux 
ukrainiens sont ceux qu'élevaient les cosaques de Zapo- 
roh ; ils sont de taille moyenne, très forts, agiles, très en- 
durants et peuvent être employés à tous les travaux. 

La variété tchornomorique de cette race est élevée 
actuellement par les cosaques du Kouban ; elle est ap- 
préciée pour ses excellentes qualités* dans toute l'Europe 
orientale. La race houtzoulique des chevaux de montagne 
a aussi de rimportance ; ses représentants sont de petite 
taille, mais très robustes et des mieux qualifiés pour les 
chemins de montagne. Les chevaux de paysans de Gali- 
cie, de Volhynie, etc., quoique sans apparence, se prê- 
tent particulièrement bien au travail dans les chemins 
en fondrières du pays. 

Les ânes et les mulets sont très rares en Ukraine. De 
même les chèvres qu'on n'élève presque pas. Par con- 
tre, on peut dire que l'Ukraine est le pays d'Europe le 
plus riche en moutons. On n'y élève non seulement le 
mouton indigène (la race des Rechetylivka est très avan- 
tageusement connue), mais aussi des moutons mérinos 



126 

étrangers, surtout dans la steppe. L'élevage du porc est 
très développé. Dans l'Ukraine occidentale, on trouve le 
porc polonais, dans l'Ukraine orientale, le porc russe à 
courtes oreilles et dans le midi les porcs méridionaux 
à soies frisées. L'Ukraine est le pays le plus riche de l'Eu- 
rope en volailles. L'apiculture également est des 
plus importantes, surtout dans la plaine du Dnipr. 
Par contre, l'élevage du ver à soie n'est pas très déve- 
loppé, lors même que le territoire entier de l'Ukraine 
offre les conditions climatériques les plus favorables pour 
la culture du mûrier. 



Agriculture. 



Depuis les temps les plus reculés de l'histoire de 
l'Ukraine, l'agriculture a constitué la principale occupa- 
tion de ses habitants et l'est demeurée jusqu'à ce jour. 

n n'est pas possible de donner un aperçu complet de 
l'agriculture ukrainienne pouvant trouver place dans le 
cadre restreint de la présente brochure. Pas même une 
étude économique détaillée ne saurait répondre au but. 
Nous devons en conséquence nous borner à quelques 
points essentiels. 

Les neuf dixièmes, à peu près, de la population ukrai- 
nienne s'occupent de la culture des terres. Dans l'Ukraine 
russe la proportion d'Ukrainiens s'adonnant aux travaux 
des champs est de 86,4 %. Cette proportion est valable 
aussi pour l'Ukraine autrichienne où le chiffre est de 
94,4 %. Les chiffres donnent un aperçu très net du rôle 
important que joue l'agriculture dans la vie économique 
de l'Ukraine. En les voyant, celui qui connaît peu la 
fertilité de l'Ukraine pourrait facilement être porté à en 
déduire que l'agriculture, ici, a atteint un degré supérieur. 
Rien n'est plus faux. L'agriculture, en Ukraine, est au 
contraire .médiocrement développée. 

Les causes de ce regrettable état de choses ne doivent 
pas être recherchées dans la nature du pays. Le climat 
de l'Ukraine favorise la culture des céréales comme au- 
cun autre. Une minime partie à peine de la zone des 
steppes est défavorable à l'agriculture par suite des 
fréquentes sécheresses qui y régnent. Le sol de l'Ukraine 
est un des plus fertiles du monde. Plus des trois quarts 
de l'Ukraine sont compris dans le territoire de la terre 



128 

noire (humus) et de nombreux terrains de la portion 
nord-ouest de l'Ukraine ne sont pas sans valeur. Les cau- 
ses de l'inf ériorité de Tagriculture ukrainienne ne doivent 
pas être recherchées dans la nature, mais uniquement 
dans les conditions culturelles de ce pays. 

La première et la plus importante des causes est l'i- 
gnorance dans laquelle le peuple de l'Ukraine est plongé. 
Le paysan ukrainien cultive des terres, aujourd'hui, à la 
façon de ses ancêtres. Il y a cent ans cette manière 
était la bonne et faisait de l'Ukrainien le meilleur 
agriculteur parmi les peuples voisins, mais aujourd'hui, 
à l'époque des exploitations rurales intenses, elle ne ré- 
pond plus au but. L'analphabétisme du paysan ukrainien 
le prive en grande partie de la possibilité de suivre les 
grands progrès des sciences agronomiques. Les moyens 
de culture démodés, l'outillage primitif dont il dispose 
gaspillent ses forces actives et celles de son inventaire 
vivant. L'emploi de machines agricoles, qui pourrait être 
d'une importance capitale, même pour les petites exploi- 
tations est pour ainsi dire inconnu en Ukraine. Les amé- 
liorations progressives du sol et l'alternance rationnelle 
des cultures sont très peu usitées, et toutes les tentati- 
ves d'éclairer le peuple agricole ukrainien sont géné- 
ralement entravées par les nations qui les dominent, la 
Pologne et la Russie. 

C'est dans les marches occidentales de l'Ukraine, en 
Podlachie, dans le pays de Kholm et en Galicie, que l'a- 
griculture est relativement la plus développée. 

Là, le terrain moins fertile a de tout temps réclamé 
une exploitation plus intense. D'autre part, les influences 
des exploitations modernes s'infiltrèrent plus rapidement 
dans ces contrées, soit indirectement à travers le terri- 
toire polonais, soit directement sous l'influence des colo- 



129 

nies allemandes. Les paysans ukrainiens en Galicie étant 
plus éclairés, il s'en suit qu'ils ont graduellement intro- 
duit raltemanoe des cultures et le fumage rationnel des 
terres et qu'ils disposent d'un matériel aratoire assez 
satisfaisant. La culture à trois assolements a presque 
complètement disparu et ne se pratique plus guère que 
dans les portions les plus fertiles de la Podolie. Dans la 
montagne, par contre, on pratique encore fréquemment 
l'essartage par le feu suivi immédiatement de l'exploita- 
tion rurale. Dans le territoire de Polissie, on procède 
également encore à l'essartage par le feu, mais plus fré- 
quemment encore à la culture à deux et trois assole- 
ments. On procède du reste sur lia même base dans 
la partie septentrionale de la VoUiynie, de Kiev, de Tcher*- 
nyhiv ; dans la partie méridionale de ces territoires, c'est 
le système des trois assolements qui domine, de même 
qu'en Podolie, Poltava, Kbarkiv. Ce ne sont en général 
que les petites parcelles de terre près des habitations qui 
reçoivent de l'engrais. Ici aussi on constate un progrès 
sensible vers le système de culture à plusieurs assole- 
ments et vers l'alternance rationnelle. Dans la zone des 
steppes par contre, l'exploitation est plus n^Ugéé ; le 
système de la friche prédomine ici. On cultive le sol pen- 
dant quelques années puis on le laisse en friche pendant 
un temps de même durée. 

Dans ces dernières années, les paysans des steppes 
ont été placés dans la dure nécessité de s'accomoder aux 
méthodes nouvelles de la culture intense. 

Les instruments aratoires ont, eux aussi, subi des 
transformations. La charrue primitive à soc de bois sans 
ferrure n'a été maintenue que dans quelques contrées, 
dans le territoire de Polissie et dans les monts des Car- 
pathes, plutôt comme souvenir à la mémoire des an- 

9 



130 

t 

cêtres que comme instrument de culture. Dans toute la 
zone moyenne, on fait usage de la charrue ukrainienne 
typique, à soc de bois muni de robustes ferrures. Les 
charrues en fer se propagent aussi très rapidement. Le 
paysan de la zone méridionale des steppes possède, sans 
contredit, le meilleur outillage. Les charrues en fer, de 
plusieurs systèmes, à Tinstar de celles des colons alle- 
mands, sont fréquemment employées et les grands pay- 
sans ainsi que les syndicats agricoles possèdent des ma- 
chines à ensemencer, des machines à récolter, des bat- 
teuses mécaniques, etc. 

On voit par ce qui précède qu'il y a pourtant un l^r 
progrès à constater dans ragriculture de l'Ukraine. Les 
paysans russes et ceux de la Blancb&iRuthénie sont bien 
plus mal logés ; il manque néanmoins encore beaucoup 
au paysan ukrainien pour atteindre le niveau auquel est 
parvenu le grand propriétaire foncier de l'Ukraine. 
Divers syndicats agricoles créés sur une base coopé- 
rative sont à l'œuvre pour chercher à relever la 
situation de l'agriculture chez les paysans ukrai- 
niens. L'une de ces sociétés coopératives agricoles, la 
«Silsky Hospodar» par exemple compte 90 succursales, 
1100 groupes locaux et 27,000 membres. Ces syndicats 
seraient de la plus grande importance pour le développe- 
ment de l'agriculture de l'Ukraine, cet antique grenier de 
l'Europe, si leur développement n'était par contrarié,, 
notamment par l'ancien gouvernement russe. 

La seconde cause de la triste situation dans lequeUe 
se trouve l'agriculture ukrainienne réside dans les 
conditions désastreuses de la propriété. Les conquérants 
étrangers qui de tout temps furent attirés par la richesse 
du sol de l'Ukraine, ont, après avoir pris possession du 
pays, réparti la propriété fon<dère entre leurs représen- 



131 

tants supérieurs. Ces conquérants on su dénationaliser 
la noblesse ukrainienne ; ils ont même réussi à former 
une classe nouvelle de grains propriétaires fonciers issus 
des cosaques républicains. La domination étrangère en 
Ukraine a de tout temps et Jusqu'à ce jour soutenu la 
grande propriété foncière étrangère, et le paysan ukrai- 
nien est obligé de se contenter de petites parcelles de 
terrain médiocre, très éloignées les unes des autres. 

Voici du reste quelques chiffres à l'appui : dans la 
partie ukrainienne de la Galicie, la grande propreté re- 
présente le 40,3 % de lia superficie totale. Dans les 
gouvernement de Tchemyihiv, Poltava, Kharkiv, les taux 
de la propriété des paysans sont encore assez élevés 
(53 %, 52 %, 59 %) du fait que la propriété des descen- 
dants des anciens cosaques a été comptée. Dans d'autres 
territoires de l'Ukraine la situation est bien plus dés- 
avantageuse. En Volhynie la propriété rurale du paysan 
représente à peine le 40 % de la superficie, en Podolie le 
48 %, à Riev le 46 %, à Kherson le 37 %, à Katerinoslav 
le 45 %, en Tauride le 37 % ; dans le gouvernement de 
Minsk, les paysans ne possèdent même que le 28 % des 
terres. 

Les conséquences de ces conditions de propriété mal- 
saines sont tout à fait désastreuses pour la population ru- 
rale dont la densité va constamment en croissant La 
pénurie rurale est devenue chronique en Ukraine. Le 
morcellement des grandes propriétés, qui avait si bien 
débuté, en Galicie, il y a un certain nonabre d'années, a 
été arrêté, et les réformes agraires à grande envergure 
de Stolypine en Ukraine, n'ont eu à enregistrer jusqu'à 
ce jour que de faibles succès. L'état de la propriété di- 
minue, il est vrai, chez les propriétaires fonciers moyens, 
mais les grands propriétaires fonciers non seulement ne 



132 

perdent rien en étendue, mais au contraire agrandissent 
légèrement! leurs propriétés. 

Ensuite de la pénurie croissante du sol, les paysans 
ukrainiens morcellent constamment leur propriété, cher- 
chent de plus en plus à louer des terres de grands pro- 
prétaîres, et à se créer des revenus accessoires dans l'in- 
dustrie domestique, tandis qu'une assez forte proportion 
se voit obligée de quitter le pays pour se créer une nou- 
velle existenjce ailleurs, au Caucase, au Turkestan, en 
Sibérie, au Canada, au Brésil, en Argentine, etc. Cette 
triste constatation ne doit pas nous surprendre, car si les 
colons étrangers qui ont été installés en Ukraine méri- 
dionale par Catherine II ont reçu chacun 65 ha. de ter- 
rain, le paysan unkrainien ne recevait, après la suppres- 
sion du servage en 1861, que 3 ^/j ha. au maximum, dans 
bien des cas 1 V2 ha. seulement par tête. Dans l'espace 
d'un demi-siècle la population rurale a doublé, tandis 
que les superficies exploitables ne se sont guère modi- 
fiées. Il en résulte, qu'il y a vii^ ans déjà le gouverne- 
ment de Poltava comptait plus de 60 % des exploitations 
de paysans dont la superficie ne dépassait pas 1,3 de- 
ciatines ; 4 % tout au plus accusaient 5 deciatines. Com-^ 
ment peut-on parler d'une exploitation rationnelle dans 
des conditions de propriété aussi lamentables? Quelles 
sont les conséquences d'un tel état de choses ? 62 % des 
émigrants, qui en 1910 sont allés se réfugier dans la Rus- 
sie asiatique venaient de l'Ukraine, de ce «grenier» 
de la Russie, non seulement des territoires à population 
dense de Kiev et Poltava, mais aussi de ceux beaucoup 
moins populeux, mais très fertiles de Kherson, de Ka- 
terinoslav et de la Tauride. 

Une troisième cause du triste état dans lequel se 
trouve l'agriculture ukrainienne provient de l'application 



133 

du système des propriétés foncières communales. Ce sys- 
tème pratiqué partout en Russie, repose sur le 
fait que les terres n'appartiennent pas aux paysans, 
mais à la commune qui les répartit entre ses ressortis- 
sants. Ce genre de propriété moscovite est insupportable 
pour le paysan ukrainien et a pour conséquence de lui 
faire négliger son champ qui ne lui appartient pas en 
propre. On n'a pas d'avantage à cultiver son champ 
mieux que le voisin, car lors de la prochaine répartition, 
la pièce de terre soigneusement améliorée peut être attri- 
buée à un autre. En outre, l'exportation du blé est très 
mal organisée par suite de l'insuffisance du réseau de 
chemins de fer et l'absence de dépôts à élévateurs pour 
le blé. 

Or, si dans ces conditions défavorables la production 
agricole de l'Ukraine et son exportation en vivres sont 
néanmoins considérables, cela tient eh première ligne à 
la fertilité de son sol et à la politique économique des 
grands propriétairels fonciers qui expédient les produits 
du sol au delà des frontières, alors même que parfois la 
faim se fait sentir dans le pays. 

Nous faisons suivre ces réflexions générales d*un 
aperçu de l'agriculture de l'Ukraine suivi de quelques ta- 
bleaux statistiques tirés des compte-rendus publiés parle 
comité de ravitaillement à Kiev. 

Aucun des territoires de l'Europe (sauf la Russie) ne 
dispose comme l'Ukraine d'une aussi grande superficie 
cultivable. Elle est à peu près de 45 millions d'hectares, 
c'est-à-dire approximativement 32 % de la surface cul- 
tivable de la Russie d'Europe qui est 6 fois plus grande. 
Les terres labourables en Ukraine représentent environ 
53 % de la superficie totale du pays ; cette proportion 
n'est dépassée qu'en France (56 %). En Allemagne cette 



134 

proportion n'est quç de 48,6 % , en Autriche de 36,8 % , en 
Hongrie de 43,1 % et en Russie 26,2 % . La même propor- 
tion diffère du reste complètement d'une partie de TU- 
kraine à l'autre. Ce sont les territoires des steppes qui 
possèdent le plus le terrain cultiYaUe : Kherson == 78 % , 
Polta va = 75 % , Kour sk = 74 X , Kharkiv — 71 % , Vo- 
ronije et Katerinoslav chacun 69 %, Podolie et la Tau- 
ride — chacun 64 % . 

Les données statistiques ci-dessous tirées des compte- 
rendus publiés par le comité de ravitaillement à Kiev 
se rapportent à la production, la consommation et l'ex- 
portation des 6 produits principaux cultivés en Ukraine : 
seigle, froment, oiige, avoine, millet et blé de sarrasin. 

PRODUCTION 

Le tableau ci-dessous permet de comparer la surface 
de six cultures principales (seigle, froment, orge, avoine, 
millet et blé de sarrasin avec le total de la superficie en- 
semencée dans chaque gouvernement : 

Total de la surface 6 cultures */< 

ensemencée principales de la si 

rmUliers de déclat) (mill.déciat) totale 

Kiev 2016.7 1663.0 81.9 

TcherayhÎT ..... 1477.3 1173.7 79.5 

Poltava 2306.2 2031^ 88.1 

Volhynie 978.7 960.0 97.1 

Podolie 1767.1 1353.5 76*6 

Kharkiv 2070.0 1773.8 86.7 

Katerinoslav 2969.7 2648.9 86.1 

Kherson 3611.7 3294^ 91.2 

Tauride 2776.9 2666.6 92.4 

Total 19,963.3 17,346.1 86.Ô 

^ il 

De cette façon la culture des 6 produits principaux 
constitue le 86,9 % du total de la superficie ensemencée, 
tandis que les autres cultures n'occupent que 13,1 % et la 
proportion varie de 2,9 (Volhynie) à 20,6 % (Tchemyhiv). 



Gouvemement ensemencée principales de la surface 

mill-déc 



135 



Ces données démontrent la place importante que les 
6 cultures principales tiennent en Ukraine. D'après le 
nombre de déciatines qu'elles occupent on peut classer 
les gouvernements de la façon que voici ; 



1. Gouvernement de Kherson 



2. 


> 


> Tauride . 


3. 


> 


> Katerinoslay 


4. 


> 


» Poltava 


5. 


> 


> Kharkiv . 


6. 


> 


> Kiev . . 


7. 


> 


> Podolie 


8. 


> 


> Tchemyhiv 


9. 


> 


> Volhynie . 



3294.8 miUierg de déciat. 



2565.6 


> 


V»V/ VU, 

> 


2548.9 


> 


> 


2031.8 


> 


> 


1773.8 


> 


> 


1653.1 


> 


> 


1353.5 


> 


, > 


1173.7 


> 


> 


950.0 


> 


. > 



Total 17,345.2 milliers de déciat 

D'après les différentes cultures la superficie ense- 
mencée est classée comme le montre le tableau ci-des- 
sous : 

Dao» les 9 grouvemements 

. . . 3783.3 milliers de déciat. ou 21.8 Vo 

. . . 5754 > > > 33.270 

. . . 2062.4 > > > 11.970 

. . . 4492.5 > > > 25.970 

... 490 > > > 2.8 7o 

. . . 763 > > > 4.4 7o 

Total 



1. Seigle . . . 

2. Froment . . 

3. Avoine . . . 

4. Orge .... 

5. Millet . . . 

6. Blé de sarrasin 



17,345.2 miniers de déciat. ou 100.0 7o 

La comparaison de la superficie ensemencée de seigle 
et de froment par gouvernement donne le tableau ci- 
dessous : 

Gouvernement 

1. Kiev 

2. Tchemyhiv 

3. Poltova 

4. Volhynie 

5. Podolie 

6. Baiarkiv 

7. Katerinoslav 

8. Kherson 

9. Tauride 

Total 



Superficie ensemencée en */• 
Seiffle Froment 


55.2 


44.8 


95.1 


4.9 


48.6 


51.4 


67.9 


32.1 


42.9 


57.1 


37 


63 


24.3 


75.7 


31.4 


68.6 


14.3 


85.7 


39.7 


60.3 



136 

Ce tableau montre que la culture du froment est sur- 
tout peu répandue dans le gouvernement de Tchemyhiv 
où la superficie ensemencée de froment ne constitue que 
les 4,9%, tandis que la culture dusiei^e occupe les 95,1%. 

La culture du seigle est peu développée en Tauride, sur 
14,3 % de seigle — 85,7 % de froment, 

La superficie ensemencée de seigle et de froment cons- 
titue 55 % du total de la superficie ensemencée dans les 
9 gouvernements, dont le seigle constitue 22 % et le fro- 
ment 33 %. 

Le froment de printemps constitue 40 % surtout dans 
les gouvernements suivants : Poltava — 370 milliers déc, 
Kharkiv — 557 m, dec, Katerinoslav — 806 m. dec. et 
Kherson — 407 m. déc. La culture du seigle de printemps 
est très peu développée — 51,053 déc. dans les 9 
gouvernements. La culture d'orge et d'avoine comprençl 
6,554,982 de déciatines, plus de 37% du total de la surface 
ensemencée des 6 blés principaux, dont la surface ense- 
mencée d'orge s'élève à 70 %, celle d'avoine seulement à 
30%. La culture d'orge est surtout répandue dans les 
gouvernements de Kherson, Katerinoslav, et Tauride, où 
elle comprend 3310 milliers de déciatines ou 74% du total 
de la surface ensemencée d'orge dans les 9 gouverne- 
ments. 

La culture d'avoine est répartie d'une façon assez 
régulière, le gouvernement de Kiev ayant le maximum 
de surface ensemencée — 352,000 déc, et celui 
de Katerinoslav : — le minimum — 109,0 milliers déc. 
Le tableau ci-dessous donne en chiffres les surfaces de 
chacune des 6 cultures principales. 






137 



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138 

n faut ajouter ici que du chiffre total de 17,345.2 mil- 
liers de déciatines» 14»396,3 milliers de déciatines ou 83% 
appartiennent aux petites propriétés des paysans et 17% 
seulement aux grands propriétaires fonciers. 

Superficie en milliers de déciatines 

Gouvernemeate ^l^^^ï^'" 

KieT 1279.7 

Tchernyhiv 1111.5 

Poltava 1697.2 

Volhynie 803.8 

Podolie 965.5 

Kharkiv . 1560.9 

Katerinosiav 2165.6 

Kherson. 2613.0 

Tauride ... . . . . . 2119.1 



grrandes 
propriétés 


Total 


373.4 


1653.1 


62.2 


1173.7 


334.5 


2031.7 


146.2 


950.0 


387.9 


1353.4 


212.9 


1773.8 


383.4 


2549.0 


681.9 


3294.9 


366.5 


2565.6 



Total 14,396.3 2948.9 17,345.2 



La culture des six produits principaux dans les petites 
propriétés des paysans d'après leurs surfaces dans les 9 
gouvernements se répartit de la façon suivante : 

1. Froment 4534.1 mill. de dec. 32 7o 

2. Orge 3905.0 > > 27 «/• 

3. Seigie 3389.6 > > 24 7a 

4. Avoine 1463.2 > > 107o 

5. Blé de sarrasin 710.9 > > 5 7o 

6. Millet 393.5 > > 27o 

Total 14,396.3 miU. de dec. 100 7o 

La culture du froment d'automne constitue presque 
50 % du total de cette culture. Le seigle est en majeure 
partie semé en automne. 

Moyenne de la récolte totale. 

La moyenne de la récolte de six cultures principales 
pendant la période de 1909—1913 donne en gros les chif- 
fres que voici : 



139 



1. Kiev 


128,138.8 mUl. de ponds 


2. Poltava 


140.502.3 


> > 


3. Tchemyhiv 


55,350.3 


> » 


4. Volhynie 


97,308.9 


> > 


5. Podoiîe 


108,852.1 


> > 


6. Kharkiv 


124,451.3 


> > 


7. Katerinosiav 


174,790.6 


> > 


8. Kherson 


179,326.3 


> > 


9. Tauride . 


123,066.9 


> > 


Total 


1,131,776.5 miU. de pouds 



ce qui constitue par rapport au total de la récolte des six 
cultures principales dans les 9 gouvernements pour cha- 
que gouvernement: 

1. Kherson 16.9 7o 

2. Katerinosiav 16.4 •/© 

3. Poltava 12.4 7o 

4. Kiev 11.3 7o 

6. Kharkiv . . , 11.0 7o 

6. Tauride 10.9 7# 

7. Podolie 9.6 7« 

8. Volhynie 8.6 7o 

9. Tehernyhiv .... 4.9 7o 

D'après les 6 cultures principales le total de la récolte 
en gros dans les 9 gouvernements peut être classé de la fa- 
çon que montrent les tableaux ci-dessous : 

1. Seigle et froment 662,184.8 mill. de pouds ou 58 7* 

2. Avoine et orge 419,146.4 > > > 37 7« 

3. Millet et sarrasin ..... 60,445.3 > > > 57o 

Total 1,131,7760^ mUl. de pouds ou 100 7o 

D'après les différents gouvernements, on obtient, en 
milliers de pouds, les chiffres suivants : 

Kiev Poltava 

. . . 71,201.6 84,371.1 

. . . 41,178.3 43,896.1 

. . . 16,758.9 12,246.1 



1. Seigle et froment 

2. Avoine et orge . 

3. Millet et sarrasin 



Tchemyhiv 
31,276.3 
15,937.4 
8136.6 



Total 128,138.8 



140,602.3 



65,360.3 



140 





. 


VoUiynie 


Podolie 


Kharkiv 


1. 


Seigle et froment 


. . . 64,306.5 


66.354.3 


73,110.9 


2. 


Avoine et orge . 


. . . 34,891.2 


37,590.9 


44,5ia0 


3. 


Millet et sarrasin. 


, . . 8111.2 


4906.9 


6822.4 




Total 97,308.9 


108,852.2 


121,451.3 




Katerinoslav 


Kherson 


Tauride 


1. 


Seigle et froment 


. . . 99,426.0 


99,497.4 


72,640.4 


2. 


Avoine et orge . 


. . . 73,531.1 


77,668.0 


49.935.4 


3. 


Millet et sarrasin 


. . . 1832.5 


2159.6 


481.1 




Total 174,790.6 


179,325.3 


123,056.9 



Voici le tableau de la distribution de la récolte mo- 
yenne pour les trois groupes par gouvernement en % : 



141 



Les 9 gouvernements 






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9. Tanride 


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6. Kharkiv 


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5. Podolie 








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142 

Le tableau ci-<lessus démontre que la moyenne de la 
récolte du seigle et du froment représente plus de la 
moitié de la récolte des six produits principaux variant 
de 55,5 %— 61 % pour les différents gouvernements. On 
remarque une plus grande différence en comparant la 
récolte de l'orge avec celle de Tavoine : 28,8 % dans le 
gouvernement de Tchemyhiv — 43,3 % dans le gouverne- 
ment de Kherson. 

Le tableau ci-dessous permet de comparer la moyenne 
de la récolte des quatre produits principaux pour la pé- 
riode de 1909—1913 en Russie et en IBiraine. 

(En milliers de pouds) 
Russie s«ns Ukraine Ukraine (9 Gouv.) 

Seigle 1,190,082.4 239,523.3 

Froment 941,445.9 412.661.5 

Avoine 817,619.7 147,201.2 

Orge 398,787.8 271,946.2 

Total 3,347,795.8 1,071,331.2 

De cette façon la moyenne de la récolte dans les 9 
gouvernement de l'Ukraine constitué les 32 % de celle de 
la Russie entière. 



143 



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144 

LA CONSOMMATION. 

La moyenne annuelle de la consommation (les se- 
mences, la quantité nécessaire à la nourriture du bétail 
et la consommation individuelle) en Ukraine, répartie 
sur les différents gouvernements, se présente de la façon 
suivante : 

annvArnAmomfci I^* moyeiuie annuelle de consom- 

gouvernements mation de selgrle et de froment 

1 . Kiev 63,613 mill. de pouds 

2. Poltava 69,006.1 > > 

3. Tchemyhiv 34,667.3 > > 

4. Volhynie 62,412.7 > > 

6. Podolie 66,982.3 > > 

6. Kharkiv 67,267.7 > > 

7. Katerinoslav 47,137.6 > > 

8. E:herson 48,794.9 > > 

9. Tauride 29,811.1 > > 

Total 442,691.6 mUl. de pouds 

c'est-à-dire 67,8 % du total de la récolte moyenne pour 
les 9 gouvernements, 

OnnvArnftmAîitq ^* moyenne annuelle de con- 

wouvemements sommation d'avoine et d»orge 

1. Kiev 39,430.1 mill. de pouds 

2. Poltava 36,300.6 > > 

3. Tchernyhlv 11,648.6 > > 

4. VoUiynie 35,390.4 > > 

6. Podolie ........ 35,616.3 > > 

6. Kharkiv 39,318.2 > > 

7. Katerinoslav 46,264.7 > > 

8. Kherson ........ 21,122.5 > > 

9. Tauride 26,734 > > 

Total 288,824,3 mill. de pouds 

c'est-à-dire presque 70 % du total de la récolte moyenne 
pour les 9 gouvernements, 

EXPORTATION. 

Le chiffre moyen de la récolte est supérieure à celui 
de la consommation (y compris les semences, la quan- 



145 

tité nécessaire à la nourriture du bétail et la consomma- 
tion i];ifdividue]le), donc une quantité considéraible de blé 
est exportée dhaque année en Russie et à l'étranger. 

Avec la moyenne de la récolte des six produits prin- 
cipaux, 1,131,776.5 milliers de ponds, dans les 9 gouverne- 
ments, rexportation pendant la période de 1909—1913 
s'élevait à: 

1. Froment (en blé et son équivalent en farine) 179,695.7 milL de pds 

2. Seigle (en blé et son équivalent en farine) . 29,897.5 > > 

209,593.2 mill. de pds 

3. Avoine (en blé et son équivalent en farine) 9,241.9 mill. de pds 

4. Orge (en blé et son équivalent en farine) . 121,060.2 > > 

Total 130,322.1 mill. de pds 

Le total de la quantité exportée pour ces quatre pro- 
duits était de 333,915.3 milliers de pouds, ce qui repré- 
sente presque les 32 X de la récolte et des produits dans 
les 9 gouvernements, 68 % étant consommés sur place. 

L'exportation du seigle et du froment représente les 
62 X, celle d'oi^ et de l'avoine les 38 % du total de la 
quantitée exportée. 

Ex|iortation nette. 



I. 



GonTememente 

1. Kiev 

2. Tchemyhiv (Importation) 

3. Poltava 26,366 

4. Volhynie ........ 1,893.8 

5. Podolie ........ 9,372 

6. Kharkiv 15,843,2 

7. Katerinoslav 52,28a5 

8. Kherson 50,702.8 

9. Tauride 49,829.3 



Seiirle et froment 
(en blé c 



et en farine) 
7,588.6 milL de ponds 
3,291 



Total 209,593.2 milL de pouds 



10 



14@ 

n. 

QoUToraaii|eiit0 : , , , Aroin^ et orgre 

1. EieT . . . ... . . . 1,748.2 miU. de pouds 

2. Tchemyhiv . . . . . . 4,288.8 > 

3. PolUv . . . . . S^SHS > > 

4. Volhynie ... . 499,2 > > 

5. Pôdolie ...',','. . 1,986.6 > > 

6. Rharkiv .....: 5,199.8 > > 

7. Kàterinoslav . . . '. 28,267.4 > > 

8. Kherson 56,545.5 > » 

9. Tauride 24,201.4 > » 

Total 130,322.1 mill. de pouds 

L'exportation nette des quatre prodtiits donne pour 
les 9 gouvernements les chiffres que voici : 

GouTememeiits 

1. Khenon 107,248.3 mill. de ponds ou 31.6 7r 

2. Katerinoslav 80,555.9 > > > 23.7 7» 

3. Tauride 74/)30.7 > i» > 21iJ •/• 

4. PolUva 33,960.6 > > > 10 7o 

5. Kharkîv 21,043 > > > 6.2 •/• 

6. Podolie 11,347.6 > > » 3.3 •/» 

7. Kiev 9,336.8 > > > 2.7 7« 

8. Volhynie 1,394.6 > » > 0.4 y. 

9. Themyhiv 997.8 > > > 0.3 % 

Total 333,915.3 miU. de pouds ou 100 7» 

De cette façon la partie principale de l'exportation des 
quatre produits (seigle, froment, avoine, orge) proirent 
uniquement des 3 gouvernements de Kherson, Katerinos- 
lav et Tauride. Leur exportation représente à peu près 
77 X du totale de Texportation des 9 gouvernements. 

Sur le chiffre total d'exportation de ces produits, soit 
339,915.3 milliers de pouds, les exportations à l'étranger 
(la Russie exceptée) se repartissent de la façon suivante: 

Seigle et froment en crains 131,427.9 mill. de pouds 

> > > en farine 6,529 > > 

Total 137,956.9 mill. de pouds 
Avoine et orge 123,623.3 > > 

Total 261,580.2 mill. de pouds 

-^ Ce qui représente presque les 77 % du total de l'ex- 
portation des 9 gouvernements. 



t 



147 

Le total de l'exportation de la Russie à l'étranger éitait 
(pour la période de 1909—1913) de 588,453.2 milliers die 
pouds. De cette façon les 44 % de l'exportation de la 
Russie entière tomibent : sur les 9 gouvernements de 
l'Ukraine. 

 côté de la culture des céréales, qui occupe la place 
principale, on cultive en Ukraine des betteraves à sucre, 
du lin, du chanvre, du tabac, du houblon, etc. 

Voici quelques chiffres pour ces différentes cultures : 

LE LIN. 

La culture du lin et du chanvre quoique répandue en 
Ukraihe est très arriérée ; il suffit de comparer le rende- 
ment de la surface égale à une déciatine en Ukraine et 
dans d'autres pays de l'Europe. Ainsi on obtient en 
France, 50 pouds de lin d'une surface égale à une décia- 
tine ; en Allemagne» 43 pouds ; en Ukraine, 31 pouds. 

La surface cultiva de lin en Ukraine, en déciatines: 

Gtoaremements 1909 1910 1911 

Tchemyhiv 19,494 17,167 17,954 

Poltava . . ' 14,764 14,106 12,622 

Katerinoslav 10,576 8,304 8,410 

Eharkiv 6,333 4,796 5,180 

Kheraon 2,897 2,485 2,850 

Kiev 3,114 2,428 2,227 

Tauride 7,814 8,236 12,941 

Le 80 % de la récolte du lin était exporté et le 20 % 
seulement était travaillé dans le pays. 

RécoUe de lin en Ukraine 1901 — 1915 en miUierg de pouds: 

GouYememente 1901—1905 190&-1910 1911—1916 

Volhyme 4444 426 429 

Katerinoslay 1686 398 681 

Kiev 139 151 91 

Podolie 75 86 ,129 

Poltava 949 613 424 

Tauride 828 368 719 

Kharkiv 468 180 139 

Klierson 481 208 193 

Tchemyhiv JOT 6a»_ 655 

Total 5633 3060 3460 



148 

La production d'huile de lin et de tourteaux de lia 
fi'élève à une moyenne annuelle d^ 4 millions de pouds. 
Les pressoirs se rencontrent dans les gouvernements de 
la Tauiide, de Tdi'emyhiv, de Katerinoslav et de Poltava,. 

Le chanvre, 

La culture du chanvre en Ukraine est très peu dé- 
veloppée. La récolte du chanvre pendant la période de 
1905 — 1915 présente les chiffres suivants : 

£u milliers de ponde 

1901-1006 190&-1010 1911-1915 1916 

Volhynie 387 54^ 510 — 

Katerinoslav 395 444 301 344 

Kiev . 377 628 364 351 

Podolie 344 439 426 — 

Poltava 1066 1047 1309 1207 

Tanride 121 19 10 — 

Kharkiv 695 726 784 760 

Kherson 216 326 234 360 

Tchemyhiv ....... 1162 1669 1431 1646 

Total 4664 6636 6369 4667 



Le sucre. 

L'industrie du sucre est très prospère en Ukraine et 
constitue après la culture des céréales, dans les finances; 
de ce pays, le chapitre principal de revenus. 

Le nombre des sucreries en Russie s'élevait à 225* 
dont 200 pour l'Ukraine seule ; la moyenne de la pro-« 
duction sucrière variait de 100 — 110 millions de pouds< 
dont la moitié était exportée. La production de sucre en 
Ukraine représentait les 79% du total de celle de la Russie 
entière. Le centre de commerce pour le sucre est la ville 
de Kiev où se trouve aussi !a bourse du sucre. En 1915» 
la surface de la culture des betteraves était de 730,058 dé- 
ciatines, ce qui avait donné 783 millions de pouds de bette- 
raves et 108 millions de pouds de sucre. (Ces chiffres se 



149 

rapportent à toutes, les répons de la Russie où la bette- 
rave était cultivée, c'est-^-dire Ukraine, Pologne et les 
gouvernements de Kôursk et de Voronije.) 

Le tableau ci-dessous donne les chiffres se rappor- 
tant à l'Ukraine seule et montre la répartition de l'indus- 
trie sucrière dans les différents gouvernements. 





Nombre 


Superficie 


Récolte en 


Production de 


de fabriques 


en dôc. 


milliers de pouds 


sucre en pouds 


Kiev .... 


75 


204,734 


223,941 


35,516,323 


Podolie . . . 


52 


160,601 


149,314 


23469,360 


Volhynie . ., 


17 


37,082 


38,935 


6,683,076 


Poltava . . . 


. 13 


32,388 


44,602 


6,732,635 


Tchemyhiv . 


12 


32,601 


37,430 


6,005,682 


Kharkiv . . 


29 


78,767 


99,026 


15,833^87 


Kherson . . 


2 


15,500 


15,466 


2,220,669 


Total 


200 


561,673 


608,714 


96,161,129 



L'exportation des semences de betteraves s'élevait = à 
des centaines de milliers de pouds. Les mêmes semenees 
étaient souvent importées en Ukraine après un triage à 
l'étranger. 



Le tabac. 

La culture du tabac en Ukraine représente les 86% de 
cette culture dans l'ancien empire Russe. Le tableau 
ci-dessous donne les chiffres pour la culture au tabac 
dans les différents gouvernements. 

GtouTemements Dôciatines Qualité supérieure QuaL inférieure 

Kiev 20 95 1333 

Podolie 383 12,778 23 

Volhynie 280 — 20,744 

Poltava ...... 12,742 4146 156,502 

Tchemyhiv ..... 12,263 166,195 1,473,995 

Kharkiv ...... 69 -* 10,216 ^ 

Kherson 313 19,756 — 

Tanride 3359 260,179 143 1 

Katerinoslav .... 1 , — t- . 



160 

Quoique actuelkment -— comme le montre le tableau 
— - la culture du tabac de qualité inférieure prédomine, 
les conditions de dimat et la fertilité du sol permettraient 
d'améliorer la qualité du tabac cultivé et d'en augmenter 
la valeur. 

Il existe en Ukraine 89 manufactures s'occupant de la 
piéparation du tabac. 

Disttllerie. 

n existait en Ukraine 425 distilleries d'alcool qui pro- 
duisaient annuellement 3,95 millions de litres d'alcool ; 
225 de ces distilleries se trouvent sur la rive droite du 
Dnipr et 175 «ur la rive gauche. 

Houblon. 

Le houblon est cultivé en Voihynie (3000 hectares) et 
en Oalicie (2300 hectares) et donne une production fin- 
nuelle d'environ 16,000 quintaux. 

Les forêts. 

La surface boisée de l'Ukraine comprenait à la fin 
de 1913 4385,184 déciatines, donc par rapport à )a su- 
perficie totale du territoire qui est de 44,543»610 décia- 
tines, 9J6%. 

Les plus grandes forêts se trouvent dans les Carpa- 
thes de la Galicie et de la Boukovine, puis viennent cel- 
les de Polissia dans le bassin du Pripet (Voihynie). 

La surface boisée de l'Ukraine est répartie dans les 



9 gouvernements de la façon suivante : 






. 


YoUijnie .... 1,670,498 déc. forêts 25.4 % de )a surface totale 


Kiev . - . . 




704,197 > > 16.1 7o > : 








Tchemyhiv : . 




638,681 > > 14.4 7o > : 






1 


Podolie . . . 




364,949 > > 9.5% > ' 








Kharkiv . . . 




406,212 » > 8.1% > 3 








Poltaya . . . 




226,647 > 1 6.0% > ; 








Katerinoslav . 




216,469 > > 3.7% > i 








Khereon . . 




107,726 > > 1.7% 9 a 






k 1 


Tauridc' ... 




49,916 1 > ipy. 1 3 






1 



161 



En outre dans les povîts ukrainiens des gouverne- 
ments de Bessarabie, de Voronije, de Koursk, de Grodno, 
de Minsk et de Kholin on compte 1,104»938 déciatines de 
forêts et dans ces régions la superficie boisée constitue 
15 % de ia surface. 

Lts forêts appartenant à T Etat: 

19.4 */• de la superficie boisée totale 
6.1 % > > > > V 

24.4V« > > 1 > > 

19.8 •/• » > 

6.6% > > 

94.8% > > 

16.2 Vo > > 
38.4 •/• > > > 

16.3 •/© > > > 

La Galicie est beaucoup plus riche en forêts. 25,6 % 
du total de la superficie b<^sée tombent sur son territoire. 
Eh 1910 il y avait en GaMde: 

ForètB de conifères ....... 934,000 ha. 46.4 */# 

Foitts feuillues 683,000 > 29% 

Forêts mixtes 497,000 > 24.7 % 

Total 2,013,000 ha. 



Volhynie 


. . 323,393 


Katerinoslay 


. 13,167 


Kiev . 


. . 172^ 


Podolie . . 


. 72,301 


Poltàva . . 


. . 12,646 


Tauride . . 


. . 47,464 


Kharkiv. . 


61,661 


Kherson • . 


. . 41^28 


Tchemyhiv . 


98^022 



> 
> 



> 

> 
>■ 

> 



La moitié des forêts est propriété publique. 
Galicie fournissait 3,660»000 m^ de bois de chauffage et 
autant de bois de construction dont 4,900,000 m^ de bois 
dur et 3,170,000 m^ de bois tendre. Le bois est 
en Galicie un des principaux articles d'exportation. De 
toute la quantité, environ 8 milUons de m^, le pays même 
consonmie à peu près 5 millions de m*, surtout sous la 
forme de bois de chauffage et de construction, le reste 
est exporté. L'exportation s'effectue par les rivières 
Dnistr et Prout Jusqu'aux ports de la Mer-Noire, Odessa, 
Galatz, etc. et ensuite par mer en Italie, en France, en 
Alrique du Nord. 

Les plus grandes scieries se trouvent en Galicîie 
orientale dans le povits de Skole et de Nadvima. 



Elevage des bestiaux. 

L'élevage des bestiaux en Ukraine est partout très 
étroitement lié à l'agriculture. Ce n'est que dans les step- 
pes de la Mer-Noire que l'on rencontre encore des restes 
de l'élevage extensîf primitif. En raison de l'insoiffisancQ 
du sol, l'élevage du bétail est de la plus haute importance 
pour le peuple ukrainien et forme pour lui une source 
de revenus indispensable au paiement des impôts et à 
l'investissement de capitaiix dans l'économie rurale. Ce 
n'est malheureusement que maintenant, et par suite de 
rignorance dans laquelle on l'a laissé, 'que le paysan 
ukraiiiién commencée à réconnaître la valeur de l'élevage 
du bétail et qu'il l'introduit progressivement. En Gâlicie, 
le mouvement a déjà pris de l'extension. Dans l'Ukraine 
russe les grands propriétaires fonciers seuls s'oc- 
cupent de l'élevage progressif (et encore très rare- 
ment) étant donné que l'élevage extensif leur rapporte 
davantage. C'est du reste la raison paur laquelle l'élevage 
pratiqué par les: paysans a une importance incompara? 
blement plus élevée dans, l'existence d'un peuple cultivé, 
aussi peut-on prédire un brillant avenir à l'élevage en 
Ukraine dès qu'il sera pratiqué par des paysans éclairés 
et intelligents. 

n n'est presque pas possible d'évaluer, même appro- 
ximativement le. nombre de têtes de bétail que compte 
l'Ukraine. Dans tous les cas» le nombre de 30 millions 
est certainement considérablement dépassé, dont 4 mil- 
lions environ doivent être (attribués à l'Ukraine autri^ 
chienne. En re^rd des pays avoisinants l'Ukraine est très 
riche en bétail. L'Ukraine russe, qui. ne représente p«^ 



153 

tout à fait le sixième de la Russie d'Europe dispose d*un 
tiers du bétail russe, c'est-^-dire du double de ce qui lui 
reviendrait proportionnellement à l'étendue de son terri- 
toire. L'Ukraine autrichienne également représente un 
territoire d'exportation important pour tous les produits 
de l'élevage destinés à l'Autriche occidentale et à l'Alle- 
magne. 

De toutes les régions de l'Ukraine, c'est la Galicie qui 
compte le plus petit nombre de bestiaux, c'est-A-dire 723 
pièces par 1000 habitants (soit 116 chevaux, 372 bêtes à 
cornes, 60 moutons, 172 porcs). Les npmbres relatifs 
sont plus élevés en Ukraine russe, mais surtout dans la 
région des steppes méridionales. Par 100 âmes de popu- 
lation la Volhynie comipte 19 chevaux, 32 bêtes à cornes, 
18 moutons et 17 por<^ Les chiffres correspondants sont : 
pour la Podolie 16, 19, 17, 11, pour Kiev 13, 18, 17, 
10, pour Cherson 29, 24, 16, 11, pour Tchernyhiv 21, 25, 
33, 16, pour Poltavta 14, 22, 27, 11, pour Kharkiv 17,. 27^ 
23, 10, pour Katerinoslav 25, 26, 21, 12, pour la Tauride 
30, 28, 61, 11, pour le Kouban 34, 54, 80, 21. 

Nous commencerons notre aperçu, de l'élevage, des 
bestiaux par rélevage du cheval La race chevaline ukrai- 
nienne est très répandue dans toute la région du Dnipr ; 
la variété tchomomorienne dans la région de Kouban, la 
variété donienne dans les marches orientales de l'Ur 
kraine. L'immense majorité des chevaux ukrainiens, ce- 
pendant, proviennent de croisements ; ils sont de petite 
taille et quoique très résistants ne sont pas précisément 
forts. , 

Parmi les chevau^i de petite taille il n'y a que les che- 
vaux^ montagnards houtzouiliens qui, par leurs propriétés 
particulières offrent un certain intérêt; Les autres mê- 
lions de chevaux;* de petite taille car^ctériseut: plutôt l'éts^t 



154 

d'infériorité dans lequel se trouve l'élevage du cheval que 
le profit pouvant en résulter pour la population qui, pro- 
portionnellement à sa situation économique, entretient 
décidément un trop grand nombre de chevaux. 

On fait très peu en Ukraine pour favoriser l'élevage 
du cheval. Des haras ne sont entretenus par les grands 
propriétaires que pour l'élevage des chevaux de courses» 
mais pour les chevaux de travail on ne fait absolument 
rien. Seul dans le gouvernement de Voronije on élève 
une race de forts chevaux de trait (Bytuhy) de même 
que dans les haras de Novo-Alexandrivsik (dans le terri- 
toire de Kharkiv) et de Yaniv (dans le pays de Kholm). 
Dans l'Ukraine autrichienne l'administration militaire 
s'occupe avec succès de l'élevage de la race houtzou- 
Menne. 

Le gros bétcàl a une importance plus considérable 
pour le peuple ukrainien que le cheval, aussi la race bo- 
vine y est-elle relativement supérieure. La propagation 
générale de la race grise ukrmnienne, la race rouge kal- 
muque qui est venue s'y ajouter en Ukraine orientale él 
les nombreux croisements avec des sujets de race pro- 
venant de l'Europe occidentale que dirigent et subvention- 
nent les gros propriétaires, les gouvernements et les or- 
ganisations agricoles, donnent à l'élevage du bétail à cor- 
nes une valeur incontestablement supérieure à celui du 
cheval. Malgré cela l'industrie laitière en Ukraine en est 
à peine à ses débuts. Seule en Galicie s'est constituée une 
organisation laitière parmi leis paysans, qui produit an- 
nuellement V4 d^ million de kg. de beurre. 

L'élevage des moutons sl considérablement diminué 
en Ukraine, dans les dernières décades surtout, en rai- 
son de la coi^currence australienne. Précédemment, l'U- 
kraine méridionale était l'un des principaux centres de 



155 

V 

production de laine sur le marché mondial. La transfor- 
mation des steppes en champs cultivés a aussi beaucoup 
contribué au déclin de Têlevage des moutons. Les énor- 
mes troupeaux de moutons peuplant les steppes ukrai* 
niennes sous la garde de bei^er;^ à demi nomades appar- 
tiennent au passé. Néanmoins on peut estimer à plus de 
10 millions le nombre de moutons de l'Ukraine. La plu^ 
part sont élevés dans les territoires du Don, du Kouban, 
dans la Tauride^ à Katerinoslav et en Bessarabie. Comme 
dante les autres branches de l'élevage, c'est aux paysans 
ukrainiens qù'incon[)be le rôle principsd dans l'^evage des 
moutons. Bs élèvent surtout des (noK>utons ^ laine grossière 
de races diverses. Ces moutons paissent les trois quarts 
de l'année dans la steppe. Les grands propriétaires fon- 
ciers élèvent beaucoup moins de moutons, mais leurs 
bergeries sent peuplées surtout de sujets à laine fine, race 
mérino dont l'élevage est plus onéreux, mais aussi d'un 
rapport supérieur. Ce n'est que dans les dernières an- 
nées que les paysans se sont mis à l'élevage des moutons 
à laine fine. L^élevage est important également dans les 
territoires de Tchemyhiv, de Poltava et de Kharkiv où en 
1900 il y avait environ 3Va miUions de moutons dont 3 
millions en mains des paysans. C'est là qu'on élève la fa- 
meuse race de Rechetylov. Les autres régions de l'U- 
kraine n'élèvent pour ainsi dire pas de moutons. Seul 
dans les Carpathes l'élevage du mouton forme une source 
de revenus lucrative pour les paysans. Les moutons à 
laine grossière des montagnes paissent sur les hauts pâ- 
turages et rapportent presque davantage par leur lait, 
leurs produits lactés et leur fourrure que par leur laine. 

Lés chèvres sont rares en Ukraine où on les rencon- 
tre presque exclusivement dans les montagnes dés Carpa- 
thes, de Yalta et du Cauca>se. Par ocmtre, f^euoige des 



156 

porcs forme la ressource la plus importante des paysans 
modestes et comme tel est répandu dans toute l'Ukraine 
particulièrement à Tchemyhiv, enVolIiynie et à Eouban. 
Outre dans les porcheries, l'élevage se pratique aussi en 
plein air, et là sur une grande échelle. Sur le Dnistr et 
le Dnipr inférieurs d'immenses troupeaux de porcs pas- 
sent l'été et l'automne entiers dans les plavni. Les races 
anglaises améliorées (Yorkshire, Berkshire, etc) sont peu 
répandues en Ukraine et dégénèrent rapidement ; les ra- 
ces russes, polonaises et les races frisées du midi ne sont 
pi^s propres à l'engraissement 

Enfin, on élève le chameau dans les steppes méridio- 
nales {Tauride, territoire du Don, Stavropil), le buffle en 
Bessarabie, l'âne et le mulet en Bessarabie et en Tauride. 

Arrivés au bout de notre aperçu sur l'élevage du bé- 
tail en Ukraine, nous ne pouvons passer sous silence 
l'élevage de la volaille, qui fornue également une branche 
importante et lucrative de l'activité du peuple ukrainien 
dans les campagnes. Le paysan vivant en général très 
modestement et sobrement ne consomme lui-même que 
peu de volaille; celle-ci est vendue au marchand ou 11:* 
vrée dans les villes. L'excédent de là production sur la 
consommation locale est si considérable que tout le ter- 
ritoire de l'Ukraine est devenu un grand centre d'exporr 
tation de volailles, d'œufs et de plimies, qui sont dirigés 
vers les autres régions de la Russie, vers l'Autriche occi- 
dentale, l'Allemagne, l'Angleterre, etc. En tenant compte 
des autres territoires ukrainiens de la Russie on peut pré- 
tendre, sans exagération, que tout le territoire russe oc- 
cupé par les Ukrainiens fournit plus de la moitié de la 
production en volailles et en œufs de la Russie entière. 
La PoddUe ^eule a vendu en 1908 plus de 3 V^ millions 
de. volailles, Kbarkiv l^* million. Vers 19Q3 la Galicie 



157 

fournissait annuellement pour 35 millions de couronnes 
d'œufs, pour 3 millions de couronnes de plumes» pour 
1^2 miMîon de volailles, chiffres auxquels la partie ukrai- 
nienne du pays participe pour les Vs au moins. 

D'après les données statistiques des chemins de fer 
Texportation des œufs de l'Ukraine avant la guerre at- 
teignait le chiffre d'un milliard. 

L'absence du triage soigneux et le manque de bon em- 
ballage rend l'exportation difficile. Pour mettre cette 
branche d'exportation à la hauteur des circonstances il 
faudrait construire à proximité des principaux centres de 
chemins de fer des dépôts avec des chambres frigori- 
fiques où les œufs rassemblés de M région seraient soig- 
neusement triés et conservés à une température con- 
stante jusqu'au moment de leur expédition. Le chiffre 
d'exportation indiqué plus haut n'est pas définitif — dans 
des conditions de bonne organisation d'exportation il 
pourrait être considérablement augmenté. 

Pour terminer, faisoais la remarque que chaque culti- 
vateur en Ukraine s'adonne en quelque sorte aussi à 
l'élevage. Le pourcentage des éleveurs de profession par 
contre est très faible. 



La houille en Ukraine. 

L'exploitation de la houille en Russie date de la fin 
du XVIIIe siècle. Mais ce n'est qu'à la fin du XIXe siè- 
cle qu'elle commence à jouer un rôle plus ou moins con- 
sidérable dans la vie économique du pays. Pendant la 
période de 1874 à 1884 Ton a extrait en Russie 240 mil- 
lions de pouds de houille, ce qui équivaut au 0,95 % de la 
production du monde entier. Ce % va en augmentant ré- 
gulièrement : 

18M .... 535 mUlions de pouds . 1.60 7« 

1904 .... 1,197 > > > ....... 2.22 •/• 

1913 .... 2,200 > > > 2.75 •/• 

En outre, la consommation de la houille monte 
beaucoup plus rapidement que l'extraction même, autre- 
ment dit le manque de houille est complété par les im- 
portations de l'étranger. 

Consommation Importation 

1884 .... 352,4 millions de poU<b 32.0 */• 

1894 .... 654,9 . » > > 18.5 •/• 

1904 .... 1392,7 > > > 14.5 •/• 

1913 ... 2660,4 > > > 17.4 •/• 

1914 .... 2470,9 > > > 12.070 

Le développement de l'industrie favorisait l'exploita- 
tion de la houille en sorte que, dans la première moitié 
de 1914 elle accuse un surcroit de 17 % comparativement 
à l'année précédente. En 1913 l'exploitation de la houille 
en Russie occupait le sixième rang dans la production 
mondiale. 



159 

Etato-Unia . . 31,2^6 milUons de pouds 

Angleterre 17,820 > > > 

Allemagne 17,032 * > > 

Autriche 3,120 > > > 

France 2,460 > > > 

Ri|88ie 2,196 > > > 

Belgique 1,396 > > > 

Autres Etats 5,012 > > > 

L'offre de houille sur le marché intérieur de la Rus- 
sie n'arrive pas à couvrir la demande de combustible 
minéral solide et, malgré l'activité intense des mines, 
l'importation du charbon augmente constamment : 

En 1910 il fut importé de Tétrang^er . . . 259,3 millions de pouds 

> 1912 > » > . > ... 324,5 > > > 

> 1913 > > > » > ... 468,4 > » > 

> 1914 > > » > > ... 293,4 > > > 

En 1913 il a été importé en Russie par différentes sta- 
tions de douane : 

Par Pétrograd 177,4 millions de pouds 

> Reval . 27,4 > 

> SosnoYitz 93,1 > 

> BlgSL 73,0 > 

> Liban 24,8 > 

> Odessa 12,7 > 

> Arkhangel 2,6 > • 

Ce tableau démontre que l'importation était plus consi- 
dérable dans les districts à industrie plus développée, 
c'est-à-dire le district de Pétersbourg et le district indus- 
triel en Pologne (Sosnovitz). Cependant, si nous tenons 
compte que l'activité de l'industrie en Ukraine ne le cé- 
dait en rien à celle de l'industrie des autres districts de 
l'ancienne Russie et que, d'autre part, l'importation du 
charbon par Odessa, port principal de l'Ukraine, occupe 
le sixième rang, nous arrivons à la conclusion que l'ex- 
ploitation de la houille en Ukraine satisfaisait presque 



160 



en entier aux besoins de rindustrie du pays ; ceci se com- 
prend d'ailleurs aisément m nous examinons le talileau 
suivant, concernant l'exportation du charbon dans les 
différents districts de l'empire Russe, en millions de 
pouds: 



Ukraine . . 
(difltr. DonetB) 

Pologne . . 

Oural . . . 

distr. MoBCou 

Caucase . . 

Turkestan 

Sibérie Occ. . 

Sibérie Or. . 

distr. Ejev . 



1878 1890 1900 1910 1918 1916 1917 (l'« moitié) 

37,8 183,25 671,65 1019,3 1543,8 1626,3 834,1 uUitii fè. 



20,5 150,79 254,83 341,1 426,8 

0.37 15,22 22,69 77,4 73,1 

9,2 14,27 17,61 13,9 18,3 

0.22 0.61 3,98 2,8 4,3 

0.41 0.80 0.61 3,4 8,4 

0.81 1,13 9,39 31,5 53,3 

0.12 0.89 8,58 64,3 71,8 

1,60 0.69 0.65 — — 



78,3qp.50,0 

27,2 23,1 

3,8if|r.2,0 



70,9 
80,9 



40,6 
35,7 



Total 71,59 367,20 986,33 1524,7 2200,0 1887,9 



Importé de ^^^ *^^ *^ ^^^^ ^^' *®^* 
l'étranger 34,7 94,2 240,3 259,3 468,4 34,3 

Ce qui donne en ponrcentacre : 1918 

District du Donetz 70.3 7o 

Pologne 19.3 7o 

Oural 3.3 7o 

district de Moscou 0.8 V» 

autres régions de la Russie ... 6.3 7o 



1917 (!'• moitié) 

1916 
85,6 «/• 

4.1 Vo 
1.4 7« 
8.9 7« 



Nous voyons que l'Ukraine occupe la première place 
dans Texploitation de la houiUe en Russie et que le chif- 
fre moyen du pourcenta^ est de 70 % (monté en 1915 
jusqu'à 95 X vu l'occupation des mines de la Pologne par 
les Allemands). 

Considérons maintenant le district du Donetz en par- 
ticulier : les gisements de houille du Donetz se trouvent 
dans les districts de Koupiansk et d'Moume du gouverne- 
ment de Kharkiv, les districts de Slavianoserbsk, de Bakh- 
mout, de Marioupol du gouvernement de Katerinoslav 
et dans les districts occidentaux du pays des Cosaques 
du Don. 



161 

L'ensemble de la surface du terrain minier comprend 
environ 20,000 verstes carrées. Les gisements les plus ri- 
ches en charbon métallurgique et en même temps les 
plus considérables se trouvent sur le territoire ukrainien. 

D'après les calculs du Comité géologique les gise- 
ments de ce bassin comprennent : 

' pour la fabrication du gaz 
pour les fonderies 
' coke 
:2. charbon maigre et anthracite . . . 2,293,638 



1. charbon 



1,238,848 millions de pouds 



Un tiers du charbon sous chiffre 1, c'est-à-dire 400,000 
millions de pouds environ est formé par le coke qui re- 
présente la base de l'industrie métallui^que dans le pré- 
sent et dans l'avenir. 

Voici le tableau de l'exploitation de la houille pendant 
la période de 1885-1917 : 





18R5 


1890 


1895 


1900 


1906 


1910 


1916 


1916 


, 1917 


<€oke . . . 


82 


147 


254 


601 


701 


861 


1316 


1376 


1166 


.Anthracite . 


33 


36 


44 


71 


95 


167 


310 


376 


366 



116 183 298 672 796 1018 1626 1761 1610 

Le district du Donetz comptait : 

en 1912 — 392 puits avec un rendement annuel de 
1,880 millions de pouds et une extraction réelle de 69 %.. 

en 1913 — 483 puits avec un rendement annuel de 
:2130 millions de pouds et une extraction réelle de 73 % ; 

en 1914 — 535 puits avec un rendement de 2183 rail- 
lions de pouds et une extraction réelle de 11 %. 

La surface occupée par Texploitation de la houille 
•était en 1914 — de 213,629 déciatines c'est-à-dire seule- 
ment 133 % du total de la surface du bassin du Donetz. 

Le tableau ci-dessous indique la moyenne de Textrac- 
liovL du district du Donetz pour l'année 1912 selon les 

«catégories de charbons : 

11 



• 



162 

charbon ordinaire 18.44 */• 

charbon de gaz 5.6 */• 

> de fonderie 8.0 •/• 

coke 47.1 •/• 

charbon maigre 2.9 */§ 

anthracite laO •/• 

Ce chai4>on fut distribué entre les consommateurst 
comme Tindique le tableau suivant : 

5fS? navigation sucreries 5^: indu- mation 
^«'«' "^^^ stries privée 

moyenne 190B— 10 30 7o 6 Vo 6 ^o 28 •/. 10 Vo 21 % 

moyenne 1911—13 28 Vo 4 •/. 6 •/• 26 •/• 11 •/• 26 •/• 

1914 33 7o 2 •/• 5 •/• 267o 12 Vo 22V* 

1916 41 V« 6 Vo 3 Vo 31 Vo 11 Vo g 7» 

1916 44.IV0 4.IV0 2.8V0 49 

d'où nous pouvons conclure que les usinçs métallurgiques 
ne consommaient que 25 X du charbon du bassin du Do- 
netz. Ceci serait une preuve pour l'administration irra- 
tionnelle par le gouvernement de l'ancien empire russe. 

En ce qui concerne la technique, aucun effort n'avait 
été tenté pour amener l'exploitation de ces riches gise- 
ments à un d'qgré convenable. 

Quelques mines seulement, appartenant aux riches 
sociétés belges ou autres entreprises étrangères, étaient 
à la hauteur de la technique européenne. En 1913 sur 
5246 fours à coke, 848 seulement utilisaient complète- 
ment les sous-produits, c'est-à-dire seulement 16 % des 
fours produisaient le benzole, le sulfate d'ammonium, 
les couleurs etc. Le nouveau gouvernement ukrainien a 
tenté de faire quelque chose dans cette direction, mais 
il reste toujours encore beaucoup à faire et c'est ici que 
s'ouvre un champs libre pour le capital étranger. 

En 1912 il y avait 140,728 ouvriers occupés dans les 
mines de houille en Ukraine avec une moyenne annuelle 
de production de 9300 pouds pour chaque ouvrier. 



Ces chiffres ont beaucoup changé pendant la guerre 
et encore davantage pendant la révolution, le nombre des 
ouvriers ayant augnienté et leur capacité productive 
ayant diminué. 

L'exportation de la houille du bassin du Donetz qui 
en temps normal comprenait : 

En 1913 1^ milUong de pouds 

en 1914 1,713 > > > 

en 1915 . . , 1,624 » > > 

est tombée pendant la période avril-juin 1918 jusqu'au 
chiffre de 25—27 millions de pouds. 

Avec le retour aux conditions normales l'exploitation 
de la houille en Ukraine exigera une attention très soute- 
nue : de nouvelles explorations géologiques, des amélio- 
rations techniques dans les mines mêmes, ainsi que le 
perfectionnen>ent des nooyens de transport seront né- 
cessaires — donc de nouveau un champ libre pour le 
placement de capitaux étrangers. 

Les gisements de lignite se rencontrent en plusieurs 
endroits. L'endroit principal de ces gisements avec une 
surface de 5000 km^ se trouve sur le plateau du Dnipr 
(gouvernement de Kiev, district de Zvenihorodka et Tchi- 
hirin, gouvernement de Kherson, district de Eli<sabethgrad 
près de Voznesensk et Nova Praha) ; on en trouve aussi 
en Volhynie (Kremenetz) et en Galicie (Djouriv). Le 
lignite ukrainien ressemble beaucoup à celui de Saxe et 
sa composition est la sidvante : 

Carbone 50.6 - 68.67o 

Hydrogèiie 4.6 - 7.6% 

Oxygène et azote 13.8 - 27,6Vo 

Cendres 7 - 27.0»/o 

Les débuts de l'exploitation du lignite remontent à 
1871 où pour la première fois Ton a entrepris de l'extraire 



164 

à Jouravka (gouvernement de Riev). Ce puit fut exploité 
pendant près de 7 ans et a donné 18,1 millions de pouds de 
lignite. Le rendement de ce gisement est de 94 millions 
de pouds. En Volhynie le lignite se trouve en un puissant 
gisement près de Kremenetz. L'exploitation de ce dernier 
commencée en 1894 fut arrêtée déjà en 1898 à cause de la 
qualité inférieure de ce lignite, par contre le rendement 
de ce gisement est énorme, il atteint 1500 millions de 
pouds. Vu le manque considérable de bois de chauffage 
en Ukraine, on sera forcé à l'avenir d'entreprendre l'ex- 
ploitation du lignite en Volhynie, pour fabriquer des bri- 
quettes. Dans le gouvernement de IQierson il se trouve 
également un gisement puissant de lignite, mais comnie 
sa qualité n'est pas supérieure à celui de la Volhynie, le 
gisement n'a pas encore été exploité. 

Le coke et les produits de la distillation de la houille. 

D'après les calculs du Comité géologique russe, le 
gisement de houille qui fournit le coke s'élève à 400 mil- 
liards de pouds et représente les 11 % du stock total de 
la houille dans les mines du bassin du Donetz. La statis- 
tique de cette branche de l'industrie se présente de la fa- 
çon stdvante : 

I. 

Nombre des quantité de quantité de 

* fourneaux de . houille brute coke obtenu 

dUtillatton en milliers de pouds 

1906 3699 189,727 137,736 

1908 4007 220,200 162,920 

1910 4158 226,662 167,679 

1912 4942 316,078 236,291 

1913 6545 368,691 270,877 

1914 ..... bS8H 370,667 278,410 

1916 5014 342,240 254,769 

1916 .....? ? 270,670 

1917 ? ? 221,440 



y 



165 

II. 

1910 1912 1914 1916 

en mimons de pouds 

charbon de coke extrait .... 315.9 686.1 787.3 725.4 
quantité soumise à la distiUation 226.7 316.1 370 342 

en 7o 58.7 51.0 47 47 

Donc, seulement les 50 % environ, de la houille qui 
fournit le coke ont distiUé dans les fours ; les autres 50 % 
ont été employés là où le charbon de qualité inférieure, 
le charbon maigre ou même Tanthracite pouvaient être 
utilisés. 

Voici le nombre de fours de distillation et leur rende- 
ment : 

(en millions de ponds) 
1910 1912 1914 1916 1916 1917, 

Nombre de fourneaux 
à distiUation . . . 4000 4908 5372 5049 4887 4297 6585 

coke obtenu (miUions 
de ponds) .... 168 236 278 254 270 221 408 

fonmeanx utilisant les 
produits de distillât. 344 720 1008 1003 975 1418 2173 

coke obtenu dans ces 
demiersenmill.de p. 21.8 38.1 95.4 109.5 219 185 228 

7o de fourneaux, utili- 
sant les prod. de distil- 
lation, par rapport au 
nombre total ... 8.6 15 19 20 24 3d 33 

7o de coke obtenu dans 
les demlersf oumeaux 
par rapport à la quan- 
tité de coko totale . 13 16 33 43 44 83 56 

quantité de goudron 
obtenue en milliers de 
pouds . ..... 705 1180 2081 3296 3590 3837 5295 

produits ammoniacaux 
(en milliers de pouds) 259 620 1223 1416 ? 1300 2437 

sulfate d'ammonium (en 
milliers de pouds) . 31.3 244.61048 720 292 ? ? 

Ammoniaque (en mil- 
tiers dé pouds) 3.3 6.4 48 238 408 450 450 

Poix (en milliers de pds) 244 291 1250 1212 1245 1247 1582 



166 

Jusqu'en 1904 il existait en Ukraine une seule usine de 
distillation avec 35 foucneaux qui utilisaient les produits 
de distillation. En 1915, d'après les données statisttiques 
du dernier Congrès des ingénieurs des mines de l'Ukraine, 
il y avait déjà 1332 fourneaux de distillation, à savoir : 

à Horlovka, < Société de Tlndustrie Minière dans la Russie 

du Sud > 50 fours 

à Novosmolianinovka, (près louzovka-Sociétè Novorossiisk) 180 > 

k Kadievka, câociété Métallurgique Busso-Dniprovsk > . 240 > 

à Konstaninovka, < Société par action des usines laminoires» 40 > 
À Hosoudariv Bayrak, < Société par action des mines et 

des usines de Hosoudariv Bayrak > 60» 

â Roudtchankovo, les mines de la < Société par action des 

Usines de Briansk> 140 > 

â Ohtcherbinovtzi, < Société de Fexploitation de sel gemme 

et de houille» . ; . 38 > 

â Sartan, Société par action < Providence Russe > ... 44 > 

À Nyjnia Erynytziay <S. L. Act. de l'Industrie Minière Russe> 50 > 

à Makiivka, Société Minière Métallurgique cUnion Russe» 110 > 
 Xenakievo, Usines et mines de la < Société Métallurgique 

Russo-Belge » 320 > 

À Olkhova, < Société des usines et des hauts fourneaux de 

Olkhova» 60 > 

LA TOURBE. 

L'Ukraine est très riche en tourbe quoique son ex- 
ploitation ne soit pas arrivée à un degré convenable. Les 
plus grandes tourbières se trouvent en VoUiynie, dans les 
gouvernements de Kiev et de Tchemyhiv. La tourbe de 
la VoUiynie contient de 10—12 % de cendres. Les tour- 
bières du gouvernement de Kiev s'étendent le long de la 
rivière Irpen. Leur rendement es* de 750 millions de 
pouds. 

L'absence de bonnes machines est l'obstacle principal 
à l'exploitation de la tourbe en Ukraine, qui s'effectue 
actuellement d'une façon tout à fait primitive. Le gouver- 
nement ukrainien, après la révolution déjà, s'en est oc- 



167 

cupé d'une façon particulière et a même envoyé une com- 
mission spéciale à l'étranger pour l'acquisition des ma- 
chines nécessaires à l'exploitation de la tourbe. L'on 
fonde de grandes espérances sur l'aide de l'Europe 
occidentale, au point de vue technique et financier. 

LE GRAPHITE. 

Le graphite se trouve en Ukraine entres les couches 
de roches cristallines qui forment les massifs ukrainiens; 
en Volhynie, le long de la rivière Sloutch ; dans le 
gouvernement de Kiev, le long de la rivière Ross ; en Po- 
dolie, dans le district deBalta; dans le gouvernement de 
Kherson le long de l'Inhouletz ; dans le gouvernement de 
Katerinoslav, district de Marioupol, le long de la rivière 
Kaltchik et en Tauride, le long de la rivière Berestova. 

L'analyse du graphite de Volhynie donne : 

Carbone 54.d0*/« 

Cendres 46.59*/« 

Matières volatiles (à la To de 120) O.II70 

Les cendres de ce graphite contiennent du sable avec 
un peu d'oxyde de fer. 

Dans le gouvernement de Kherson à 40 km de Kryvy 
Rih, centre principal de l'industrie métallurgique en 
Ukraine, se trouvent d'énormes gisement de graphite 
putr à la profondeur de 8 — 11 sajènesi; ce graphite con- 
tient 99,01 % de carbone pur. Le graphite de Tauride 
contient 17,91 % de carbone. 

On a extrait en Ukraine au total : 

1913 . 12,166 pouds 

1914 23,316 > 

1916 52,020 > 

1916 69,040 > 

1917 100,000 > 

n n'y avait ces derniers temps en Ukraine qu'une 
seule fabrique de graphite à Marioupol (gouvernement de 



168 

Katerinoslav) qui produisait le graphite de différentes 
qualités. La qualité moyenne contenait 71—76 9S et la 
qualité supérieure 90 % de graphite pur. 

LE MINERAI DE FER. 

L'industrie métallurgique est très développée en 
Ukraine. Elle est localisée dans le district métal- 
lurgique de Kryvy Rih dans le bassin de Tlnhou- 
Iet2 (dans le district adnûnistratif de Verkhnedni- 
provsk du gouvernement de Katerinoslav, et les districts 
de Kherson et d'Âlexandria du gouvernement de Kher- 
son), où il existe 85 mines appartenant à 47 sociétés 
d'exploitation. L'ensemble du terrain qui appartient à ces 
mines comp-rend 12,109 déciatines. De ce nombre 117,71 
déciatines sont occupées par des carrières ouvertes et 
134,8 déciatines — par des puits. La plus grande pro- 
fondeur des puits atteint 140 sajènes (Doubova Balka). 
L'épaisseur d'un filon de minerai est de 50 sajènes 
au maximum et 0,10 sajène au minimum. Le rendement 
de cette surface est de 4232 millions de pouds. Le fond 
total du minerai de fer dans le district de Kryvy Rih est 
estimé à 12^47 millions de pouds (225 millions de ton- 
nes). 

Il y a de plus, disséminées entre les mines, des sur- 
faces de plusieurs verstes carrées qui ne sont pas encore 
exjplorées, de sorte que l'on peut avoir l'espoir de retirer 
une quantité réelle de minerai de fer dans le district de 
Kryvy Rih, considérablement supérieure à celle qui fut 
établie par le Comité international géologique. 

Le rendement normal des mines de Kryvy Rih pour 
Tannée 1915 fut de 437,4 millions de pouds, mais en réa- 
lité l'on en n'a pas extrait plus de 231,55 millions de 
pouds, c'est-'à-dire plus de 53% du rendement normal 
calculé pour ces min«. 



169 

L'extraction du minerai de fer de Kryvy Rih repré- 
sente 66 X de Textraction dans la Russie entière et 90 % 
de celle en Ukraine, 

Le minerai de Kryvy Rîh estl'un des plus riches d'Eu- 
rope, il contient en moyenne 60 — 65 % de fer pur. Cer- 
tains gisements contiennent même plus de 65 % de fer» 
par exemple le minerai de «Doubova Bàlka», «Saksa- 
hanska> avec 65,5 % de fer pur, «Poujmerka», «Kolat- 
chevska No. 2» plus .de 66 X, «Synia No. 1>, 67,1 % ; 
fKolatchevska No. 1», 67,7 % de fer pur. Le 1er janvier 
1917 il y avait à Kryvy Rih 46 mines en activité ; le 1er 
janvier 1918 — 35 mines. 

Le second district métallurgique en Ukraine est celui 
de Kertch (district de Théodosie en Tauiride). Sur le terrain 
de 23,410 déciatines avec un fond de minerai de plus 
de 25,000 millions de pouds qui contient 41,3 — 43,5% de fer 
pur, il n'existe que 4 mines, qui appartiennent aux 3 so- 
ciétés d'exploitation et dont en 1915, 2 seulement étaient 
en activité. L'épaâsseur du gisement est de 2,5—5 sajè- 
nes. Les carrières ouvertes n'occupaient en 1915 que 46 
déciatines. Le 1er janvier 1917 deux mines seulement 
étaient en activité, le 1er janvier 1918 aucune. Le rende- 
ment annuel des 4 nûnes atteint 75 millions de pouds. Em 
1915 l'on n'a extrait que 16,27 millions de pouds, c'est-à- 
dire seulement 22% de la quantité que les mines sont 
techniquement capables de fournir et en 1917 cette quan- 
tité a diminué de 31 %. La moyenne de production d'un 
ouvrier était : 

En 1913 17,506 poudB de minerai 

en 1916 16,765 > > 

en 1916 13,633 > > 

en 1917 9,882 > > 

c'est-àrdire 44% de la quantité extraite en 1913. 



170 

L'extraction de minerai dans le district de «Korsak 
Mohyla» (district de Berdiansik enTauride)» est peucansi- 
dérabie,àsavoirO^% du total de l'extraction en Ukraine. 
L'extraction des mines du Donetz (Youzovka) qui en 
1909 représentait les 0,S7 % du total. de l'extraction de 
l'Ukraine est à présent suspendue. 

Voici quelle est l'extraction du minerai de fer dans 
différents districts : 

Kryry Rih Kertoh Kor. Moh. Total 

en millions de poua« 

1913 390.31 29.31 0.46 420.07 

1914 293.07 33.51 0.20 326.78 
1916 231.66 16.27 0.47 248.28 

1916 314,34 20.72 0.32 336.37 

1917 217,42 7.72 0.28 226.42 

A côté de ces trois districts il se trouve encore dans 
les districts de Bakhmout et de Marioupol (gouvernement 
de Katerinoslav) et en partie dans le pays des Cosaques 
du Don» un terrain minier désigné sous le nom de dis- 
trict du Donetz avec un mincirai assez pauvre en fer. Ce 
district n'était exploité que pour les usines métallurgi- 
ques locales et ceci jusqu'en 1910, époque à laquelle 
l'exploitation de ces mines fut complètement suspendue. 

En Volhynie (dans les districts de Jitomir, de Novograd- 
volynsk et de Ovroutch) se trouvent des gisements de mi- 
nerai (marécage ferrugineux) dans les bassins des riviè- 
res du Teterev, de l'Ouge, de l'OiAort et en partie dans 
celle du Sloutch ; l'exploitation des minerais de Volhynie 
a cessé depuis la fin du XDCe siècle. 

En Podolie le minerai de fer se rencontre par gise- 
ments séparés dans le district de Haissyn le long de la ri- 
\dère du Bouh. 

L'exportation du minerai se faisait par les frontières 
suivantes : 



. 1011 

Mer Baltique .... 0.03 

Allemagne 14.47 

Autriche 0.74 

Mer Noire 38.86 





171 


1912 1913 
mlllioiui de poudâ 

0.07 0.002 


1914 


16.05 0.714 


0.763 


2.09 0.001 


— 


22.27 27.96 


14.65 



Total 54.09 



40.49 



2a67 



15.42 



Exportation du minerai de fer pour les différents 
pays: 



Allemagne 
Hollande 
Angleterre 
Autriche 
Autres pays 



1911 


1912 1918 
millioD» de ponds 


1914 


15,86 


16,50 1,65 


4,09 


26,27 


17,38 23,36 


9,57 


9,90 


4,26 3,66 


1,75 


0,74 


2,09 0,001 


— 



1,32 



0,25 



0,002 



0,003 



LE MINERAI DE MANGANESE. 



Les plus riches mines manganèsifères du monde se 
trouvent dans le Caucase près de Tchiatour {gouverne- 
ment de Koutais), l'Ukraine occupe la seconde place dans 
l'exploitation du minerai de manganèse. Les mines se 
trouvent dans le gouvernement de Katerinoslav près de 
Nikopol : 

1910 
1912 
1913 
1914 
1915 
1916 
1917 

La quantité d'ouvriers occupés à l'exploitation de ce 
minerai en Ukraine fut en 1916 de 2400, et en 1917 
de 2192. 

Le stock du minerai de maganèse s'élève de 1280 à 
2400 millions de pouds. Son exportation se répartit de la 
façon suivante: 



CaacMe 


Ukraine 


Oural 


Total 


33,805 


10,870 


— 


44,731 


35,299 


14,559 


196 


50,063 


59,188 


16,188 


1190 


76,566 


40,446 


14,600 


222 


55,268 


15,737 


16,854 


-262 


32,792 


? 


17,268 


? 




? 


11,342 


? 





172 

Les usines de Russie Elzportation Exportation par la 
et d'Ukraine par nykolaSy front occidentale 

1910 4,810 1461 2846 

1912 9,709 1800 2642 

1913 11,822 2912 3113 

1914 12,495 1523 912 

1915 16,295 — — 

On trouve aussi le imnerai manganésifère en Podolie 
dans le district de Haïssyn à lai limite des districts de 
Balta et de Olhopol. 

L'exploitation de ce minerai a un grand avenir en 
Ukraine à la condition d'apporter des améliorations tech- 
niques à l'extraction doi minerai et aux procédés utilisés 
pour sa purification. 

L'INDUSTRIE METALLURGIQUE. 

La politique du gouvernement de l'ancien empire 
Russe n'a pas été favorable au développement économi- 
que de l'Ukraine en général, et au développement de l'in- 
dustrie métallurgique en particulier. Les nombreuses 
usines métallurgiques en Ukraine ne produisaient que de 
la fonte brute et les qualités inférieures de fer. 

La fabrication des objets en métal n'existait presque 
p^s en Ukraine ; des articles de quincaillerie et de ser- 
rurerie étaient importés de l'étranger, de la Russie cen- 
trale ou de l'Oural. Ceci avait une influence néfaste sur la 
vie économique de l'Ukraine, déjà pendant la guerre et 
surtout durant la révolution. Le paysan ukrainien ne pou- 
vant trouver les marchandises de quincaillerie nécessai- 
res n'était point pressé de vendre son blé, ce qui minait 
la base même de la poîtique commerciale du gouverne- 
ment ukrainien. Et, aussi longtemps que ce dernier ne 
réussira pas à faciliter le développi&ment de cette branche 
de rindustrie métallur^ue, l'Ukraine offrira son 



173 

marché à TEurape occidentale. D'autre part» les pays 
de l'Europe occidentale pourraient importer de l'Ukraine 
la fonte brute qui, avant la révolution» était exportée en 
Russie centrale. 

Les tableaux suivants nous aideront à déterminer la 
place que l'industrie ukrainienne occupait dans celle de 
la Russie entière. 







En m 

Ba89i4 


niions de pouds 






Ukraine 


d avec Ukraine 


Ukraine •/• 


1913 1'* moitié 


93,527 




141,573 


66.06 


2* > 


95,635 




141,385 


67.79 


1914 !'• > 


98,257 




144,390 


68.04 


2* > 


87,959 




119,744 


73.54 


1915 1'» > 


84,003 




115,225 


72.90 


2- > 


83,667 




109,745 


76.0 


1916 f > 
2» > 


83,193 
92,725 


} 


226,900 


77.8 


1917 1^ et 2» moitié 


111,225 




? 


? 



Mais, pour satisfaire à la demande de la Russie entière 
la production de fonte ne suffisait pas, et on l'importait 
de l'étranger. Ainsi : 

£n 1911 on a importé 3434 milliers de pouds de fonte 

> 1912 > 6219 > > > 

> 1913 > 1912 > > > 

> 1914 > 1476 > > > 

Voici le nombre des hauts-fourneaux qui étaient en 
activité dans les différents districts de l'ancienne Russie 
et la moyenne de rendement d'un haut-fourneau en mil- 
liers de pouds: 



1912 
Nombre de Moyenne 
hauts- de la fonte 
fourneaux 


1913 
Nombre de M oyemie 
hauts- de la fonte 
fourneaux 


1914 
Nombre de Moyenne 
hauts de la fonte 
fourneaux 


Ukraine . . 48 


3611 


ÔO 


3782 


48 3879 


Oural. . . 73 


693 


73 


764 


66 793 


Russie centr. 16 


518 


17 


' 695 


145 750 


Pologne . . 10 


2395 


11 


2324 


15 ? 



174 

Donc le rendement des hauts-fourneaux en Ukraine 
dépasse de 5 fois cehii de TOural et de la Russie centrale. 

En ce qui concerne la production de fer et celle de 
l'acier, nous obtenons le n>ême tableau : 

dS^iSbSÎ Production rMle 

en milliera de ponds 
1918 •/• 1916 •/• 

Ukraine . . 185,340 141,044 57.3 132,287 63.8 

Quant à la production de différentes espèces de fer 
elle se présentait en 1913 de la façon suivante en milliers 
de pouds : 

Ukraine Le reste de la Bnssiè 

BaUB 28.1 7.9 

Pdutres et longerons . . . 15.6 1.7 

Fer maréchal 42.6 42.8 

FU de f er 10.2 8 

Fer de tôle 17.6 9.7 

Fer de toiture 7.2 18.1 

Ces données prouvent que la métallurgie ukrainienne 
a joué avant la guerre un rôle important A présent no- 
tre industrie a beaucoup souffert par suite de l'évacuation 
des usines en 1915 en connexion avec les événements mi* 
litaires, par suite de la grande révolution et de deux inva- 
sions des bolcheviks russes en Ukraine. Cependant, avec 
Taide du capital étranger, il serait facile de ramener Tin- 
dustrie métallurgique en Ukraine à son état d'avant la 
guerre, et même, prenant en con^dération la politique 
économique indépendante de la République ukrainienne» 
on arriverait à élever l'industrie ukrainienne au niveau 
qu'elle doit légitimement atteindre. 

Il y a en Ukraine 15 usines métallurgiques :12 dans 
le gouvernement de Katerinoslav, 1 dans le gouverne- 
ment de Kherson, 1 dans le gouvernement de Kharkiv 
et 1 en Tauride. La production de chacune de ces usines 
pour l'année 1915 en milliers de pouds est la suivante : 



175 

Gouvernement de Katerinaslav. 

Nombre d'on- 
Usines de Fer de fonte Fer et acier Tiiers 1916— 

janvier 1918 

Yonzovka 14,538 12,641 8,888—12,000 

DniproYSk 23,646 24,648 9,162—15,200 

Briansk-Alexandrovsk 17,578 14,673 10,399—14,855 

PetrovBk ..... 22,396 18,436 8,007— 9,000 

Donetzk-Tourievsk . 13,148 10,382 4,869— 7,000 

Droujkovka .... 8,049 8^961 3,640—4,700 

Nikopol-Marioupol . . 4,431 7,395 4,714— 9,000 

Olkhov 4,510 — 345— 400 

< Providence Russe > . 7,256 7,578 2,481— 3716 

Kadiev 6,421 — 890— 1,260 

Konstantinoy 3,696 4,923 1,774—2,100 

Chaudoir (Eaterinoslav) 4,683 7,113 3,475—12,000 

Gouvernement de Kherson. 
Gdantzevsk .... 3,604 — 356— 850 

Gouvernement de Sharkw, 
Eramatorsk .... 8,712 4,718 3,392— 4,350 

Gouvernement de Tauride^ 
Kertch 6,542 1,717 1,062— ? 

Pays du Don. 

Makiev 12,547 11,138 4,790— 5,000 

Soulinsk 3,742 6,596 4,416— 5,000 

Tahanroh ..... 6,542 7,418 3,630— 4,200 

Les usines qui n'ont pas de hauts fourneaux: 
Usines Fer et acier ^^^"tn^l^i 

Hartmann à Eharkiv . ... . 3,365 5,289 

Nijne-Dniprovsk près Katerinoslav 4,761 3,938 

Toretzk près Dronjkovka, gouv. 
de Katerinoslav 447 1,358 

Ici, il €st intéressant de noter combien le nombre d'ou- 
vriers a augmenté dans certaines usines pendant les 3 der- 
nières années. La moyenne du nombre d'ouvriers en 
1915 dans les usines métallurgiques en Ukraine (à l'ex- 
ception de celle de Kertch) était de 72,392 ; ce nombre 
est monté au début de 1918 jusqu'à 96,431, c'est-à-dire 



176 

de 33 %. Cette augmentation du nombre d'ouvriers était 
surtout considérable pour les usines qui fabriquaient les 
munitions, savoir : usine de Dniprovsk 65 % ; de Briansk 
43 % ; Nikopol-Marioupol 91 % ; Chaudoir à Katerinoslav 
243%. 

D'après le calcul de la Commission spéciale du Con- 
grès de la métallurgie à Kharkiv (1918) la consommation 
du combustible se présentait ainsi: 

» 

TTai'naa Charboii par Coke par 1 poud 

^®"^®* 1 poud de fer de fer de fonte 

Dniprovsk 0.65 1.21 

Russo-Belge 0.86 1.26 

Kramatorovka , 0.93 1.18 

Briaask-AlexandroYsk . . . 0.97 1.26 

Makiev 1.03 1.18 

Donetzk-Yourievsk .... 1.04 1.30 

Nikopol-Marioupol .... 1.06 1.20 

Droujkovka 1.11 1.37 

Tahanroh 1.18 1.42 

Novorossiisk 1.39 1.26 

Konstantinov 1.42 1.30 

Soulin 1.68 1.16 

< Providence Busse» . . . 1.14 1.35 

Chaudoir 1.14 1.18 

AU commencement de la guerre, il y avait en Ukraine 
300 usines de construction de machines et fonderies de 
fer. D'après les gouvernements on peut les classer de la 
façon suivante : 

Kiev . . . 
Volhynie . . 
Katerinoslav 
Podolie . . 
Poltava . . 
Kharkiv . . 
Kherson . . 
Tchernyhiv . 



• • 



44 dont 31 usines 


de fonte 


14 3 


^ 8 > 




56 1 


> 40 > 




7 ] 


► 7 > 




12 1 


► 5 > 




47 3 


> 25 > 




75 1 


> 44 > 




14 1 


> 9 > 





\t77 

Les centres de construction de machines d'agriculture 
en Ukraine sont Elisabethgrad, Odessa, Katerinoslav, 
Alexandrovsk, Kharkiv et Berdiansk. 

. D'après les données de l'enquête du département 
technique du Commissariat pour la distribution des com- 
bustibles minéraux entre les fonderies la production de 
fer de fonte était la suivante : 





1914 


1916 


1916 


E^herson . . . 


1,320,411 p. 


1,256,153 p. 


1,532,680 p 


Kiev 


646,561 > 


589,130 > 


672,902 > 


ïchemyhiv . . 


86,844 > 


69,239 > 


64,137 > 


Podolie . . . 


35,868 > 


27,436 > 


37,900 > 


Volhynie . . . 


25,600 > 


16,987 > 


22,460 > 




LE* MERCURE. 





Le mercure se rencontre à Mykytovka dans le district 
de Bakhmout, gouvernement de Katerinoslav, Le chiffre 
moyen d'extraction du mercure pour le monde entier 
est de 4000 tonnes, dont pour l'Ukraine : 



1900 


304 tonnes 


1903 


318 > 


1907 


130 > 


1910 


4 > 



Pendant la période de 1911—1914 l'exploitation du 
mercure a été suspendue. En 1915, en connexion avec la 
guerre, l'exploitation des mines de Mykytovka a été re- 
prise. On a extrait : 

1915 64.5 tonnes 

1916 115 > 

1917 100 > environ 

Outre le mercure on trouve à Mykytovka de l'anti- 
moine, mais il d'H: m«alheureusement pas été exploité 
jusqu'à présent. 

12 



l'm 



UARGILE. 



Les différentes formations de caolin sont très répan- 
dues en Ukraine. On trouve en Podolie, district de Vap- 
niarka des argiles d'une excellente qualité réf ractaire. Les 
caolins de Lipovetz, gouvernement de Kiev, servent à la fa- 
ibrication des porcelaines, des faïences et des briques ré- 
fractaires. En Volhynie seule se trouvent 11 fabriques de 
porcelaine et de faïence c'est^-dire 85 % du total du 
nombre des fabriques de ce genre en Ukraine. Les cao- 
ilns de Volhynie donnent une matière brute de première 
qualité pour la fabrication de la porcelaine. En Volhynie 
les gisements les plus puissants d'excellent caolin se trou- 
vent le long de la rivière Teterev. L'exploitation des ar- 
^es réfractaires dans le gouvernement de Volhynie re- 
présentait avant la guerre les 50% de la production delà 
Russie entière et les 85% de celle de l'Ukraine. Le caolin 
que l'on trouve aux environs de Kiev possède les proprié- 
tés réfractaires au plus haut degré et sert à la fabrication 
de porcelaines, de faïences, majoliques, terresrcuites, de 
conduits de (fanalisation, tuiles, ainsi que dans la fabri- 
cation des toiles cirées, du papier, des allumettes, dans 
l'industrie textile, etc. La fabrication des briques réfrac- 
taires à Kiev prend aussi une place importante dans 
l'exploitation des argiles. Les gouvernements de Tcher- 
nihov, Poltava, Kharkov, Kherson, Katerinoslav sont 
aussi riches en terre glaise de bonne qualité. On en trouve 
dans le gouvernement de Tchemihov dans les districts de 
Hloukhov, Novgorod--Siversk, Krolevetz et Souraje où la 
poterie est très développée. Dans le gouvernement de 
Poltava les districts Myrhorod, Zinkov et Krementohouh, 
dans le gouvernement deKharkiv le® districts deizioume, 
Koupiansk, Starobilsk, Lebedyn, Akhtyrka, Bohodoukov 



179 

et Soumy sont riches en argile de poterie de bonne qua- 
lité et de différentes couleurs, qui sert à la fabrication des 
tuiles, des conditions de canalisation etc. Dans le gouverne- 
ment de Kherson, districts d'EIisabethgrad, on trouve du 
caolin de qualité supérieure qu'on exportait en Russie 
centrale. La fabrication des briques réfractaires est sur- 
tout développée daus le gouvernement de Katerinoslav 

qui est aussi riche en argile. Le développement de cette 
industrie dépend surtout de la présence dans ce district 

des grandes usines métallurgiques qui font une forte con- 
sommation de briques réfractaires. 

La présence en grandes quantités d'argiles de qua- 
lité supérieure a contribué au développement des petites 
industries locales de poterie, de carreaux de faïence, etc. 
Les petits artisans potiers, tout en fabriquant de la po- 
terie ordinaire pour l'usage quotidien de leur clientèle de 
paysans, montrent cependant dans l'ornementation de la 
poterie un goût artistique très fin et d'une originalité 
qui permet de considérer cette industrie comme une créa- 
tion de l'art national ukrainien. 

L'INDUSTRIE DES BRIQUES ET DES TUILES. 

Malgré l'abondance d'argile, l'industrie des briques et 
des tuiles n'a pas pris le développement que l'on pouvait 
espérer. On compte en Ukraine environ 3000 briqueteries 
dont 500 seulement sont installées d'après la technique 
moderne, avec un rendement d'au-dessus d'un million de 
briques chacune. Le total de la production des briques en 
Ukraine comprend IV2— 2 milliards de briques ce qui ne 
suffit pas pour couvrir la demande. L'industrie est sur- 
tout développée dans les gouvernements de Kateiinoslav, 
Kharkiv, Kherson. Les briqueteries fabriquant des bri- 
ques réfractaires se trouvent pour la plupart en Volhy- 



,180 

nie et dans le gouvernement de Katerinoslav. L'industrie 
des briques et des tuiles vernissées, des articles en terre 
cuite, des majoliques, etc. étant encore très peu dévelop- 
pée en Ukraine, ces articles sont pour la plupart impor- 
tés de l'étranger, 

LA faïence et la PORCELAINE. 

Cette industrie est principalement développée en 
Volhynie. Il y a en Ukraine 12 fabriques de poterie de 
faïence et de porcelaine, dont 11 se trouvent en Volhynie 
et 1 dans le gouvernement de Kharkiv. Certaines bran- 
ches de cette industrie sont à la hauteur de la technique 
moderne, par exemple la fabrication des articles pour 
l^électrotedhnique, dans le district de Novohradvolynsk, 
celle des services de table et des ustensiles de laboratoires 
àBaranovka, district deVolodymyr-Volynsk; les articles 
en terre cuite sont surtout fabriqués dans le gouverne- 
ment de Kharkiv et la seule briqueterie fabriquant les 
briques pouf pavages (hollandaises) se trouve dans le 
gouvernement de Tchernyhiv. 

FABRICATION DU CIMENT. 

Quoique l'Ukraine abonde en argile et en calcaire 
d'excellente qualité, leur exploitation est encore très peu 
développée. En ce moment iï n'existe en Ukraine que 
9 fabriques de ciment avec un rendement de 3500 — 4000 
tonnes. La plus grande fabrique « Volhynie » près 
de Zdolbounovo en Volhynie, produisait annuellement 
un million de tonnes de ciment; 4 fabriques se trou- 
vent dans le gouvernement de Katerinos^lav, 2 à Kherson, 
et. dans les gouvernements de Kiev, Podolie et Kharkiv 
nous comptons 1 fabrique de ciment par gouvernement. 



181 

Le manque de combustible par suite de la guerre et 
de la révolution à arrêté et en partie détruit Tindustrie du 
ciment ; vu que le pays entier est ruiné et que la demande 
de ciment pour la reconstruction des bâtiments dépas- 
sera la production, une possibilité se présente ici 
pour le capital étranger de faire des affaires en Ukraine 
en élevant la fabrication du ciment à la hauteur qui cor- 
respond aux richesses naturelles du pays^ 

LA VERRERIE. 

L'Ukraine possède toutes les matières premières né-^ 
cessaires à la fabrication du verre : sable, soude, sulfates, 
potasse, craie, argile, silice,, spath, albâtre, pyrolusîte, 
etc. Les 30 verreries existant en Ukraine produisent 
presque toutes les espèces de verre, à l'exception des 
verres d'optique. Le nombre .le plus élevé de verreries 
— plus de 15 — se trouve en Volhynie, mais toutes cc3 r 
fabriques, excepté celle de Rakytna, district de Ovroutch 
et de Romaniv, district de Noyohradvolynsk, ont une pro- 
duction insignifiante. Dans le gouvernement de Kiev il 
y a 6 verreries, dans celui de Katerinoslav 4, dont 1, 
la verrerie de la Société duDonetz à Konstantinovka est 
la plus grande en Ukraine ; elle occupe 4000 ouvriers ,et. 
fabrique les meilleures qualités de verre. A Odessa il y 
a 3 petites verreries, 2 dans le gouvernement de Kharkiv, 
dont une, la fabrique de la Société Livehof à Merefa, oc- 
cupe la seconde place en Ukraine. 

I ' 

LES PHOSPHORITES. 

Les phosphorites se trouvent en Ukraine notamment 
en Podolie dans les gouvernements de Kiev et de Tcher- 
nihiv. En Podolie les phosphorites se rencontrent dans' 



182 

les formations primaires et secondaires des districts de 
Letytchev, Mohiliv, Ouchitza» Proskouriv, et dans la par- 
tie du nord du povit de Khotyn en Bessarabie, c'est-à- 
dire dans les formations de chistes d'argile siluriennes» 
Voici la composition chimique moyenne des phospho- 
rites de Podolie : 

P2 O5 — 34,68 % 

C O2 — 2— 3J6 • 

matières insolubles dans les acides 3|— 5 %* 

Les meilleurs phosphorites ont 38 % de P2 Og. 

L'exploitation et l'exportation des phosphorites de 
Podolie nous donne les chiffres suivants : 

ld06 1007 1M6 

Derajnia 364,960 269,714 235,6ia 

Proskouriv 175,310 217,616 206,310 

Bar 44,691 61,988 19,811 

Souliatytzk 102,760 33,628 16,105 

Mohyliv 114,482 287,518 443,69e 

Ropaïhorod ..... 85,690 111,216 13,630 

loial Sn,ldS 1,328,680 936,166 

PhaspJicrites réduits en poudre. 

1806 1907 190B 

Derajnia ...... 33,772 — — 

Proskotiriv 137,763 60,390 67,666 

Bar 2,010 — — 

EopaYhorod 9,760 — — 

Souliatytzk — — 900 

Mohyliv 610 6,385 16,626 

Total 185,916 65,676 85,091 

Les gisements de phosphorîte en Podolie sont assez 
considérables, mais comme ils ne sont pas explorés, il est 
impossible d'en préciser plus ou moins l'importance. 

Les phosphorites dans le gouvernement de Kiev se 
trouvent dans les couches d'argile spondyle, surtout le 
long du Dnipr, eUes contiennent du sable et teur compo- 



1«3 

sition est différente dé celles de Podolie; elle possèdent 
de 16—27 % de P, O5. 

Les phosphorites de Valhynie qui se trouvent dans 
les districts de Ostroh et Jitomir sont peu explorées et 
peu connus. 

Dans le gouvernement de Katerinoslav nous les trou- 
vons dans les formations crétacées et danis les districts 
de Novomoskovsik, Pavlohrad, Bakhmout et Slavia- 
noseribsk dans les formations du tertiaire. 

Dans le gouvernement de Kharkiv les phosphorites 
sont d'origine crétacée et se trouvent le long du Donetz 
et de ses confluents ; elles contiennent de 15,3 à 20 % de 

Les phosphorites que Ton trouve dans les gouverne- 
ments de Poitava et de Tchemihîv n'ont pas d'impor- 
tance pratique à l'ex^ception du gisement de Rozlioty, 
Boujenka dont rimportance atteint 60 nûllions de pouds. 

L'emploi d'engrais chimiques est très peu répandu en 
Ukraine. De la quantité de 32 millions de pouds utilisés 
en 1913, 19 niilKons tombaient sur les superphosphates, 
et 13,5 millions de pouds sur les scories Thomas. Ici, il 
sera intéressant de comparer la quantité d'engrais chi- 
miques importés en Ru^ie pendant les 2 dernières an- 
nées avant la guerre : 





1012 


1918 


Superphosphates 


. . 11,491 mill. de pds 


12,010 mill. de pds 


Scories Thomas 


11,261 > 


11,380 > 


Salpêtre de Chili . 


. . 3,161 > 


2,647 > 


Sds de potassium. 


. . 6,072 > 


4,699 > 


Phosphorites . . . 


2,896 > 


3,27i' > 



La . production des fabriques de superphosphates est 
illustrée par le tableau ci-dessous : . . 



184 



1913 


l,099,G0e 


1914 


1,129,458 


1915 


687,604 


1916 


515,965 


1917 


600,000 



avec le maximum de rendement de 1,600,000 pouds. Là 
matière brute pour la fal>riGiitîon des Sruperphosphates 
en Ukraine était importée d^ l'Egjrpte, d'Algérie et d'A- 
mérique. Il est intéressant dé remarquer que toutes les^ 
fabriques, de superphosphates en Russie, à l'exception desi 
régions centrales et orientales, employaient les phospho- 
rites importées de l'étranger et principalement celle de 
l'AUemagae. Vue que l'Ukraine, pays d'agriculture, par 
excellence, ne peut pas se passer d'engrais chimique et 
que la production de superphosphates est très dévelop- 
pée en Ukraine, la tâche du gouvernement ukrainien se- 
rait d'attirer le capital étranger, en vue du développe- 
ment de l'industrie des superphosphates sur place, et 
jusqu'à ce moment d'en faciliter l'importation <ie Tétran- 
ger par les ports de la Mer-N6iré. 

LE SEL. 

L'exploitation du sel est très développée eii Ukraine. 
Le sel s'obtient soit par les mines àe sel gemmé soit en 
traitant par évaporation l'eau des sources ' saline et déâ 
lagunes salantes (limanes). 

L'exploitation du sel est concentrée dans les endroits 
suivants : 1) région saline, de Crimée (districts Eupatoria, 
Dniprovsk, Perekop, Melitopol et Berdiansk) ; 2) les sa- 
lines des limanes de la Mer-Noire (districts Odessa et 
Kherson dans le gouvernements de Kherson et district 
d'Ismaïl eu Bessarabie) ; 3) régioîï du Dônetz (district de 
Bakhmout, gouvernement ' de KateWnôsiàv '— ' mineé de 



i8è 

sel gemme et les sources salines de Slaviansk, gouverne- 
ment de Kharkiv). Près de Bakhmout à Briantzovka la 
couche de sel gemme atteint 49 sajènes de profondeur. 

• 

A Slaviansk et aux environs, il y avait en 1914, 36 sa- 
lines. L'exploitation du sel dans ce district a augmenté 
pendant les dix dernières années de 3,5—9,9 millions de 
poùds. 

En 1914 dans le district dé Bakhmout il y avait 6 so- 
ciétés d'exploitation de salines. 

Efn Crimée le sel s'obtient par éyaporatîon de l'eau 
de mer. Ce district possède 77 salines appartenant à 
l'état, qui ont donné en 1914 ll,à millions de 
pouds ; dans les salines privées l'on a obtenu en outre 
742 million;s de pouds. On obtient du sel encore dans les 
lacs salants de Perekop, de Hennitchesk, de Eupato- 
ria, Théodosia, Saky et Kertch, dans les lacs de Kjn- 
burn sur là côte N. 0. d'e la Mer-Noire, ainsi que dans 
les limanes de Bouh et Dnipr, où il est traité par éva-' 
poration. 

La quantité de sel obtenu en Ukraine représente pres- 
que les 34% du total dé l'exploitation du sel de la Rus- 
sie entière. L'exportatiofl dû sel se présente en chiffres, 
comme suit : 

1912 exporté 36.3 millions de pouds 

1913 > 38.9 > 

1914 > 37.6 > 
1916 > 31.6 > 

1916 > 54.7 > . 

Vj 1917 > 19.7 > 

En 1917 l'exploitation du sel est illustrée par le ta- 
bleau que Voici : : : > 



186 

1. SiUineB d'Etat dans les gouyemements de Tau- 
ride, Kherson et Bessarabie 8,447.049 pôuis 

2. Salines privées * . . . 6,061,262 > 

3. Sel gemme 37,913,420 > 

4. Sel d»évaporation • . . 6,262.931 > 

Total 66,664,662 pouds 

Les seules saMn>es (sauneries) en Galicie se rencon- 
trent sur les pentes des Carpathes. Les principales 
d'entr'elles se trouvent à Kalouche, SIebnik et Kosov. 
D'autres moins importantes à Latzko, Drohobytch, Bo- 
lekhov, Dolyna, Delatyn et Lantchyn. Autrefois pro- 
priété de l'Etat, elles étaient sous l'administration au- 
trichienne (offices administratifs de Bolekhov et de De- 
latyn). Depuis lors eBes soïit propriété du gouvernement 
ukrainien. En 1912, la production s'élevait à 51,988 t. 

L'exploitation du sel en Ukraine sera prochainement 
nMmopolisée par l'Etat. Cette mesure sera facile à réali- 
ser, parce que déjà à l'heure qu'il est, la production et la 
consommation du sel sont sous le contrôle de l'Etat. Vu 
la richesse énorme en sel de l'Ukraine, nous pouvons 
dire d'avance que le monopole du sel jouera un rôle im- 
portant dans les finances de ce pays. 

L'INDUSTRIE CHIMIQUE. 

Avant la guerre et particulièrement avant 1915, il n'y 
avait en Ukraine, comme en général en Russie, aucune 
industrie chimique, tous les produits étant importés de 
l'étranger, surtout de l'Allemagne. La longue durée de la 
guerre et le manque absolu de produits chimiques et 
pharmaceutiques ont forcé le gouvernement russe de s'oc- 
cuper de cette branche d'industrie. Mais comme tout ce 
qui a été fait dans cette direction n'avait d'çiutre but 



1«7 

que la déïense niilitaire, le développement de l'industrie 
chimique a pris, lui aussi, une direction tout à fait spé- 
ciale. 

L'ACIDE SCILFURIQUE. 

Le soufre se rencontre en Ukraine en petites quanti- 
tés dans un endroit près de Kertch, où il se trouve înter^ 
posé entre les couches de gypse. 

Le tableau suivant nous donne une idée de la pro- 
duction de l'acide sulfurique en Ukraine, en milliers de 
pouds : 

1®^ ^•^^ des fabriques 

Acide solforique GG^ Bé 955 1842 2675 

> > 60<' Bé 1770 2570 2926 

> > 52<> Bé 693 408 1015 
Olenm . — 49 2300 



Total 2732 4056 8916 

coTnme monohydrate 



: a: 



LE SEL DE GLA( 

Le sel de Glauber (Na^ S O4 + 10.H, O) sulfate de 
soude, se trouve principalement dans l'eau de mer et de 
certains lacs. On le trouve en Ukraine dans le ^uveme- 
ment de Tauride. 



En 1914 il a été extrait 13,233 ponds 
En 1915 > > 79,888 > 

La production du sel de Glauber artificiel était de : 

1913 6,000 ponds 

1916 5,600 > 

1917 19,000 > 

LE SALPÊTRE. 

L'on a entrepris pendant la ^erre la fabricatioB du 
salpêtre synthétique et d'ammoniaque que l'on obtient en 
grande quantités comme sous-produits de la distillation 



m 

du coke. La seule fabrique se trouve dans le gouverne-* 

ment dé Kàterihoslav. Sa production était de : 

Salpêtre Salpêtre 

d'ammoniaque synthétique 

1913 4,000 pouds — 

1915 .: 72,000 > _ . 

1916 367,600 . >,. — 

1917 570,000 > . 100,000 pouds 



of 



LES SULFATES ET LES BISULFATES. 



ri ' 



' . - 1 



Les sulfates et les bisulfates (Na HS O4) s'obtiennent 
comme produits de la fabrication des acides nitrique et 
chlorhydrique. 

Production de Ces sels en milliers de pîouds : 





^ 1913 ' 


1915 


1917 


Sulfatèd . . . 


: •- 1318 


834 


1080 


Bisulfates . . 


241 


582 


1408 



Rendement ma-, 
xlmum possible 

1360 
. . 1500 



' LA SOUDE. 

Lfes fabriques de soudé en Ukraine se trouvent dans 
lés gouvernements de Khàrkiv (à Lissitchàh^k -^' Liou-* 
bîiiibv Solvé & (jù.) et dé Katérînosîav (à Slaviansk — 
«Société du Sud de la Russie»). Pour la production on 
utilise la matière brute trouvée sur place. 

Voici la production, en milliers de pouds : 

1913 1915 1916 1917 Smum^'Sk^^^^^^ 

Soude calcinée . . 7270 5571 5858 4292 7800 

Soude caustique . . 2066 1985 2011 1692 2200 

Bicarbonate de soude 453 444 568 267 650 

Lfl POTHSSE. 

La production de potasse est très peu développée en 
Ukraine. Dans quelques localités du Kouban l'on extrait 
la potasse des cendres de' tournesol. La production atteint; 



;189 

dans la région de Kouban 5OO,0OQ, pQ^iu)^ par. aq. . En 
Ukraine on extrait la potasse des s.çls d^ potassium ;jj- 
70,000 pouds par an. .. , . . 

Les sels de potasse (Kalnit) se rencontrent en quanti- 
tés abondantes dans le district de Kalouche en Galicie. 
Les mêmes sels ne se rencontrent ailleurs dans le monde 
qu'à Strassfort en Allemagne. Ils sontj utilisés comme 
engrais. L'exploitation né commença qu'en 1887. La pro- 
duction en 1910 s'élevait à 15,000 t. 

LA PRODUCTION DE SELS. 

Le tableau cî-kIcssous montre la production, en 
Ukraine, des sels employés en technique, en milliers de 
pouds : 

1918 1916 1917 »f5^%rsS£ 

Sulfate de cuivre . , — 40 70 70 ^ 

Sulfate de fer . . . 24 20 12» 30 ' 

Ghlorure dé potasBium — 157 80 220 

ChloFuredemagnésium 11 2 10 70 

Sulfate de magnésium — 6 6 6 

Chlorure de bariuiû . 5 — — 6 

Chlorure de zinc . . 39 19 — 100 



LE BROME ET L'JODE. 

L'extraction du brome des algues de la Mer-Noire a 
été commencée pendant la guerre. La production : en 
1916 — 162 pouds ; 1917 —, SiOOO pouds ; l'usine en Cri- 
mée est calculée pour un rendement annuel de 10,000 
pouds. La demande en technique est de 125 pouds, pour 
la pharmacie — de 15,860 pouds. 

* • , 

En 1913 on a importé : brome — 2000 pouds, bromure 
de potassium et de sodium — 4610 pouds. 



190 

La productioa cl'iode existe à Tétat embryonnaire, 
à Katerinoslav dans le Laboratoire de chimie inorga- 
que de l'Institut des Mines. 

L'INDUSTRIE TEXTILE. 

En raison de la politique russe Tindustrie tex- 
tile en Ukraine n'existe presque pas. Tous les articles de 
cette industrie venaient de Moscou et de Lodz. La de- 
mande en Ukraine pour les produits de l'industrie textile 
est très grande ; pour les étoffes de coton, par exemple, 
elle s'élève à 4 milliards de pouds. 

Dans toute l'Ukraine il n'y a que peu de fabriques 
textiles : 1 dans le gouvernement de Katerinoslav, 3 dans 
le gouvernement de Kherson et 2 à Mélitopol en Tauride. 
Il est vrai que l'Ukraine ne possède point de matières 
premières, le coton ne pouvant pas être cultivé à cause 
des conditions du cUmat, mais l'industrie textile pour- 
rait se développer sur la base du coton importé de l'A- 
mérique ou du Turkestan russe. Le développement de 
cette industrie, vu la demande considérable, offre un 
beau champ d'activité au capital étranger. 

LE JUTE. 

L'industrie du jute est faiblement développée en 
Ukraine, car ni la Russie, ni l'Ukraine ne s'occupent elles- 
mêmes de la culture du véritable Jute. Ge produit était 
toujours importé. En Ukraine il n'y avait que deux gran- 
des fabriques de cette branche, l'ime à Odessa, l'autre à 
Kharkiv. En ce qui concerne l'industrie textile travail- 
lant le lin et le chanvre, manufacture de toiles, etc. — il 
existe 4 fabriques dont une dans le district de Soumy, 
gouvernement de Kharkiv, fabriquant de la grosse toile 
et des articles de corderie etc. ; 2 à Klimov, district No- 
vozybkov, gouvernement de Tchemihiv, 1 à Odessa. 



191 

« 

L'industrie de la corderie est plus éteadue en 
Ukraine ; Ton compte 15 fabriques de cette brsfnche. 

Volhynie 1 

Kharkiv 2 

Kherson 2 

Tchernyhiv .... 10 

L'industrie du tricotage est peu x'épandue, on ne 
compte que 5 fabriques (surtout fabrication des bas), 
dont 1 à Kharkiv, 1 à Kiev, 2 à Klintiy et 1 à Horki, les 
trois dernières dans le district de Souraje, gouvernement 
de Tchemihiv. 

Le tableau ci-dessous montre Tétat de l'industrie tex- 
tile en Ukraine, pendant le période de 1910 — 1912: 

En pouds 1910 1912 

Lin 6,166 2,693 

Lin peigné 1,000 1,000 

Filasse de lin 1,429 2,66a 

Fil — — 

peignures de lin ... . 2,425 11,504 

Tlssust de lin grossiers . . 60 22 

> > fins .... — — 

> > en couleur . — — 
Lingerie de table .... .--■ — 
Tissus d'embaUage . . . 4,104 226 

Chanvre 92^1 120,616 

Filasse de chanvre . . . 21,654 27,075 

> > > peigné. 2,140 4,343 
Peignure de chanvre . . 1,453 3,954 
Jute filé ....... 212,50a 273,076 

Tissus de chanvre . . . 16,000 18,000 

> > > d'emb. 900 920 

Tissus de jute d'embaUage 79,825 93,119 

Cordes et ficelles .... 197,518 219,811 

Sacs 374,941 484,558 

Ficelles d'emballage . . . 241,734 243,964 

Filasse de jute — 15,000 

Paillasses 1,216 1,003 

Nombre de fabriques . . 29 32 

Nombre dWvriers . . . 5,723 6,387 



192 

« 

LA LAINE. 

-. -• • . • • t • 

liexijste en Ukraine 3 fabriques seulement avec ins- 
tallation spéciale pour le lavage de- la laine, 2 dans le 
gouvernement de Kharkiv et 1 dans le gouvernement de 
Kherson. En outre, plus d'une quarantaine de filatures de 
laine et de fabriques de drap, à savoir : 



Volhynie . . 
Katerinoslav 
Kiev . . . 
Podolie . . 
Tchemyhiv . 



3 
2 
4 
23 
7 



La plupart fabriquent du drap grossier ordinaire. 

Deux centres de l'industrie textile de laine sont surtout 
importants: 1 (en Podolie-Dounaïvtzi, district de Ouchitza) 
où sont contentrées 22 fabriques de drap dont plusieurs 
fabriquent du drap fin ; l'autre, dans le gouvernement de 
Tchemhiv-Klintzy, district de Souraje, où l'on fabrique 
des draps de qualité supérieure. 

Le ta!bleau ci-dessous donne un aperçu sur l'état de 
l'industrie de la laine en Ukraine pendant la période de 
1910—1912: 

Laine de mérîiiios lavée . 
> artificielle .... 

Laine peignée . . . . 

Fil de laine apprêté . . . 

Tissus de laine grossiers . 

Tissus mi-laUie 

Feutre . 

Tissus de laine apprêtés . 

Articles de laine (couver- 
tures, plaids, châles, etc.) 

Ouate de laine 

Pelisses de mouton . . . 

Articles en laine divers 

Nombre de fabriques . . 

Nombre d'ouvriers . . . 



1910 


1912 


140,699 


160,319 


3,160 


6,136 


600 


660 


108,028 


116,998 


116,660 


138,168 


531 


663 


128.528 


137.832 


273 


2,883 


3,902 


6,086 


2,200 


1,600 


6,640 


6,209 


40 


40 


6,767 


4,786 



193 

L'INDUSTRIE DU BOIS. 

Edn 1912 il existait en Ukraine 276 entreprises indus- 
trielles pour travailler le bois, avec 10,116 ouvriers. Dans 
ce nombre: 185 scieries avec 5421 ouvries (enVolhynie — 
54, gouvernement de Kiev — 49, gouvernement de Tcher- 
nihiv — 33, de Kherson — 13, de Poltava — 11, de Podolie 
— 5, de la Tauride — 5, et de Kharkiv — 3). Fabrique de 
bois de placage pour l'ébénisterie 8 (gouvernement de 
Kiev 3, Volhynie — 2, Tchemihiv — 2 et Kherson — 1) ; 
23 parqueteries (Kharkiv — 6, Kherson -- 6, Kiev — 5, 
Volhynie — 4, Tdiemihiv — 1, Tauride — 1); 4 fabriques 
de clous et de formes pour cordonneries (toutes en Vol- 
hynie) ; 5 tonneries (Tchemihiv — 4, Podolie — 1) ; 
3 fabriques de bouchons (toutes dans le gouvernement 
de Kherson). 

L'INDUSTRIE DU PAPIER. 

L'industrie du papier est fort peu développée en 
Ukraine. Le plus grand nombre de fabriques se trouve 
en Volhynie, à savoir 12 fabriques avec 1344 ouvriers ; 
dans le gouvernement de Kherson — 23 avec 960 ou- 
vriers ; Kiev — 9 avec 901 ouvriers ; Kharkiv — 8 avec 
679 ouvriers ; Poltava — 5 avec 205 ouvriers, Podolie — 3 
avec 141 ouvriers, Tchemihiv — 1 avec 352 ouvriers ; 
Tauride — 2 avec 77 ouvriers et Katerinoslav — 2 avec 
26 ouvriers- Les fabriques qui ne produisent uniquement 
que du papier sont au nombre de 18, dont 8 en Volhynie. 
Fabriques de papiers mâchés — 3 avec 44 ouvriers (2 en 
Volhynie et 1 dans le gouvernement de Kharkiv); 5 fabri- 
ques de papiers peints, et de carton de Bristol (1 dans le 
gouvernement de Kiev et 4 dans celui de Kherson) avec 
240 ouvriers ; 11 fabriques de cartonnage et 20 fabriques 
de papier à cigarette ; 

13 



194 



Production du papier en Ukraine en 1912, 

Papier mâché blanc 639,274 pouds 

Carton en papier mâché blanc . . . 55,661 

Carton en papier mâché . . . . . 22,630 

Cellulose — 

Papier à lettre — 

Papier à écrire 22,630 

Papier d'imprimerie 161,297 

Papier peint 61,946 

Papier à cigarettes 110,726 

Papier de soie, papier & calquer . . 19,908 

Papier d'emballage en couleur • . . 92,243 

Papier à filtrer — 

Gros papier d'emballage 667,584 

Papier brun 132,200 

Papier jaune (de paille) 377,472 

Carton gris et brun . 239,685 

Carton de toUe 97,560 

Carton de Bristol 108 



LES ALLUMETTES. 

En 1912 il y avait en Ukraine 15 fabriques d'allumet- 
tes avec 4162 ouvriers. Le centre de cette industrie est 
dans le gouvémement de Tchernihiv, où se trouvent 8 fa- 
briques d'allumettes avec 3627 ouvriers. La production 
totale d'allumettes en Ukraine en 1912 était de 761,681 
boites dont 702,085 étaient fabriquées dans le gouverne- 
ment de Tchernihiv. La production d'allumettes en 
Ukraine représente les 20 % de la production totale d'al- 
lumettes dans la Russie entière. 



LE PÉTROLE. 

Les sources de pétrole les plus nombreuses et les plus 
productives sont situées en Galicîe orientale et s'étendent 
le long des Carpathes sur tout le parcours depuis le Sa- 



195 

nok jusqu'à la Nadvorna et la BoJiorodtchany. Les géolo- 
gues compétents prétendent que de nouvelles sources iné- 
puisables se rencontreront successivement dans la direc- 
tîon de l'ouest. 

Les réserves naturelles les plus importantes se trou- 
vent actuellement dans les districts de Kolomya et de 
Petchenijyn, à Borysilav et Tustanovytchî (district de Dro- 
hobytch), à Bitkov (district de Bahorodtchany et de So- 
lotvina), à Maydan et localités environnantes, près de 
Lantchyn dans le district de Nadvirna. Dans le district 
de Sanok on procède aux premiers travaux de forage. 

Qualité : 5 — 19 % de benzine, 38—45 % de kérosine, 
5—13 % de paraffine, 15—25 % d'huile lubréfiante et 
3—6 % d'asphalte. Le reste, environ 15 % est inutilisable. 
La production annuelle, avant la guerre, se montait à 
1,200,000 t. (1,187,000 t. en 1912), ce qui représente ap- 
proximativement 4 % de la production mondiale. 

Les capitaux engagés sont presque exclusivement 
étrangers. Les Vs sont entre les mains de Belges, d'An- 
glais, de Français et Vio entre les mains des Allemands. 
Depuis 1908, époque à laquelle les Anglais commencèrent 
à se retirer par suite de difficultés passagères, ce furent 
les capitaux allemands qui prirent la place. Les principa- 
les entreprises actuelles sont : «la Carpathia», «la Gali- 
cia», Fanto & Cie., la Société annonyme pour l'Industrie 
de Naphte. 

Les producteurs ukrainiens ont leur propre associa- 
tion «Pidoîma» dont le siège principal se trouve à Tous- 
tanovytch-^Drohobytch. 



196 

LA HOUILLE BLANCHE. 

L'absence de chutes d'eau, ainsi que les pentes peu 
accusées des cours d'eau en Ukraine ne permettent' pas 
d'utiliser l'énergie hydraulique dans la même proportion 
qu'en Suisse. 

Pourtant, certains travaux hydrauliques à entrepren- 
dre pourraient donner une quantité considérable d'éner- 
gie. Par exemple, l'éclusage des rapides sur le Dnipr. 
Cette question n'est pas nouvelle : la nécessité de con- 
tourner les rapides du Dnipr qui entravent la navigation 
entre Kiev et la Mer-Noire s'est fait sentir depuis long- 
temps. Si cette question n'a point encore été résolue, il 
faut enchercher la cause dans l'abandon complet, dans 
lequel les questions vitales, concernant les besoins du 
pays, étaient laissés autrefois* 

Dès les premiers moments de l'existence de la Répu- 
blique ukrainienne, cette question fut mise en avant et 
en 1918 déjà 8 millions de roubles ont été votés pour 
l'étude du projet et la construction de voies de commu- 
nications, pour le matériel de construction. A cause des 
dificultés financières ce projet reste très modeste — uti- 
lisation de 400,000 HP seulement ; pourtant, dans des 
conditions favorables, le cadre de ce projet pourrait 
être considérablement élargi. Toutes les usines et les fa- 
briques dans la région entre Katerinoslav et Kharkiv 
pourraient être électrifiées. En outre, la rivière du Bouh 
Méridional peut donner une force de plus de 10,000 HP ; 
la rivière du Ross (sur laquelle existe déjà une station 
électrique centrale à Korsoun), la rivière du Teterev, 
peuvent fournir l'énergie électrique aux usines et aux 
fabriques, de même qu'aux centres populeux de la ré- 
gion. 



197 

En résumé, on peut dire que cette branche de l'in- 
dustrie attend encore son développement et que dans ce 
domaine un vaste champ est ouvert au placement des 
capitaux étrangers. 



Les chemins de fer de l'Ukraine. 

On ne peut pas se représenter le développement cul- 
turel et économique d'un pays sans penser aux voies de 
communications rapides et commodes. 

C'est pourquoi il est tout naturel que dans chaque 
état en formation l'on prenne tout particulièrement en 
considération les voies de communication et les possibi- 
lités de leur création. 

Les voies de communication sont le facteur qui pré- 
cède et qui crée le développement économique d'un pays. 

Nous avons actuellement en Ukraine environ 17,855 
km. de chemins de fer exploités : 16,944 km. à voie nor- 
male et 911 km. à voie étroite. 

Vs environ de tout le réseau appartiennent à l'Etat, le 
reste appartient à des compagnies privées. 

En outre, environ 4000 km. sont en construction. Sur 
1000 km. carrés de surface nous avons, en Ukraine, en- 
viron 26 km. de chemins de fer (en France, environ 
93 km.). 

D'après les calculs basés sur les données du Contrôle 
de l'Etat la dette totale des chemins de fer de l'Ukraine 
au 1er janvier 1914 se montait 'à 1,252,420,470 de roubles 
avec un paiement annuel des intérêts de 56,111,862 de 
rouibles. 

Sans une étude détaillée des rapports des Administra- 
tions de chemins de fer il est difficile de déterminer le 
chiffre réel des revenus des chemin® de fer de l'Ukraine. 

Gomme on le sait, grâce au système du trésor unique 
appliqué dans l'ancien empire russe, tous les revenus des 
chemins de fer passaient dans le trésor commun et les 



199 

chemins de fer lucratifs de l'Ukraine couvraient les défi- 
cits des chemins de fer de la Sibérie et de la Grande 
Russie. 

Pour trouver le montant du bénéfice net dans une 
entreprise de chemin de fer, nous devons faire le bilan 
entre le bénéfice brute et les dépenses. C'est ce que nous 
avons fait pour une partie des Chemins de fer du Sud- 
Ouest. Ce travail nous prouve que les données du Con- 
trôle de l'Etat doivent être sensiblement rectifiées en 
ce qui concerne la détermination du chiffre de la dette 
des chemins de fer ukrainiens. Par rapport aux 
chemins de fer privés il faut aussi remarquer, par 
exemple pour le chemin de fer Mosoou-Kiev-Voronège, 
que la partie qui se trouve sur territoire ukrai- 
nien est la plus lucrative et couvre les déficits de 
la partie nord du chemin de fer de cette Compagnie. 
Toutefois, quel que soit le montant de la dette, la Répu- 
blique démocratique ukrainienne le reconnaîtra et il ne 
faut pas s'en effrayer, mais au contraire, il faut commen- 
cer immédiatement par encourager le plus possible la 
construction de chemins de fer nouveaux. 

En Ukraine nous avons de la houille et un excellent 
minerai de fer. Ceci est une raison de plus pour nous 
de ne pas craindre de faire des dépenses pour les entre- 
prises utiles. 

Pour la construction d'un chemin de fer, il faut en- 
viron 135 tonnes de métal par verste (15/14 km) ; il faut 
en avoir en outre pour le matériel roulant suivant la 
quantité de ce dernier. En se basant sur le programme 
minimum pour l'Ukraine, notamment la construction de 
5000 km par an, il faudrait (le matériel roulant compris) 
environ l^/j million de tonnes de métal. 



200 

Si l'on ajoute que le réseau des chemins de fer déjà 
existants nécessite aussi du métal, que le métal est éga- 
lement nécessaire à la population et à Tindustrie, qu'en- 
fin, la Région de Kouban, la Grande Russie, etc. en ont 
aussi besoin, il est clair, que non seulement les usines 
métallurgiques existantes devront développer leur acti- 
vité, mais encore, que la question de la création de nou- 
velles usines, devra se poser, sans aucun doute. 

L'activité intense des usines métallurgiques nécessi- 
tera à son tour l'augmentation de l'extraction de la 
houille. 

Il en résulte que, grâce au fait que l'Ukraine possède 
de la houille et du minerai de f èr, il se créera dans ce pays 
un cycle économique, déterminé par la construction des 
chemins de fer. 

Ce mouvement cyclique économique qui commencera 
longtemps encore avant l'achèvement des constructions, 
contribuera sans doute beaucoup à l'animation du pays. 

Il est à craindre que ce grand besoin de métal n'en- 
trave la construction des chemins de fer. En effet, les 
bandes bolchévistes ont réduit la plupart des entreprises 
minières à un tel état qu'après le rétablissement de l'or- 
dre dans le pays il faudra au moins une année pour ar- 
river au rendement normal nécessaire des mines de fer, 
c'est-^à-dire à environ 5,000,000 de tonnes par an. Pour ce 
qui concerne la propriété même des minerais de fer et 
de la houille, ^Ukraine s'est assurée de cette propriété 
d'une façon absolujnent complète. 

Pour citer un exemple, avant la guerre, le bassin du 
Donetz rapportait jusqu'à 27,000,000 de tonnes de houille 
par an. Cette quantité peut être facilement doublée si l'on 
construit dans cette région environ 600 km de chemins 



201 

de fer mettant en communication les puits et facilitant 
les conditions du travail. 

En général, l'exploration des richesses minérales de 
l'Ukraine est loin d'être achevée et l'on est en droit d'ad- 
mettre que ce pays cache encore beaucoup de richesses 
inconnues. 

Ainsi, l'on sera amené à développer également, simul- 
tanément avec la construction des chemins de fer, celle 
de chaussées et de routes servant d'accès aux stations de 
chemins de fer — d'autant plus que ces constructions 
manquent généralement en Ukraine. Tandis qu'en 
France, sur chaque km. de chemins de fer nous avons 
environ 12 km. de chaussées — en Ukraine nous ayons 
seulement 0,4 km. Il est à remarquer également, que les 
lignes qui seront construites à l'ouest (en comptant à 
partir de la ligne Kiev-Odessa) devront être à voie nor- 
i^iale comme celles des chemins de fer de l'Europe oc- 
cidentale, de façon à ce que la nouvelle ligne Kiev-Jito- 
mir-Tamopol, par exemple, permette d'expédier de 
l'Ukraine au dehors et de recevoir les marchandises de 
l'étranger sans transibordement 

Actuellement, grâce à la différence d'écartement 
des voies on doit procéder au transbordement de toutes 
les marchandises aux stations-frontières. 

n est vrai qu'en ce qui concerne le principal produit 
d'exportation, le blé, expédié par mer, cela n'a pas d'im- 
portance, quoique le blé soit exporté en quantités con- 
sidérahles, à savoir t 

d'Odessa environ 98,000,000 pouds, 
de Nikolaiv environ 91,000,000 pouds, 
de Kherson environ 60,000,000 pouds. 



I 



202 

Mais par rapport à toutes les autres marchandises, 
surtout les marchandises importées, l'unification de 
récartement des voies est très importante. 

n y aura lieu en outre de modifier l'ancienne politi- 
que ferroviaire d'une manière définitive. Dans le temps, 
grâce au manque d'entrepôts à la campagne et des diffi- 
cultés de transport jusqu'aux stations de chemins de fer, 
la loi obligeait les chemins de fer, d'accepter les mar- 
chandises en dépôt pour le cas où il était impossible de 
les expédier immédiatement. De cette façon, le chemin 
de fer devenait non seulement l'entreprise de transport, 
mais aussi celle de dépôt. En outre, grâce au développe- 
ment insuffisant du crédit dans le pays, le récépissé du 
chemin de fer accusant réception des marchandises à 
expédier, représentait une valeur, que l'on pouvait es- 
compter à la banque. Ces fonctions, qui transforment les 
chemins de fer en entreprises dei dépôts et institutions 
de crédit, doivent en être définitivement séparées, dût-on 
même recouvrir au moyen de la création de tout un ré- 
seau d'élévateurs d'Etat, ou par un autre moyen quel- 
conque — ceci est une question secondaire — mais cette 
séparation en elle-même, doit être effectuée. 

Enfin, la question des tarifs doit être revue à fond. 

Dans le temps, où (avec raison) ils se trouvaient entre 
les mains de l'Etat, ils servaient de moyen à la politique 
économique. Il en est résulté qu'en élsâ)orant les schémas 
des tarif s l'on se souciait fort peu de l'augmentation des 
revenus de l'entreprise. On avait la tendance d'influencer 
par l'intermédiaire des chemins de fer le cours du dé- 
veloppement de l'économie publique dans le sens désiré 
par le gouvernement de cette époque et du point de vue 
des intérêts généraux de l'Etat 



208 

En un mot, l'idée directrice dans la question des ta- 
rifs, était la protection' de Tindustrie gouvernementale 
russe contre sa concurrence, en anéantissant les avan- 
tages, dont rUkraine jouissait de part, sa situation géo- 
graphique privilégiée. 

Toutes ces tendances centralisatrices des temps an- 
ciens doivent définitivement disparaître. 

L'Ukraine, un des plus riches pays du monde, avec 
son sol d'humus merveilleux, ses riches gisements de mi- 
nerais et de houille a toutes les chances pour un dévelop- 
pement rapide et brillant. Mais avaijt tout faudrait-il déve- 
lopper le réseau des chemins de fer et des chaussées, car 
aux saisons des mauvaises routes, au printemps et en au- 
tomne, beaucoup de localités se trouvent littéralement 
séparées du reste du monde. 

Les richesses naturelles de l'Ukraine donneront au 
peuple libre la possibilité de s'associer à la culture mon- 
diale. 

Les capitaux engagés dans les constructions des che- 
mins de fer de l'Ukraine seront non seulement bientôt 
remboursés, mais commenceront immédiatement à don- 
ner de brillants revenus. 

La Galicie-orientale possède deux lignes de chemins 
de fer principales allant de l'ouest à l'est et se débran- 
chant de tous côtés à Lviv, Stryi, Stanislaviv, Tamopol 
et Tchortkiv. E-n Boukovine, c'est Tcbemovitz (Tcher- 
nivtzi) qui forme le centre du réseau des chemins de fer. 

Les directions d'arrondissements sont établies à 
Lviv (Léopol), Stanislaviv et Tchernivtzi. 

La Galicie-orientale et la Boukovine possèdent neuf 
voies de communication avec l'Ukraine, deux avec l'ouest 
(dont l'une est à double voie), une avec la Roumanie et 
trois avec la Hongrie. 



Table de matières. 



Page 

Avant'-Propos 3 — 4 

Aperçu historique de l'Ukraine 5—8 

Les limites ethnographiques de l'Ukraine. 

Nombre et répartition des Ukrainiens dans 

leur pays 9—24 

Les peuples de l'Ukraine 25 — 40 

Caractéristiques anthropologiques des Ukrainiens 41—50 

La langue ukrainienne 51 — 60 

Du développement de l'idée nationale politique 

en Ukraine 61—67 

Les traditions et les tendances historio-poli- 

tiques des Ukrainiens 68 — 84 

La culture ukrainienne 85 — 89 

L'art ukrainien 90—99 

Le climat de l'Ukraine 100—106 

La flore et la faune de l'Ukraine 107 — 126 

Agriculture 127—151 

Elevage des bestiaux * . . 152—157 

La houille en Ukraine 158—164 

Le coke et les produits de la destination de la houille. 164 — 166 

La tourbe 166 

Le graphite 167 

Le minerai de fer 168 

Le minerai de manganèse 171 

L'industrie métalltirgique 172 

La mercure 177 

L'argile 178 

L'industrie des briques et des tuiles 179 

La faïence et la porcelaine 180 

Fabrication du ciment 180 

La verrerie 181 

Les phosphorites 181 



n 

Page 

Le sel 184 

L'industrie chimique 186 

L*acide sulfurique 187 

Le sel de Glauber 187 

Le salpêtre 187 

Les sulfates et les bisulfates 188 

La soude . 188 

La potasse 188 

La production de sel . 189 

Le brome et Tiode 189 

L'industrie textile 190 

Le jute 190 

La laine 192 

L'industrie du bois 193 

L'industrie du papier 193 

Les allumettes • • • 194 

Le pétrole 194 

La houille blanche 196 

Les chemins de fer de l'Ukraine 198 

Un verste 1,07 km 

Un sajen 2,13 m 

Une déclatine .... 1,09 hect. 

Un poud 16,38 kg 

Principaux auteurs consultés: 

D' S. ROUDNITZKY, p. d. de géographie à TTIniversité 
de Lemberg : i® U Ukraine, son territoire et son peuple. 
2^ UUkraine^ notre patrie. 

D' M. KORDOTJBA: Le territoire et la Population de 
V Ukraine. Berne 1919. 

J. FESTCHENKO-TCHOPIVSKY, prof, à TEcole Poly- 
technique à Kiev : Les richesses de V Ukraine. Kiev 1918. 

B. DZINKEVITCH, Chef du Bureau de Statistique à Kiev : 
Production du sol en Ukraine. Kiev 1918. 



Cet ouvrage contient une carte ethnographique de r Ukraine en 
couleur hors texte. 




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